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Intervention de Jean-Claude Manuguerra

Réunion du 2 juin 2010 à 18h00
Commission d'enquête sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination contre la grippe a

Jean-Claude Manuguerra, président du Comité de lutte contre la grippe :

Tout à fait. Nos avis ne sont pas publics, puisque nous ne disposons pas d'une interface publique comme le Haut conseil de la santé publique par exemple. Nos avis sont destinés à aider à la décision, de la direction générale de la santé, et au-delà, du ministre chargé de la santé et de ses collaborateurs. C'est d'ailleurs une question qui a été évoquée à plusieurs reprises entre nous. On a pu regretter que les positions du comité ne puissent pas être individualisées par rapport aux décisions prises parfois très en aval ou de manière un peu décalée.

Le consensus a toujours été total, qu'il s'agisse des membres de droit ou des personnalités qualifiées. Nous n'avons jamais eu besoin de procéder à un vote et je pense que s'il y avait eu des voix discordantes, elles se seraient fait connaître, et cela n'a pas été le cas. Nous avons toujours réussi à dégager le consensus.

S'agissant de l'expertise en général, il faudrait déterminer ce qu'est un expert. Est-ce quelqu'un qui travaille sur un sujet spécifique, qui est reconnu au niveau national et international depuis un temps minimal, avec le risque d'être un peu déconnecté de la réalité, voire un peu monomaniaque ? Si oui, au comité, nous sommes des experts. S'agit-il d'un expert qui se penche sur un sujet particulier parce qu'il est devenu intéressant ou suscite des débats ? Il s'agit alors de personnes qui n'ont pas forcément de connaissance particulière du sujet et qui parfois interviennent en dehors de leur discipline… Ce peut être aussi des experts qui sont mûs par certaines convictions anti-vaccinales par exemple ou des intérêts particuliers.

Je n'ai jamais eu de formation juridique, et je crois que cela m'a manqué parce que j'ai fini par comprendre que la forme était importante, en particulier s'agissant des déclarations publiques d'intérêts, pour lesquelles nous avons été beaucoup interrogés. J'ai appris, à titre personnel, qu'il fallait être beaucoup plus formaliste.

Mais il est toutefois très curieux que l'on ne demande jamais aux autres « experts » autoproclamés ou dissidents leur déclaration publique d'intérêts lorsqu'ils font des déclarations dans les médias, ou éventuellement dans certains cercles. Or, il est tout à fait possible d'avoir des intérêts qui ne soient pas des intérêts financiers : des convictions qu'il convient de servir par exemple. Derrière une opération antivaccinale, il peut y avoir des motifs religieux. On sait que dans certains pays, certains groupes religieux financent des « ligues antiscientifiques ». Des experts sont payés par d'autres lobbies que l'industrie pharmaceutique. Certains ont un intérêt beaucoup plus « basique » : ils ont par exemple écrit un livre qui se vend d'autant mieux si l'on parle d'eux. Il faut certainement revoir la définition de l'expert ; c'est une question très importante. L'expertise ne se proclame pas par le fait de passer à la télévision. J'ai participé à un débat avec l'un de ces « experts » qui était opposé au vaccin antigrippal pandémique 2009 avec adjuvant. Manifestement, il ne connaissait pas les rouages de l'autorisation de mise sur le marché depuis la fin des années 1990, depuis l'apparition du virus H5N1, avec la procédure d'enregistrement des dossiers dite mock up par exemple. Ses informations étaient fausses, et j'ai demandé d'ailleurs à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé pourquoi les informations sur la pharmaco-vigilance par exemple, qui avaient été remises en cause, n'avaient pas fait l'objet de réponses formelles et juridiques. Il semblerait que cela compliqué et que cela prendrait beaucoup de temps… Beaucoup de choses ont toutefois été dites qui sont totalement inexactes : il faudrait pouvoir les contrer. Parmi les leçons à tirer, je pense qu'il faudra à l'avenir lutter pied à pied contre tous les arguments inexacts, les épouvantails destinés à effrayer la population. En effet – on le voit très bien dans les crises – plus le danger paraît lointain et moins l'adhésion est forte sur les moyens de lutter contre les maladies infectieuses. Effectivement, lorsque la grippe est apparue bénigne à la population, celle-ci s'est détournée de la vaccination.

Sur la stratégie vaccinale, il est clair que le comité de lutte contre la grippe, comme la plupart des comités équivalents, reconnaît que le meilleur moyen de lutter contre les maladies infectieuses, et notamment la grippe, est la vaccination. Lorsque l'on peut disposer d'un vaccin. Pendant très longtemps, nous n'avons pas disposé de vaccin contre la grippe aviaire. Au début de la pandémie de grippe A(H1N1), on ne savait pas quand et si l'on aurait un vaccin, alors que la vaccination est la stratégie la plus payante en termes de santé comme en termes économiques. La position générale du comité de lutte contre la grippe est que le vaccin est l'arme la plus efficace. Dès lors, pour protéger la population, quelle que soit la gravité de la maladie, la vaccination devait, selon le comité, être proposée à tous les résidents sur le territoire français qui le souhaitaient.

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