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Intervention de Xavier Niel

Réunion du 25 janvier 2012 à 10h00
Commission des affaires économiques

Xavier Niel, vice-président et directeur général délégué à la stratégie d'Iliad, Free :

Commençons par l'emploi, puisque le sujet vous est cher. Il y a quelques jours, dans Les Échos, le président de l'ARCEP a rappelé qu'entre 2000 et 2009, le nombre d'emplois dans les télécommunications s'était réduit de 160 000 à 130 000. Depuis qu'on nous a attribué la quatrième licence, il a cessé de diminuer, parce que la concurrence pousse chaque acteur à améliorer le service.

Nous employons plus de 5 000 salariés dont 4 000 en France, et nous avons créé deux centres d'appels supplémentaires en région parisienne, l'un à Colombes, l'autre à Vitry, qui sont internalisés. Free possède le dernier centre d'appels parisien, qui réunit plus de 1 000 salariés dans le huitième arrondissement. Nous disposons en propre de centres d'appels à Marseille et à Bordeaux. Dans chacun d'eux travaillent plus de 500 salariés. Pour le mobile, Free a créé plus de 1 000 emplois, sans parler des emplois indirects, puisque, comme tous les opérateurs du marché, nous sous-traitons la pose des antennes à des entreprises de BTP.

Iliad compte plus de 5 000 salariés pour un chiffre d'affaires de 2,2 milliards, quand Bouygues Télécom en compte 9 200 pour un chiffre d'affaires de 5,6 milliards. En d'autres termes, un salarié produit 431 000 euros de chiffres d'affaires chez Iliad, contre 612 000 chez Bouygues Télécom. Si cette société avait proportionnellement autant de salariés que la nôtre, elle emploierait 4 000 personnes de plus.

On prétend souvent que Free est une entreprise low cost. Non, nous sommes seulement une entreprise raisonnable, qui propose des offres basses, parce que les télécommunications sont une dépense contrainte. Mon salaire et celui de Maxime Lombardini, directeur général d'Iliad, sont vingt à trente fois inférieurs à celui de nos homologues ailleurs. Nous essayons de prendre en compte la juste valeur des choses. Dans une entreprise qui marche, la variation des salaires ne peut pas être d'un à cinquante, voire d'un à cent ou deux cents. Il faut penser différemment pour être un opérateur différent. L'arrivée de Free sera positive en termes d'emploi, car elle obligera les acteurs à embaucher. Il y a deux ans, Martin Bouygues avait prétendu que l'emploi chuterait dans le secteur. Or, dans sa société, le nombre de salariés a progressé.

J'en viens au problème du réseau et des antennes. L'ARCEP, dont l'indépendance ne peut être remise en cause, a constaté début décembre que le réseau que nous avons déployé couvre plus de 27 % de la population. Nous continuons à poser des antennes, car un opérateur de télécommunication doit détenir son réseau. Dans l'ADSL, quand la compétition s'est tendue, la plupart des opérateurs sans réseau ont disparu. Ceux qui subsistent se partagent aujourd'hui moins de 1 % du marché. Détenir un réseau évite l'accumulation des couches inutiles dans le fonctionnement de votre entreprise. À long terme, le seul moyen de nous développer et de nous différencier sera de déployer le nôtre.

Parallèlement, nous avons conclu avec France Télécom un accord commercial de type full MVNO, comme en signe, par exemple, Virgin Mobile. Il nous permet de couvrir quasiment l'ensemble de la population, en ajoutant la couverture d'Orange à celle qui nous est propre. Mais, si louer le réseau d'Orange ouvre des possibilités fantastiques, il ne s'agit pas pour moi d'un modèle viable, mon but étant, je le répète, de déployer notre propre réseau.

Monsieur Dionis du Séjour, je vous remercie d'avoir reconnu notre succès, auquel vous ne croyiez pas, il y a un an. Cela dit, nous nous heurtons à certains obstacles. Dans Paris intra muros, nous avons très peu d'antennes, car les procédures sont extrêmement longues. Serions-nous paranoïaques ? Nous pensons parfois que nos concurrents, qui bénéficient du statu quo, ont mis au point une stratégie pour que la ville ne nous délivre plus d'autorisation. Ne disposant dans la capitale que d'une couverture exécrable, nous faisons principalement appel à l'accord de roaming. En revanche, nous nous sommes développés dans des villes moyennes, notamment en signant un accord avec TDF et avec de grands bailleurs. Si certaines contestations se sont élevées, nous avons gagné tous les procès au tribunal administratif. Il peut toujours y avoir un revirement de la jurisprudence, mais nous continuerons à développer le réseau, avec la volonté de couvrir le plus tôt possible plus de 90 % de la population, parce que c'est ainsi que nous gagnerons de l'argent. Nous n'avons pas procédé différemment pour l'ADSL. Au début, nous avons dégroupé notre réseau en utilisant celui de France Télécom, et nous continuons à nous déployer. Ce sera plus facile pour le mobile, les poches étant plus faciles à résorber. Nous espérons anticiper notre engagement de couvrir 90 % de la population en 2018. Nous disposons déjà de 1 000 antennes actives, et nous avons commandé plus de 5 000 antennes, ce qui nous permettra de franchir un pallier important, en termes de couverture.

M. Paul, qui a cité un article des Échos, me permettra de m'abriter derrière un autre journal, qui a toujours soutenu Free. Le Canard enchaîné de ce jour écrit que « tous les moyens sont bons pour discréditer le petit nouveau. » Entre autres inventions, certains prétendent que Free n'a pas d'antenne, en produisant la photo d'une free-box. Cependant, ils n'allèguent aucun fait. Peut-être ont-ils du mal à justifier la rente de situation dont ils ont longtemps bénéficié… Loin de moi l'idée de m'acharner sur Bouygues Télécom, mais le prix de son forfait illimité était de plus de 178 euros par mois en mai 2009. Le forfait B&You illimité était à 39 euros en 2011. Les offres se situent aujourd'hui autour de 20 euros. Ne pensez-vous pas qu'on a longtemps pris les clients pour des vaches à lait ?

On leur a aussi fait croire que la France était l'un des pays les plus compétitifs, en termes de télécommunication. Toutes les études ont montré le contraire. En mars 2009, un document émanant de la Commission européenne constate que la France est le pays le plus cher d'Europe après l'Espagne. D'après une étude de l'UIT de septembre 2011, notre pays s'établit à la vingt-neuvième place pour le panier alloué aux nouvelles technologies, par rapport au revenu moyen par habitant. Ce mauvais classement s'explique par le prix élevé de la téléphonie mobile. En 2011, une étude de la Commission européenne pointe le retard français pour l'utilisation des clés 3G data. En juillet 2009, Viviane Reding reconnaît le manque de dynamisme du marché français des mobiles. Je pourrais encore citer les rapports trimestriels de l'ARCEP. En France, la téléphonie mobile est chère, et les prix n'ont pas baissé pour 90 % des abonnés.

Pour un prix d'abonnement moyen d'un peu plus de trente euros, Iliad verse chaque mois à ses actionnaires un dividende de trente à quarante centimes. Si France Télécom réduisait le dividende qu'il verse aux siens, en ne versant pas les dividendes correspondant à son activité de téléphonie mobile, ses prix baisseraient de 50 % à 60 %. Ces entreprises sont devenues des entreprises de rendement, alors que, dans un métier contraint, il faut arbitrer un partage de valeur entre les salariés, les consommateurs et les actionnaires. Nous incitons les autres opérateurs à le faire, tout en remettant en question leurs charges et leurs coûts.

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