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Intervention de Pierre Arwidson

Réunion du 16 février 2011 à 16h00
Mission d'information assemblée nationale-sénat sur les toxicomanies

Pierre Arwidson, directeur des affaires scientifiques de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la sant :

Mme Thanh Le Luong, directrice générale de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES), vous prie de bien vouloir excuser son absence et se tient à la disposition de votre mission pour toute information complémentaire.

Succédant au Comité français d'éducation pour la santé, l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé est un établissement public créé en 2002, dont la mission est de conduire les programmes de prévention et d'éducation pour la santé dans le cadre des plans nationaux de santé publique. Les cent quarante personnes qu'il emploie s'efforcent, avec un budget d'environ 120 millions d'euros, de couvrir l'ensemble des sujets de prévention, en se situant en amont des soins.

La recherche sur la prévention de l'usage des substances psychoactives auprès des jeunes a maintenant plusieurs dizaines d'années et a été majoritairement conduite aux États-Unis. Des approches successives ont été testées ; elles ont évolué et se sont sophistiquées.

La première approche visait à souligner le danger des produits et à utiliser le ressort de la peur. Elle a laissé place à une approche tendant à augmenter les capacités de résistance à la pression des pairs, comme apprendre à dire « non ». Celle-ci a permis d'instaurer des méthodes éducatives intégrant des mises en situation beaucoup plus concrètes que des séances d'information où les jeunes demeuraient passifs.

Des programmes fondés sur l'idée que les moteurs principaux de la consommation résident dans l'influence sociale et la conformité à des normes, réelles ou imaginaires, se sont ensuite développés. D'autres, plus récemment, – tel celui du Pr Gilbert Botvin, de l'Université Cornell –, ont complété le travail sur l'influence sociale par une démarche fondée sur des éléments de psychologie individuelle : gestion de l'anxiété et de la timidité, aide à la résolution de problèmes d'ordre scolaire ou familial. Certains de ces programmes ont démontré leur efficacité dans la réduction de la consommation en comparaison à des groupes témoins.

Les interventions, principalement en milieu scolaire, se sont alors déplacées vers la sphère familiale, suite aux travaux de M. Resnick qui ont mis en évidence son importance. L'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) a ainsi publié, en 2009, une revue internationale des cent trente programmes dits « de parentalité » existants.

Un programme de soutien aux familles et à la parentalité, repéré par une méta-analyse Cochrane de David Foxcroft, nous a particulièrement intéressés : son objectif consistait, en sept ou quatorze séances, à améliorer la communication et la gestion des conflits au sein de la famille et à établir des règles et des rituels familiaux. Une évaluation réalisée par Richard Spoth a montré que ce programme avait permis, en quatre ans, de réduire l'initiation à la consommation d'alcool de 26 %, à l'ivresse de 40 %, à la consommation de tabac de 34 % et à la consommation de cannabis de 55 %.

La recherche sur l'usage des campagnes médiatiques et du « marketing social », beaucoup plus récente, a donné lieu à beaucoup moins d'articles. Les conclusions de l'équipe de David Hawks, publiées par l'Organisation mondiale de la santé, en 2002, ont montré que les campagnes médiatiques étaient capables d'alerter sur les dangers de l'usage, mais qu'elles ne permettaient pas de réduire la consommation lorsqu'elles étaient utilisées seules. En 2008, Robert Hornik a évalué une grande campagne médiatique américaine – à laquelle l'État avait consacré 1 milliard de dollars entre 1998 et 2004 –, sans trouver de corrélation entre le niveau d'exposition à cette campagne et la consommation de cannabis chez les jeunes.

Il apparaît de manière récurrente qu'une campagne médiatique, quel que soit son objet, doit être intégrée dans un dispositif global plus vaste.

L'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé travaille sur deux axes complémentaires : d'une part, prévenir ou réduire la consommation de substances psychoactives ; d'autre part, prévenir ou réduire les conséquences liées aux addictions chez les consommateurs. Nous collaborons étroitement avec la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie et notre activité s'inscrit dans le plan gouvernemental de lutte contre les drogues et les toxicomanies pour la période 2008-2011.

Nous avons conduit deux des trois campagnes médiatiques de ce plan : une campagne d'alerte lancée en 2009 – « Drogues : ne fermons pas les yeux » –, qui confrontait l'image positive de la drogue à ses conséquences négatives, et une campagne sur la responsabilité des parents et des proches, menée en 2010 – « Contre les drogues, chacun peut agir ».

Nous éditons des documents d'information pour le grand public, comme Drogues et dépendance. Nous projetons d'éditer une série d'ouvrages consacrés à l'aide à la parentalité et aux compétences psycho-sociales. Nous éditons également des documents destinés aux usagers de drogues ainsi qu'aux professionnels qui les entourent.

Nous assurons la coordination des services d'aide à distance Drogues info service et Écoute cannabis, qui, avec Écoute alcool, reçoivent 80 000 appels par an. Durant les trois dernières semaines de 2010 – pendant notre campagne sur la parentalité – Drogues info service a reçu plus de 12 000 sollicitations, soit trois fois plus qu'un mois avant. Parmi les appelants, 65 % étaient des proches d'usagers de drogues – des parents dans 63 % des cas –, 34 % des consommateurs et 1 % appartenaient au grand public ou étaient des professionnels.

Nous fournissons gratuitement du matériel d'injection stérile aux associations demandeuses – environ 100 000 kits par an – et nous subventionnons le remplacement de deux à trois automates distributeurs de tel matériel par an – sur un parc de deux cent soixante-dix distributeurs de trousses et de deux cent cinquante-sept échangeurs-récupérateurs. Cette activité, marginale par rapport au dispositif général, permet d'éviter les ruptures de service. Nous distribuons aussi des préservatifs gratuits.

Nous publierons prochainement, conjointement avec l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies, les résultats du Baromètre santé 2010 concernant les drogues illicites. Nous sommes associés à des enquêtes comme la European school survey project on alcohol and other drugs (ESPAD), menée auprès des élèves de seize ans et l'enquête sur la santé et les consommations lors de l'appel de préparation à la défense (ESCAPAD), une enquête qui concerne plus spécifiquement les adolescents français de dix-sept ans, en liaison avec la journée de préparation à la défense. Nous collaborons aussi à des enquêtes auprès des sans-domicile fixe, comme l'enquête SAMENTA, menée avec le SAMU social, et auprès des centres de réadaptation. Nous lancerons prochainement une enquête sur le rôle des médecins du travail dans la prise en charge des addictions.

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