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Intervention de Jacqueline Fraysse

Réunion du 18 janvier 2012 à 9h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacqueline Fraysse :

Je vous en donne acte.

De même, vous fermez les centres de santé, qui ont pourtant fait leurs preuves. Reprocherez-vous aux médecins de souhaiter travailler comme des salariés ordinaires, avec des droits et des devoirs, des jours de congés planifiés ? Lors de l'examen de la proposition de loi « Fourcade », vous avez refusé que les praticiens libéraux soient obligés, afin de pouvoir organiser au mieux leurs remplacements, de faire connaître leurs dates de vacances au conseil de l'ordre ; vous avez considéré qu'il était « déshonorant » de leur imposer cette obligation. Les quelques mesures de la loi « HPST » qui auraient pu aller dans le bon sens n'ont jamais été appliquées. Vous avez ainsi, toujours à l'occasion de l'examen de la proposition de loi Fourcade, remis en question le principe des pénalités applicables aux médecins refusant d'aller exercer quelques jours par mois en zones sous-dotées.

Vous dites qu'il faut agir. Mais en réalité, non seulement vous n'avez rien fait mais, de plus, vous avez aggravé la situation. Le rapporteur le découvre aujourd'hui ; nous nous en félicitons. Toutefois, la ficelle est un peu grosse.

J'en viens au contenu de la proposition de loi.

Vous ne dites rien sur les moyens nécessaires pour la formation en nombre suffisant des futurs médecins.

Vous envisagez un stage obligatoire de douze mois en maison de santé ou en hôpital dans une zone sous-dotée pour tous les étudiants en médecine. Mais c'est précisément dans ces zones qu'on manque de maisons de santé pluridiciplinaires et qu'il n'y a pas – ou plus – d'hôpitaux. Cette obligation est donc totalement irréaliste. Par ailleurs, les six mois supplémentaires de stage que vous voudriez instaurer allongeraient-ils d'autant le cursus médical, déjà long, ou y seraient-ils inclus ?

Vous évoquez l'instauration d'un internat régional. Pourquoi pas ? Mais quelle concertation préalable a eu lieu ? La faisabilité de la mesure, ainsi que ses conséquences, ont-elles été étudiées ? Rien n'a été évalué.

S'agissant des mesures coercitives, que vous avez, soit dit au passage, toujours pris soin d'éviter, on se demande bien comment pourra être concrètement appliquée l'obligation faite à tous les jeunes médecins d'exercer trois ans en zone sous-dotée, alors que déjà la moitié des étudiants ne souhaitent pas s'installer en libéral. Cela ne fera que les dissuader un peu plus de choisir ce mode d'exercice. Par ailleurs, cette obligation ne s'appliquera-t-elle qu'aux généralistes ou également aux spécialistes ? Quid de l'égalité de traitement entre spécialités ? Celle de médecine générale, déjà en difficulté et qui peine à recruter, ne pourrait que s'en trouver encore désavantagée.

Nous l'avons déjà dit cent fois, il faudrait préciser les critères de définition des zones sous-dotées. Il ne suffit pas de rapporter un nombre de praticiens à la population. Il faut tenir compte de l'âge de celle-ci, de sa situation sociale et sanitaire, de la pyramide des âges des médecins en exercice. Doivent également entrer en ligne de compte les tarifs pratiqués, la proximité des hôpitaux, des plateaux techniques, des laboratoires… Chacun sait en outre qu'il existe de grandes disparités au sein d'une même région.

Enfin, cerise sur le gâteau, vous proposez de confier aux directeurs généraux des agences régionales de santé la gestion de toutes ces questions. Ce devrait certes être l'une de leurs tâches, mais, comme je le constate dans ma circonscription et mon département et comme cela se passe, hélas, dans le pays tout entier, les agences s'occupent d'abord aujourd'hui de fermer des lits, des services et des établissements, ou, comme elles le disent pudiquement, de les « regrouper » au prétexte d'une plus grande efficacité.

Je vous le dis, monsieur le rapporteur, avec toute la passion qui m'anime lorsqu'il s'agit des réponses qu'un grand pays comme la France devrait apporter aux besoins de santé de ses habitants, cette proposition de loi de dernière minute est une mauvaise plaisanterie. Inapplicable, ce n'est qu'un texte d'affichage électoraliste, qui joue cyniquement avec la détresse des populations qui n'ont plus, du fait des politiques suivies depuis des années, les moyens de se soigner.

Mon groupe n'a pas encore pris définitivement position sur ce texte. Nous pourrions à la limite le voter en disant « Chiche, appliquez-le ! », mais je ne suis pas certaine que ce sera la ligne retenue.

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