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Intervention de Patrice Calméjane

Réunion du 2 février 2011 à 16h00
Mission d'information assemblée nationale-sénat sur les toxicomanies

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrice Calméjane, déput :

On se rappelle l'« aller-retour législatif » de l'Espagne à propos de la dépénalisation de l'usage du cannabis. Les risques induits par la consommation de cette substance ne laissent pas d'inquiéter si l'on pense par exemple que, lors des sorties scolaires, des classes entières sont confiées à des chauffeurs d'autocars… Peut-on efficacement détecter la présence de cannabis dans l'organisme comme on détecte la présence d'alcool en fonction du taux de gamma-GT ? Quel devrait être le rôle de la médecine du travail et de la médecine scolaire ? Quelles actions entreprendre pour sensibiliser les adolescents à des dangers qu'ils ignorent ?

M. le professeur Paul Lafargue. Le taux de gamma-GT ne servant qu'à signaler une induction enzymatique, le mesurer est selon moi sans intérêt. Nous disposons de tests immunologiques parfaitement efficaces de dépistage de la présence de cannabis dans l'organisme, mais leur fiabilité est mise en cause pour de bien mauvaises raisons. Le coût d'un tel test est d'environ 13 euros ; s'il faut, comme le soutiennent certains, en passer à chaque fois par la chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse, le coût unitaire du dépistage est compris entre 250 et 300 euros. Autrement dit, en niant la fiabilité des tests immunologiques, certains analystes défendent leur intérêt – et ce n'est pas la première fois. En 1992 déjà, M. Jean-Claude Gayssot, alors ministre chargé des transports, avait constitué une commission interministérielle chargée de définir les moyens propres à renforcer la sécurité routière. Mais le chiffrage de l'étude épidémiologique, fondée sur des tests réalisés par chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse, était apparu budgétairement insupportable. Il ne s'agissait pourtant que de se faire une idée du nombre de sujets consommant des substances psychotropes et conduisant ; dans cette optique, une imprécision de 3 % était de peu d'importance. Il en est résulté que l'étude entreprise a été limitée aux conducteurs responsables d'accidents mortels, soit une cohorte très faible – et les tests de dépistage du cannabis au volant ont mis très longtemps à entrer dans les moeurs.

Le dirigeant d'une société de transport conscient de ses responsabilités s'attachera à mettre en oeuvre la recherche de conduites toxicophiles chez les chauffeurs qu'il emploie : addiction à l'alcool et aux drogues mais aussi aux médicaments, puisque la France occupe la première place mondiale du douteux palmarès de la consommation de benzodiazépines. Bien entendu, le secret médical demeure : de même que le médecin du travail peut déclarer inapte à un certain poste un salarié frappé d'hypertension artérielle, il peut déclarer inapte un chauffeur consommateur de substance psychotrope, sans davantage donner le motif de cette inaptitude.

Je ne m'attarderai pas sur la médecine scolaire, qui est l'ombre d'elle-même.

Je considère qu'il serait très mal venu de mettre à disposition des parents des tests leur permettant de déterminer eux-mêmes si leur enfant consomme du cannabis, car cela aurait pour effet de rompre la confiance entre enfants et parents. Cela étant, certains signes cliniques doivent alerter : vasodilatation entraînant le rougissement des yeux, comportement agressif, démotivation scolaire … Parler de ces symptômes au médecin de famille permet d'apprécier une consommation possible et d'engager un traitement.

M. le professeur Pierre Joly. La difficulté tient à ce que nous sommes confrontés d'une part à des consommateurs qui souhaitent reconnaissance et sécurité et, d'autre part, à des familles très angoissées ; on ne peut à la fois faciliter la consommation de drogue et rassurer les familles. Les individus dépendants ne se trouvent pas toujours dans cette situation volontairement – nous sommes nombreux à avoir fumé une première cigarette pour faire « comme papa » tout en la trouvant écoeurante. Il est difficile de dire qui a raison et qui a tort. Mais si nos confrères ont des réactions aussi vives, c'est que notre pays n'a pas de ligne politique claire : un jour on en tient pour les salles d'injection supervisées, un autre pour le dépistage… Il serait bon de prendre le temps de réfléchir sereinement à une prévention efficace et à une organisation satisfaisante. Il existe actuellement de remarquables centres de sevrage en France, mais ils sont pratiquement dénués de moyens. Plutôt que de lancer de nouvelles structures, pourquoi ne pas favoriser les structures existantes lorsqu'elles sont efficaces ? Aussi longtemps que les pouvoirs publics n'auront pas de position ferme et que les moyens manqueront, nous serons en permanence confrontés à des groupes de pression. Pourtant, moins l'on consomme de drogues, mieux l'on se porte.

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