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Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 25 janvier 2012 à 10h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Cazeneuve, rapporteur :

Je veux à mon tour me féliciter du climat de confiance qui a régné durant cette mission entre François Cornut-Gentille et moi. Sur un sujet aussi complexe, il était en effet indispensable de s'accorder sur la méthode pour mener un travail scrupuleux et honnête en s'appuyant sur tous les éléments nécessaires.

Les relations avec le ministère se sont effectivement améliorées. Il nous a fallu expliquer notre mission car pour la première fois le Parlement n'intervenait pas a posteriori. Je crois que les services sont aujourd'hui mobilisés et ont tout fait pour que notre information soit complète. Il y a encore des choses à améliorer, mais le processus est en bonne voie.

Nous nous sommes toujours refusé à apprécier la réforme à l'aune de nos convictions et de notre positionnement politique. Nous l'avons analysée par rapport aux objectifs qui lui ont été fixés, c'est-à-dire de façon endogène. Le Président de la République avait indiqué que les économies générées par la mise en oeuvre des recommandations du Livre blanc et de la révision générale des politiques publiques (RGPP) reposaient en grande partie sur la suppression de 54 000 postes. Le ministre Hervé Morin était d'ailleurs venu se féliciter de ce point, soulignant ainsi que la défense serait le meilleur élève de la RGPP. Les gains générés devaient être totalement réinvestis, notamment au profit des matériels de façon à disposer d'une armée plus svelte, plus projetable et mieux équipée.

Les économies sont-elles au rendez-vous ? Le solde prévisionnel net est estimé à 5,4 milliards d'euros pour la période allant de 2008 à 2015. Les dépenses induites pour l'accompagnement des personnels, soit 1,1 milliard d'euros, et pour les infrastructures, 1,5 milliard d'euros, ont été significativement revues à la hausse. Pour les infrastructures, on a parfois constaté des écarts de 124 %. Dans le même temps, les dépenses structurelles du ministère ont augmenté : je pense notamment au financement de la réforme des retraites, au glissement-vieillesse-technicité (GVT), à la revalorisation du point d'indice, à la hausse du surcoût OPEX ou à l'augmentation de certaines dépenses en raison de la dégradation de la situation économique et sociale. Toutes ces mesures ont cannibalisé les ressources disponibles.

Au final, il n'a pas été possible de réinvestir ces gains et nous sommes donc loin des efforts prévus pour les équipements. En d'autres termes, les sacrifices faits ont dégagé des économies mais pas avec le résultat attendu, d'autant que la hausse des crédits budgétaires prévue à partir de 2012 n'a pas eu lieu. Je ne peux que constater la reconstitution d'une bosse de paiements avec un décalage croissant entre les engagements et les paiements.

Pour ce qui concerne le dialogue social et la civilianisation, je considère que nous sommes en deçà des objectifs. Les syndicats n'ont d'ailleurs pas manqué de souligner qu'il y a beaucoup à faire en la matière.

J'en viens aux externalisations. Comme je l'avais indiqué dans le cadre du rapport de la mission d'évaluation et de contrôle (MEC), elles peuvent prendre la forme de la vente d'actifs afin de dégager des marges immédiates en trésorerie. Ainsi la vente de l'usufruit des satellites de communication vise à donner des facilités financières de court terme au ministère. Pourtant, cette solution est risquée car la durée de vie des satellites est inférieure à la durée de vie du contrat.

On désigne plus fréquemment par externalisation le fait de confier à un prestataire privé une mission que l'État pourrait assurer en interne. C'est par exemple le cas pour la restauration, l'habillement ou le logement. Je pense, pour ma part, que la régie rationalisée doit être systématisée et devenir un préalable à toute décision. L'externalisation coûte souvent plus cher au final et il serait prudent d'envisager au préalable toutes les autres options.

J'en viens aux partenariats public-privé et au contrat de partenariat pour Balard. Je déplore que nous n'ayons pas eu accès au contrat, d'autant que plus de 4 milliards d'euros sont en jeu. Je vous rappelle l'économie générale du projet : en échange d'une redevance de 154 millions d'euros par an, l'opérateur s'engage à construire le bâtiment central et à entretenir l'ensemble du site, l'investissement initial de 700 millions d'euros étant à sa charge. Le projet se double d'une opération sur la corne Ouest selon laquelle l'État cède l'usage du terrain à l'opérateur pendant 60 ans en échange d'une redevance de 220 millions d'euros qui viendra en déduction du montant des loyers. Malgré mes demandes, je n'ai pas réussi à obtenir d'évaluation des bénéfices que le prestataire privé allait tirer de la valorisation de cette emprise mais la somme perçue par l'État me semble assez faible.

Je suis en désaccord avec les chiffres fournis par le ministère sur le coût individuel du soutien à Balard. Je considère en effet que nous allons passer de 13 000 euros par an et par agent aujourd'hui à 16 500 euros à Balard. Le ministère refuse d'intégrer dans l'équation les frais financiers mais ils sont pourtant indissociables du projet. Analytiquement, je ne suis donc pas en mesure d'isoler l'origine des économies annoncées.

Je suis également convaincu de l'importance du pilotage et je ne suis pas certain que le ministère soit suffisamment armé sur ce point. Je crains que les relations ne soient inversées : c'est le contrat qui contrôlera l'équipe de suivi et non l'inverse. Il faut changer cela car nous ne devons pas nous trouver demain dans la même situation que les Britanniques : la Chambre des communes a constaté dix ans après le lancement des PPP qu'il s'agit d'un gouffre financier et qu'ils ne garantissent pas forcément un bon niveau de prestation.

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