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Intervention de Marie-Françoise Clergeau

Réunion du 25 janvier 2012 à 15h00
Don d'heures de réduction de temps de travail ou de récupération à un parent d'un enfant gravement malade — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Françoise Clergeau :

Le discours constant du Gouvernement et de sa majorité parlementaire sur les 35 heures, supposées être à l'origine de presque toutes les difficultés du pays, semble une fois de plus trouver des limites.

Finalement, le dispositif que vous proposez rend en quelque sorte hommage aux 35 heures et illustre une fois de plus le décalage entre les petites phrases inlassablement répétées en direction des médias et la réalité des mesures que vous adoptez. Depuis dix ans que vous êtes aux responsabilités, vous n'avez pas voulu mettre fin aux 35 heures en les supprimant purement et simplement, sans doute parce que vous mesurez l'attachement des Français à cet acquis social, sans doute aussi parce que vous avez les plus grandes difficultés à prouver que ces 35 heures représentent vraiment un handicap pour la compétitivité des entreprises.

Vous créez donc un nouveau droit qui ne peut se concrétiser qu'avec le maintien durable des heures ou jours de RTT et des 35 heures. Quel symbole !

Comme M. le rapporteur l'a indiqué durant les travaux de la commission, les salariés sont loin d'utiliser dans la proportion prévue tous les congés légaux auxquels ils ont droit. On ne compte aujourd'hui que 4 000 bénéficiaires de l'allocation journalière de présence parentale alors qu'on en attendait 10 000. On peut se demander pourquoi.

N'aurait-il pas été davantage utile d'envisager d'abord de faire un bilan des dispositifs existants, de les évaluer puis de les améliorer, pour qu'ils répondent réellement aux besoins des salariés et des familles ?

Vous préférez vous appuyer sur la générosité des salariés, sur des choix individuels qu'il faut saluer mais qui ne doivent pas masquer la faiblesse des dispositifs existants, lesquels relèvent de la protection sociale et de la solidarité nationale et non pas individuelle.

Rappelons que le congé d'accompagnement des personnes en fin de vie, créé en 1999 et transformé en congé de solidarité familiale en 2003, permet une suspension rapide et de droit du contrat de travail des personnes qui accompagnent un proche souffrant d'une pathologie mettant en jeu le pronostic vital. Depuis la loi du 3 mars 2010 portant création d'une allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie, ce congé d'une durée maximale de trois mois renouvelable une fois peut être indemnisé par le versement d'un forfait journalier d'un montant, certes faible, de 53 euros.

La mauvaise adaptation de ce dispositif aux besoins réels des familles concernées par la maladie d'un enfant, d'un proche, ne doit pas être compensée par l'incitation aux mesures individuelles même les plus généreuses. Les salariés n'ont pas, à titre personnel, à combler les carences de l'État. N'aurait-il pas été préférable de revaloriser l'allocation journalière ? Cela eût été un geste fort de la part du législateur en faveur des familles.

Il ne faudrait pas non plus que l'application de ce dispositif aboutisse à remettre en cause le congé de présence parentale déjà sous-utilisé, vous l'avez vous-même souligné, monsieur le rapporteur. Certains chefs d'entreprises pourraient inciter leurs salariés à s'arranger entre eux plutôt que d'exercer leurs droits. C'est là aussi un véritable risque.

Plusieurs questions ont d'ailleurs été soulevées par les partenaires sociaux consultés dans le cadre du protocole relatif à la consultation des partenaires sociaux sur les propositions de lois portant sur les relations individuelles et collectives du travail, l'emploi et la formation professionnelle. La CFDT, la CGT, le MEDEF et l'UPA ont répondu à cette consultation : aucune de ces organisations salariales ou patronales n'est favorable à la généralisation du dispositif.

Des questions restent posées en matière de droits sociaux attachés aux jours de repos visés par le texte, qu'il s'agisse de la retraite, de la formation, de la maladie, du chômage ou de la prévoyance. Comment les droits sociaux acquis seront-ils gérés ?

Autre problème à régler : les salariés qui céderont leurs jours seront-ils imposés au titre de jours de congés qu'ils n'auront pas pris ? Qu'en sera-t-il pour les bénéficiaires ?

Enfin, dans la logique de votre texte, il serait souhaitable de prévoir que l'employeur puisse octroyer des jours de repos supplémentaires au salarié confronté à la maladie grave de son enfant.

Nous le voyons, le dispositif que vous proposez est critiquable en ce qu'il se substitue à des droits relevant de la solidarité nationale. Toutefois, il faut aussi reconnaître que le transfert de droits à congé peut s'avérer utile lorsqu'il permet la prise en charge de risques qui ne sont pas couverts par notre système de protection sociale. C'est notamment le cas lorsque l'enfant est atteint d'une maladie grave, d'un handicap ou lorsqu'il est victime d'un accident dont la gravité réclame la présence des parents, même si le pronostic vital n'est pas engagé.

Nous ne nous opposerons pas à votre texte car le dispositif qu'il propose complète utilement les prises en charge existantes. Toutefois, nous souhaitons que notre droit du travail évolue rapidement afin que les dispositifs existants soient améliorés et répondent enfin à des besoins réels, sans pour autant qu'il soit fait appel à la seule générosité des salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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