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Intervention de Françoise Imbert

Réunion du 19 janvier 2012 à 9h45
Exploitation numérique des livres indisponibles du xxe siècle — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançoise Imbert :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, aujourd'hui, les technologies numériques, leurs évolutions rapides ouvrent des possibilités extraordinaires dans le domaine culturel.

En ce qui concerne les livres, l'enjeu de la numérisation est majeur ; elle permet en effet d'envisager leur conservation et - pourquoi pas ? - de faciliter l'accès de tous, en n'importe quel lieu, à toutes les oeuvres littéraires.

Cependant, l'exploitation numérique des livres indisponibles pose le problème du respect du droit d'auteur dans les bibliothèques numériques.

Les livres dits indisponibles sont nombreux : près de 500 000 titres seraient concernés selon le ministère, en particulier les ouvrages du XXe siècle toujours protégés par le droit d'auteur.

Dans le texte que nous examinons, l'expression « livres indisponibles » recouvre les oeuvres qui ne sont pas tombées dans le domaine public mais qui sont difficiles à trouver sous forme imprimée dans le commerce. Ces oeuvres ne peuvent pas être rééditées, compte tenu du coût que cela représenterait. Elles sont souvent récentes, protégées par le droit d'auteur et leur exploitation n'est pas gratuite. Pour beaucoup d'entre elles, les auteurs sont connus, mais il n'y a aucune disposition relative aux droits numériques dans le contrat d'édition.

Ne faut-il pas envisager d'élargir la notion de « livre indisponible », et considérer tous les modes de publication, y compris ceux qui n'ont pas fait l'objet d'une diffusion commerciale ? Je pense particulièrement aux actes de conférences et de séminaires universitaires, qui sont des témoins importants de la culture du XXe siècle, si utiles au travail des chercheurs, même si les chercheurs sont les seuls actuellement à avoir accès à une grande partie de la production littéraire française, sous format papier, à la Bibliothèque nationale de France, ce qui, à mon sens, restreint quelque peu l'accès de tous à la culture.

L'an passé, nous avons déjà longuement discuté en commission du problème posé par la numérisation des oeuvres culturelles, à l'occasion de la proposition d'une entreprise commerciale, l'opérateur privé Google, de constituer une bibliothèque numérique universelle. Google ne possédait alors aucun droit sur ces oeuvres, pas plus que les bibliothèques. Pour faire face à ces situations, il est nécessaire de légiférer, et c'est ainsi que les obstacles juridiques qui s'opposent à la numérisation des oeuvres littéraires sont traités dans la présente proposition de loi.

Même si ce texte comporte peu d'articles, il s'efforce d'apporter des réponses. Mais il ne faut pas se cacher que sa mise en oeuvre pose des problèmes techniques qu'il faudra s'attacher à aplanir, et qu'il n'apporte pas toutes les réponses nécessaires dans une matière aussi complexe.

La solution proposée à l'article 1er consiste à confier à une société de gestion collective, la SPRD, le soin de prélever et de répartir les droits numériques des livres indisponibles, dans le cas où l'auteur ne manifeste pas son désaccord et autorise ainsi la numérisation et l'exploitation rapide de ces oeuvres récentes.

La SRPD devient l'interlocuteur unique des éditeurs. Elle est chargée d'exercer le droit d'exploitation des oeuvres littéraires indisponibles. Elle assure une fonction de vigilance quant à la protection des intérêts des auteurs et de leurs ayants droit, dont le droit moral n'est pas remis en cause puisqu'ils auront la possibilité de refuser la numérisation de l'oeuvre.

Le dispositif inclut une grande partie des oeuvres orphelines, qu'il serait cependant nécessaire de bien définir elles aussi.

L'un des enjeux de la proposition de loi est de faire un pas vers plus de démocratisation culturelle. En ce sens, il est utile de s'interroger sur les modalités de répartition des rémunérations des auteurs et des éditeurs, et sur la bonne utilisation des sommes non répartissables.

Quel coût d'exploitation aura l'oeuvre ainsi numérisée ? Sera-t-elle gratuite ? Quel avenir pour les bibliothèques gérées par les collectivités territoriales ? Qu'en sera-t-il de leur capacité à proposer des livres indisponibles numérisés, alors même qu'elles disposent d'un exemplaire papier ?

Les revenus non répartissables seront-ils dédiés à la promotion de la lecture publique, au soutien de l'action des bibliothèques, qui ont besoin de développer leurs fichiers numériques, leur utilisation et leur fréquentation ?

Les bibliothèques et autres réseaux de lecture auraient bien besoin d'un soutien ciblé par le biais de l'attribution de ces sommes que l'on dit considérables si l'on se réfère à d'autres sociétés de répartition.

Pour les bibliothèques, lieux de lien social, ce serait l'occasion de promouvoir la lecture publique et les ateliers d'écriture, de lancer des actions de sensibilisation vers les publics les plus éloignés de la lecture et de renforcement du lien entre les auteurs et les lecteurs.

À toutes ces questions, nous nous devons de répondre. Aussi est-il dommage que cette proposition de loi fasse l'objet d'un examen en procédure accélérée ; elle aurait mérité d'être traitée de façon plus approfondie.

Parce que l'accessibilité de tous à la culture est un enjeu à la fois culturel et démocratique, ce texte doit enfin ouvrir l'accès aux oeuvres du XXe siècle qui ne sont plus exploitées sous la forme papier. Voilà pourquoi, monsieur le ministre, nous voterons cette proposition de loi.

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