Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Vincent Delozière

Réunion du 30 mars 2011 à 16h00
Mission d'information sur la compétitivité de l'économie française et le financement de la protection sociale

Vincent Delozière, directeur général de Refresco France :

Refresco France fabrique des jus de fruits et des boissons sans alcool pour des marques de distributeurs comme U, Leclerc ou Carrefour, et travaille pour des donneurs d'ordres et des opérateurs marketing comme Coca-Cola, Pepsi-Cola ou Orangina-Schweppes. En France, nous employons 500 salariés répartis sur trois sites de production. Nous appartenons à un groupe européen qui compte plus de 3 000 personnes et nous avons trois moteurs de croissance : l'innovation, le développement durable et nos salariés.

Au sujet de la compétitivité de l'industrie agroalimentaire, trois problématiques doivent être évoquées.

La première concerne la croissance et le développement. Nous avons la chance de ne pas pouvoir produire de boissons en Chine, en raison des dates limite de consommation et des modalités de transport qui seraient très contraignantes. Nos concurrents sont donc européens. Nous avons également la chance de bénéficier d'un marché français dynamique, exigeant et innovant. Notre développement nécessite donc des investissements. Si nous créons des emplois et si nous nous efforçons de créer de la valeur, l'accompagnement de notre croissance pâtit néanmoins d'une certaine lenteur administrative. En voici trois exemples.

Il est nécessaire de remplir un dossier d'installation classée pour la protection de l'environnement avant de créer une nouvelle ligne de production, laquelle coûte environ 15 millions d'euros, quand un investissement pour une usine s'élève à 100 millions d'euros. Nous avons déposé un dossier au mois d'octobre 2009 en vue de créer une nouvelle ligne de production sur notre site de Saint-Alban-les-Eaux. Seize mois plus tard, nous n'avons toujours pas reçu l'autorisation ! Toutefois, comme il était essentiel pour nous de ne pas perdre ce marché, nous avons, la semaine dernière, mis en route cette ligne de productions pour le donneur d'ordres PepsiCo, dont nous fabriquons la marque Lipton.

Ensuite, l'accessibilité de ce site, où nous employons environ 150 personnes, demeure difficile alors que chaque jour y arrivent plus de 300 camions. En 2008, le conseil général a décidé de construire un rond-point : à ce jour, il n'est toujours pas construit.

Enfin, en tant que filiale d'un groupe, Refresco France n'est pas considérée comme une entreprise moyenne et ne peut donc plus recevoir d'aides publiques. Or, nous sommes en concurrence avec nos homologues des autres pays européens où notre groupe compte 28 usines. L'une des filiales de Refresco a investi dans un entrepôt situé dans l'est de l'Allemagne à hauteur de six millions d'euros, dont 30 % proviennent d'aides publiques. Dans le Loiret, une PME familiale, réalisant 350 millions d'euros de chiffre d'affaires, a investi 15 millions d'euros dans notre pays et a bénéficié d'une aide à hauteur de 25 %. En ce qui nous concerne, nous avons investi en France ces neuf dernières années 95 millions d'euros et nous avons créé plus de 130 contrats à durée indéterminée sans jamais avoir reçu d'aides publiques. Même s'ils nous ont jusqu'à ce jour toujours suivis, nos actionnaires choisissent malheureusement des projets plus profitables et moins consommateurs de liquidités.

La deuxième problématique concerne la qualification et la formation ainsi que, plus globalement, les ressources humaines.

Avec les investissements que nous réalisons dans de nouvelles lignes de production, nous avons besoin d'une véritable expertise. Or le marché français de l'emploi et de la formation professionnelle n'est pas toujours adapté à nos besoins : des bacheliers professionnels pourraient fort bien occuper des postes d'opérateurs sur machine mais nous sommes contraints de recruter des personnes disposant d'un « bac + 2 » ; les techniciens se recrutant quant à eux entre « bac + 3 » et « bac + 5 » sans qu'ils puissent d'ailleurs pouvoir faire partie de l'encadrement pour des raisons de coûts.

La formation en alternance, en revanche, constitue un excellent moyen pour accompagner les jeunes. Nous embauchons ainsi vingt apprentis par an qui forment un véritable vivier de nouvelles compétences. À Roanne, où nous avons créé la nouvelle ligne de production ainsi qu'une trentaine d'emplois, nous avons mis en place un pôle d'apprentissage en partenariat avec Pôle emploi. Nous nous sommes également regroupés avec d'autres entreprises agroalimentaires afin de mettre en place une véritable filière de formation professionnelle et d'embaucher, finalement, ces jeunes dans nos usines. Chaque année, nous investissons 5 % de notre masse salariale, soit environ un million d'euros, dans la formation – ce qui est cinq fois plus que l'obligation légale. J'ajoute que si, en Rhône-Alpes, nous n'avons reçu depuis dix ans aucun soutien financier pour former nos jeunes, nous avons été aidés en Bourgogne à hauteur de 50 %, soit près de 200 000 euros pour les trois dernières années. Nous ne pouvons bien évidemment que tenir compte de ces différentes pratiques régionales…

La troisième problématique, enfin, concerne l'augmentation du prix des matières premières. En 2010, elle s'est élevée pour nous à environ 10 millions d'euros. La grande distribution refuse de répercuter ces hausses, car elle ne souhaite pas, à ce jour, augmenter le prix de vente aux consommateurs. À ce propos, il me semblerait bénéfique de ne plus légiférer sans cesse sur les relations entre commerces et grande distribution, qui sont d'ailleurs défavorables aux petites et moyennes entreprises, toujours situées entre le marteau et l'enclume. Refresco travaille avec trois fournisseurs brésiliens qui livrent 95 % des jus de fruits en Europe. Ces derniers, inutile de le préciser, se rencontrent régulièrement et leurs prix sont identiques. Si nous voulons continuer de livrer nos six clients de la grande distribution, nous sommes donc contraints d'accepter les hausses de prix. Et si l'on ne veut pas mettre en péril notre tissu économique et nos emplois, la hausse des prix de vente aux consommateurs est inéluctable – elle a d'ailleurs commencé.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion