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Intervention de Jean-Pierre Dufau

Réunion du 17 janvier 2012 à 16h45
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Dufau, rapporteur :

Les trois accords dont il est proposé d'autoriser l'approbation par le gouvernement français sont d'un type nouveau : ils visent à faciliter la mobilité des jeunes ressortissants des Etats signataires vers la France et, dans une certaine mesure, des jeunes Français vers ces pays. Ils ont été conclus avec la Macédoine, le Monténégro et la Serbie, trois Etats des Balkans issus du démantèlement de la Yougoslavie et qui sont engagés, à des stades différents, dans un processus de rapprochement de l'Union européenne.

Des accords du même type ont été négociés avec la Bosnie-Herzégovine et avec l'Albanie, mais n'ont pas encore été signés : parties, comme les trois Etats précités, d'un accord de stabilisation et d'association avec l'Union européenne, ces deux Etats bénéficient aussi, mais depuis moins longtemps, d'une dispense de visa pour leurs ressortissants effectuant des courts séjours dans l'Union européenne. Un autre Etat a signé un accord voisin de ceux qui nous occupent : il s'agit du Liban, mais cet accord ne comporte pas, contrairement à ceux négociés avec les Etats des Balkans, de stipulations relatives à l'octroi de bourses pour les étudiants.

Le but de ces accords est de faciliter la venue en France de jeunes diplômés ou actifs ressortissants de l'autre Etat partie pour y faire une expérience professionnelle ou y effectuer un stage. Le principe de réciprocité s'applique à la plupart de leurs stipulations. La France a proposé aux trois Etats un accord type identique, qui a ensuite été adapté en fonction des demandes particulières de chacun d'eux.

Je ne vais pas revenir ici sur le détail de l'avancée des trois pays signataires de ces accords dans le processus de rapprochement de l'Union européenne. Je rappellerai simplement que la Macédoine et le Monténégro ont le statut de candidat à l'Union européenne, depuis respectivement décembre 2005 et décembre 2010, et que l'accord d'association et de stabilisation conclu avec la Serbie devrait entrer en vigueur très prochainement : nous en avons discuté à l'automne dernier. Depuis le 19 décembre 2009, les ressortissants de ces trois Etats bénéficient en outre d'une dispense de visa pour les courts séjours dans la zone Schengen. Les règles de droit commun de chaque Etat s'appliquent en revanche à eux pour les longs séjours.

L'objet principal de ces trois accords est d'aménager ces règles en faveur des jeunes diplômés ou des jeunes actifs de ces pays. La crise de ces dernières années a fortement dégradé la situation économique des Balkans et se traduit notamment par un taux de chômage des jeunes très élevé : celui-ci dépasse 46 % en Serbie et est estimé à 37 % au Monténégro. Il existe déjà une coopération entre certains établissements français d'enseignement supérieur et ceux de ces Etats, et notre pays accueille un certain nombre d'étudiants qui en sont originaires : ils étaient 164 nouveaux étudiants serbes en France en 2010, une quarantaine de Macédoniens et une dizaine de Monténégrins. Ces accords ont vocation à profiter à des jeunes en cours d'études, récemment entrés dans la vie active ou jeunes professionnels.

Les trois accords reposent sur la distinction entre les étudiants, les stagiaires et les jeunes professionnels. Ils définissent ces trois catégories et énumèrent les conditions à remplir pour bénéficier des règles dérogatoires de séjour prévues par l'accord. Selon les cas et les pays, les Français pourront, ou pas, se prévaloir de la réciprocité.

Pour ce qui est des étudiants, après avoir obtenu un diplôme de niveau au moins équivalent au master ou à la licence professionnelle à l'issue d'une formation dans un établissement d'enseignement supérieur français habilité au plan national ou dans un établissement d'enseignement supérieur du pays d'origine lié à un établissement d'enseignement supérieur français par une convention de délivrance de diplôme en partenariat international, ils se verront délivrer par les autorités françaises un titre de séjour d'une durée de validité de douze mois. Ils seront autorisés à chercher et exercer un emploi qui devra lui-même répondre à une double condition : être en relation avec leur formation et assorti d'une rémunération au moins égale à une fois et demie le SMIC mensuel.

Après ces douze mois, si le jeune exerce un emploi conforme à ces conditions ou a une promesse d'embauche pour un tel emploi, il pourra continuer à travailler en France, sans que soit prise en compte la situation de l'emploi.

Les conditions à remplir sont moins contraignantes que dans le droit commun (qui exige que le diplôme ait été obtenu en France) et le traitement plus favorable : le titre de séjour est de 12 mois au lieu de 6 mois et la situation de l'emploi ne serait pas opposable au jeune à l'issue de cette première année, alors qu'elle l'est dans le droit commun.

Pour ce qui est des étudiants, seul l'accord avec la Macédoine prévoit une réciprocité, c'est-à-dire l'accueil en Macédoine de jeunes Français souhaitant acquérir une première expérience professionnelle.

Les catégories des stagiaires bénéficiaires des accords sont les mêmes pour les Macédoniens et les Monténégrins, mais elles sont plus limitées pour les Serbes.

Dans les accords avec la Macédoine et le Monténégro, il y en a trois types :

– les jeunes ressortissants de ces pays qui y suivent une formation et qui souhaitent faire un stage dans une entreprise ou un organisme public français dans le cadre de cette formation et sous couvert d'une convention de stage ;

– les mêmes jeunes qui suivent un programme européen de formation professionnelle ou de coopération requérant un stage ;

– les salariés qui travaillent dans une entreprise française installée dans leur pays ou dans une entreprise de ce pays liée par un partenariat à une entreprise française et qui viennent en France suivre un stage de formation.

Le stagiaire obtient un visa de long séjour temporaire d'une durée comprise entre trois et douze mois, sur présentation de sa convention de stage.

Les deux accords prévoient la réciprocité.

L'accord avec la Serbie ne retient que deux types de stagiaires : les étudiants et les salariés – et pas les jeunes qui suivent un programme européen de formation professionnelle ou de coopération. Les conditions à remplir pour les bénéficiaires sont les mêmes que dans les accords avec la Macédoine et le Monténégro. Il n'y a pas de mesure de réciprocité au bénéfice de certains Français.

Les conditions à remplir pour bénéficier des stipulations relatives aux jeunes professionnels sont exactement les mêmes dans les trois accords : elles ont trait à la nationalité, l'âge (entre dix-huit et trente-cinq ans) et à la situation professionnelle (ils doivent être déjà engagés ou entrant dans la vie active et être titulaires d'un diplôme correspond à l'emploi qu'ils veulent occuper ou avoir une expérience professionnelle dans ce domaine). S'ils remplissent ces conditions, ils sont autorisés à occuper un emploi sans que soit prise en considération la situation de l'emploi. La durée autorisée de travail est de douze mois renouvelable une fois. Les Français répondant aux mêmes conditions bénéficieront de la réciprocité.

Chaque accord fixe le nombre maximal de bénéficiaires potentiels de ce dispositif pour chaque Etat partie : cent par an dans l'accord avec le Monténégro, deux cents par an dans l'accord avec la Macédoine et cinq cents par an dans l'accord avec la Serbie. Ce nombre croît avec la population des différents Etats, mais pas de manière proportionnelle, les plus petits pays étant avantagés ; selon le ministère, ces contingents ont été fixés en accord avec chacun des trois pays, en fonction de leur population et des probabilités d'échanges de jeunes. Ces niveaux ne sont d'ailleurs pas acquis puisque les accords parlent de contingents qui peuvent être modifiés pour l'année suivante par simple échange de lettres entre autorités compétentes. Ils pourraient ainsi, éventuellement, être réduits à zéro.

Chacun des trois accords comporte un article consacré à la promotion des échanges de jeunes. Il fixe le montant d'une enveloppe globale qui y sera consacrée par la France sur trois ans : elle est de 150 000 euros au Monténégro, de 250 000 euros en Macédoine et de 650 000 euros en Serbie. Le montant augmente, là encore, avec la population du pays, mais d'une manière moins que proportionnelle. Pour la Macédoine et la Serbie, une partie de la somme accordée sera utilisée au titre de la participation au financement de bourses, par l'intermédiaire de CampusFrance et de fondations d'université : 90 000 euros en Macédoine, 180 000 en Serbie.

Enfin, les accords avec la Macédoine et avec le Monténégro comportent un article sur l'immigration professionnelle, dont les bénéficiaires ne sont pas spécifiquement les jeunes. Il concerne la délivrance de la carte de séjour « salarié en mission », que la France s'engage à faciliter, et celle de la carte « compétences et talents » pour laquelle les deux parties prennent le même engagement. Je trouve ces stipulations peu opérationnelles : la délivrance de la carte « salarié en mission » est de droit lorsque certaines conditions sont remplies et, si la France s'engage à la faciliter, c'est que les entreprises françaises rencontrent certainement des difficultés en la matière, ce qui est anormal ; pour ce qui est de l'octroi de la carte « compétences et talents », il relève du choix de l'administration française, sans que l'on comprenne en quoi l'autre Etat partie peut jouer un rôle.

Favoriser la mobilité des jeunes entre les pays des Balkans et la France est une excellente idée, et ces trois accords devraient y contribuer. Ils peuvent en cela être jugés comme positifs.

Mais je ne peux s'empêcher de penser que l'examen des projets de loi visant à autoriser leur approbation arrive à contre temps par rapport à l'évolution des orientations politiques défendues par le Gouvernement : alors que le président de la République a d'abord voulu développer l'immigration professionnelle et l'accueil d'étudiants étrangers en France, l'actuel ministre de l'intérieur s'est clairement engagé dans une autre voie, donnant des instructions visant à réduire l'immigration légale dans son ensemble par le durcissement des conditions que les migrants doivent remplir pour obtenir un titre de séjour.

Il est donc à craindre que la mise en oeuvre de ces accords se heurte à ce changement d'orientation politique. Ils pourront en revanche s'avérer utiles en cas de retour à une politique migratoire plus ouverte, qui permettrait leur application sereine.

C'est pourquoi je vous recommande l'adoption du présent projet de loi.

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