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Intervention de Pierre Mathieu

Réunion du 10 mai 2011 à 18h15
Commission d'enquête sur la situation de l'industrie ferroviaire française: production de matériels roulants voyageurs et frets

Pierre Mathieu, vice-président du Groupement des autorités responsables de transport, GART, vice-président de la région Champagne-Ardenne :

Les 20 milliards d'investissements que j'évoquais ne prennent en compte ni les projets franciliens, ni ce qu'il conviendrait de faire pour répondre aux objectifs du Grenelle s'agissant des reports modaux. C'est pourquoi les donneurs d'ordres doivent avoir des moyens suffisants.

Sans céder au catastrophisme, je me référerai à la situation en Champagne-Ardenne, car elle est très probablement transposable aux autres régions. Les dotations que nous recevons de l'État pour le matériel roulant découlent des règles de la décentralisation engagée en 2002 : elles s'élèvent à 5 millions d'euros par an, soit depuis 40 millions d'euros, au total ; or, nos investissements ont atteint au cours de la période 240 millions d'euros. Le tram-train a évidemment un bel avenir ; mais, pour tout investissement nouveau – même s'il s'agit de l'exploitation –, nous ne recevons plus aucune dotation de l'État. Sur ce sujet, la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains dite « SRU » prévoyait pourtant qu'un rapport devait être adressé au Parlement et qu'il serait suivi d'un débat. Si un rapport a été rédigé par l'Association des régions de France (ARF), le débat, lui, n'a jamais eu lieu.

La région Champagne-Ardenne a été, avec les régions Picardie et Lorraine, la première à être confrontée au problème de l'exploitation de certaines lignes à grande vitesse. Nous avons, pour ce faire, négocié une compensation auprès de l'État, laquelle reste d'ailleurs partielle. Mais le matériel roulant a aussi été confié aux régions, ce qui représente, dans notre cas, une augmentation du parc de 35 %, pour un investissement de 120 à 130 millions d'euros – Alstom et Bombardier sont évidemment très au fait du dossier. Or, nous ne percevons aucune aide de l'État pour cela. Certaines régions ont ainsi été amenées à différer leurs commandes, si bien que l'on observe même désormais certaines régressions de l'offre de transports en lien direct avec ces contraintes financières.

Il est très rare d'arriver à des niveaux de commandes de plusieurs centaines de rames – y compris à l'échelle internationale. Ce n'est certes pas le cas pour les tramways et, si le GART na pas vocation à exercer une quelconque tutelle sur les collectivités, un appel d'offres groupé comme celui de Brest et de Dijon – moyennant une personnalisation du design – ne peut que contribuer à la diminution des coûts. On peut aussi s'interroger, dans cette optique, sur le niveau de sophistication des matériels et, sans qu'il soit évidemment question de transiger avec la sécurité, sur des exigences particulièrement lourdes voire excessives en matière de normes.

S'agissant des appels d'offres, des marges de progrès sont assurément possibles. Les régions commandent et paient, mais, aux termes de la réglementation, c'est la SNCF, dont nous ne contestons évidemment pas l'expertise, qui passe le marché ; or, les intérêts ne sont pas forcément convergents, dans la mesure où l'exploitant, soucieux du coût d'entretien des rames – lequel, sur la durée de vie d'un train, atteint souvent le niveau du prix d'acquisition –, peut pousser à certaines dépenses lors du processus de fabrication. Certaines propositions d'équipements sanitaires nous avaient ainsi semblé pour le moins surréalistes – d'autant que ce sont toujours les autorités organisatrices de transports qui en financent l'entretien. Bref, ce qui est possible dans certains pays de l'Union européenne doit aussi l'être en France.

On ne peut qu'être d'accord sur ce que vous avez appelé la traçabilité et la transparence. Reste que les autorités organisatrices des transports exercent une forte pression pour les délais, qui semblent parfois longs au regard de l'urgence des besoins : que ce soit avec Bombardier ou Alstom, il nous arrive « d'essuyer quelques plâtres » pour les mises en service, car les temps nécessaires au rodage des matériels ne sont pas toujours pris en compte.

Les autorités organisatrices souhaitent évidemment le meilleur rapport qualité-prix, encore faut-il savoir dans quelles conditions de sous-traitance. À cet égard nous devons réfléchir à l'élaboration du cahier des charges ; tous les éléments doivent être transparents, y compris de la part des industriels qui répondent aux appels d'offres. Enfin, s'il est un modèle étranger à suivre ou qui pourrait être une source d'inspiration, c'est sans doute celui de la Suisse – ce qui nous changera un peu du traditionnel « modèle allemand ».

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