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Intervention de Jean-Paul Bruneau

Réunion du 2 février 2011 à 16h00
Mission d'information assemblée nationale-sénat sur les toxicomanies

Jean-Paul Bruneau, président d'Espoir du Val d'Oise :

Espoir du Val d'Oise est une association que j'ai créée il y a vingt-trois ans quand j'étais encore à la brigade des stupéfiants et que je menais déjà des actions de prévention en milieu scolaire. L'association héberge gratuitement, pour une certaine durée, vingt-six usagers de drogues dépendants, désireux d'arrêter la prise de toute substance et de se réinsérer socialement sans recourir aux produits de substitution. Je vous invite à venir les rencontrer. Ils seraient heureux d'échanger avec vous sur ce qu'il faudrait faire, notamment pour éviter certains dérapages. Ils m'accompagnent dans les établissements scolaires où nous faisons de la prévention auprès de dix mille élèves environ chaque année.

Dans le cadre des lois du 31 décembre 1970 relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et à la répression du trafic et de l'usage illicite des substances vénéneuses et du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, il conviendrait de donner plus de sens aux sanctions prévues pour le simple usage de drogues en distinguant entre ceux qui ne sont pas encore dépendants, ceux qui commencent à le devenir et ceux qui le sont totalement.

Pour les usagers qui ne se droguent encore que pour braver l'interdit ou fuir leur mal-être, il faudrait prononcer une sanction immédiate à visée éducative. Aujourd'hui, cette sanction, souvent différée, se limite la plupart du temps à un avertissement ou une injonction thérapeutique peu contrôlable et qui, dans plus de 90 % des cas, demeurent sans suite. Il serait plus pertinent de leur infliger une amende de composition pénale d'un montant modique, évolutive en cas de récidive, équivalente à celle infligée pour un défaut de port de ceinture de sécurité mais accompagnée d'un enregistrement au fichier des infractions à la législation sur les stupéfiants afin de repérer les récidives et imposer, en ce cas, des mesures complémentaires comme un stage de sensibilisation ou un travail d'intérêt général dans des structures accueillant des malades dépendants en rétablissement.

Les usagers dépendants avérés, identifiables par le biais du fichier des infractions à la législation sur les stupéfiants et suivis dans un centre de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie, ne devraient pas faire l'objet de poursuites pénales mais d'une obligation de soins contrôlée. En contrepartie de l'absence de sanction, ils ne pourraient demeurer anonymes. L'injonction thérapeutique contrôlée a un sens si elle s'accompagne d'une obligation de résultat à moyen terme, pour l'usager comme pour la structure chargée du suivi.

Pour ce qui est des malades dépendants chroniques, dont l'état physique et psychique est si dégradé qu'ils ne peuvent d'emblée s'engager dans une démarche de soins, il importe, à tout le moins, de ne pas leur faciliter la consommation de substances illicites. Dans leur intérêt et celui de la collectivité, il faudrait leur proposer un accompagnement en centre de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie – certainement pas en centre de consommation supervisé – avec des produits adaptés à leur addiction. Pourquoi pas de la méthadone injectable pour remplacer l'héroïne chez ceux qui sont si dépendants de l'injection qu'ils s'injectent de tout, y compris des substituts, ou de nouveaux produits de substitution ayant des effets proches des produits illicites mais classés comme médicaments ? On propose bien aux malades dépendants au jeu, à l'alcool ou au tabac des produits psychoactifs contrôlés pour les aider à se sevrer. Pourquoi ne pas faire de même avec les usagers de drogues ? Mais l'héroïne, la cocaïne et autres stupéfiants doivent impérativement demeurer interdits pour ne pas créer de confusion. Il serait nécessaire aussi, pour ce public très marginalisé, de renforcer l'accueil de nuit dans les centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie, ce qui supposerait de réduire parallèlement le temps d'accueil en journée.

J'ajoute qu'en menant toutes ces actions, il faudrait veiller à ce que les victimes d'autres addictions n'aient pas le sentiment que les usagers de drogues bénéficient d'un traitement privilégié.

L'ouverture de centres de consommation supervisés, quant à elle, soulèverait de multiples problèmes. Qu'en serait-il par exemple des poursuites pénales en cas de conduite d'un véhicule sous l'emprise de produits illicites consommés légalement dans un de ces centres ? Comment distinguerait-on ceux qui, habiles manipulateurs, ne viendraient consommer dans un centre que pour y être à l'abri des poursuites ? Enfin, la dépense supplémentaire qui résulterait pour le budget de l'État de la création de ces centres serait-elle prioritaire par rapport à celle nécessaire à la mise en place des communautés thérapeutiques prévues dans le plan de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, qui se font attendre ? Depuis cinq ans, on manque cruellement de places pour ceux qui veulent en finir avec toute addiction.

Pour plus de détails sur l'ensemble nos propositions, je vous invite à vous reporter au document remis au secrétariat de votre mission.

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