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Intervention de Loïc Bouvard

Réunion du 17 janvier 2012 à 16h45
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLoïc Bouvard, rapporteur :

Madame la Présidente, mes chers collègues, notre commission est saisie, aujourd'hui, d'une convention signée par la France et Monaco le 25 juin 2009 et relative à l'approvisionnement de la Principauté en électricité. Avant de vous présenter, plus en détails, le dispositif de ce texte et de voir ce qu'il apporte à la relation privilégiée qui unit les Etats français et monégasque, il me semble utile de rappeler les raisons qui ont conduit à la négociation et à la signature de cette convention.

Vous n'ignorez pas, mes chers collègues, que l'exiguïté et l'enclavement du territoire monégasque ne permettent pas d'assurer de manière autonome l'approvisionnement en électricité de la Principauté. Dans ce domaine, comme dans d'autres secteurs énergétiques, Monaco a donc toujours été dépendant de la France pour subvenir à ses besoins même si ce pays a pris des initiatives louables en matière d'énergies renouvelables. Jusqu'à présent, l'approvisionnement de la Principauté a été régi par une convention signée en 1951 par EDF et la SMEG, c'est-à-dire la Société monégasque d'électricité et de gaz. La SMEG est le concessionnaire de la distribution publique d'électricité à Monaco. Aux termes de cet accord de 1951, la SMEG était considérée comme un « distributeur non nationalisé », ce qui permettait de lui fournir de l'électricité au tarif de cession prévu en France et, par conséquent, de faire bénéficier les résidents monégasques du même tarif que les consommateurs français. La concession de la SMEG, dans la Principauté, arrivant à échéance le 31 décembre 2008, EDF, à cette occasion, a souhaité rompre la convention de 1951 pour tenir compte du contexte européen lié à l'ouverture des marchés de l'électricité. A la suite de cette dénonciation, les autorités monégasques ont saisi le Gouvernement français afin d'établir un nouveau cadre juridique à la fourniture d'électricité à la Principauté. Le principe de continuer un approvisionnement aux tarifs en vigueur en France a été réaffirmé au plus haut niveau, c'est-à-dire par les chefs d'Etat français et monégasque, en avril 2008. Les négociations entre les deux pays ont alors conduit à la signature, le 25 juin 2009, du texte qui nous est aujourd'hui soumis, lequel est relativement court puisqu'il ne comprend que quatre articles.

L'article 1er pose le principe que les consommateurs finals monégasques continueront de bénéficier des mêmes tarifs réglementés que les consommateurs finals français. A cette fin, la Principauté de Monaco sera approvisionnée en électricité au tarif de cession conformément à la législation française. Comme aujourd'hui, la SMEG continuera d'être assimilée à un « distributeur non nationalisé ». A la demande de la France, cet article 1er indique expressément que les tarifs réglementés n'ont pour seul but que de « couvrir les besoins en électricité des consommateurs finals monégasques ». Est donc exclue une revente d'électricité à des sociétés étrangères, par la SMEG, au prix du marché.

L'article 2 prévoit que les conditions d'exploitation ainsi que l'accès au réseau électrique sont ceux prévus par la réglementation française.

L'article 3 indique que tout différend devra être réglé par la voie diplomatique.

Enfin, l'article 4 traite des modalités d'entrée en vigueur et d'amendement de la convention. Il stipule également que deux situations pourront mettre fin à celle-ci : soit sa dénonciation par l'une des deux Parties, soit une modification de la législation française relative aux tarifs de cession. Dans un cas comme dans l'autre, la France et Monaco seraient invitées à se rapprocher en vue de la négociation d'un nouvel accord maintenant l'égalité de traitement entre consommateurs français et monégasques.

Mes chers collègues, la convention qui nous est aujourd'hui soumise est utile et doit être approuvée. Pourquoi ?

En premier lieu, elleconstitue une traduction concrète de la « communauté de destin » qui unit désormais la France et Monaco. Cette notion de « communauté de destin » a été définie par la convention franco-monégasque de 2002 qui a remplacé le traité de 1918, lequel limitait la souveraineté de la Principauté en établissant une « amitié protectrice » avec la France. Les relations étroites et privilégiées entre les deux pays justifient que la France aide Monaco dans un domaine vital pour elle : son approvisionnement en électricité.

En deuxième lieu, la France a un intérêt certain à ce qu'on applique aux résidents monégasques les mêmes tarifs qu'aux consommateurs français. Tout d'abord, cela ne peut avoir que des conséquences positives pour nos 8 000 compatriotes qui y résident. En effet, les Français vivant dans la Principauté appartiennent essentiellement aux classes moyennes. Ils sont confrontés à des loyers élevés et ne bénéficient pas d'un régime fiscal aussi favorable que les citoyens monégasques ou étrangers. Leur nombre est en constante diminution : Monaco perd près de 200 Français par an. Les conséquences de cette « érosion » de la communauté française sont négatives pour la France qui perd de l'influence dans les réseaux économiques et administratifs et dont la langue subit la concurrence croissante de l'anglais et de l'italien. Ces conséquences sont également négatives pour Monaco puisque les Français constituent, comme je l'ai dit, une classe moyenne essentielle au tissu économique local. Aussi la convention qui nous est aujourd'hui soumise contribuera-t-elle à réduire le risque d'une augmentation rapide du prix de l'électricité à Monaco et donc à y garantir une présence française aujourd'hui égale au quart de la population totale. Au delà de cet aspect, Monaco est, sur le plan économique, très intégré à notre pays et plus particulièrement à la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. La Principauté forme avec les communes environnantes une agglomération de plus de 100 000 habitants et elle emploie, pour son seul secteur privé, plus de 27 000 Français à l'origine d'un nombre important de migrations quotidiennes. Très impliqué dans le tissu économique régional et ayant même participé au financement d'infrastructures autoroutières situées sur le seul territoire français, Monaco est donc devenu un véritable pôle d'activité qu'il n'est pas anormal d'approvisionner en électricité aux mêmes tarifs que ceux en vigueur en France.

De surcroît, je tiens à souligner que, dans le domaine énergétique, le manque d'autonomie de Monaco n'est pas un prétexte à l'inaction des autorités de la Principauté. Ces dernières s'intéressent vivement aux sujets environnementaux et n'entendent pas « consommer » de l'énergie sans aucune réflexion sur l'avenir. Elles sont, par exemple, parfaitement conscientes de la fragilité du réseau électrique de la Côte d'Azur – auquel Monaco est relié – et le gouvernement monégasque, a signé, il y a un an, un « contrat d'objectifs pour la sécurisation de l'alimentation électrique de l'est de la région PACA » auquel participent également l'Etat français, le conseil régional, les conseils généraux des Alpes-Maritimes et du Var mais aussi l'ADEME, RTE et un établissement public local.

Madame la Présidente, mes chers collègues, la convention du 25 juin 2009 sur l'approvisionnement de Monaco en électricité a donc pour objectif de prolonger un cadre existant depuis 1951. Elle met en oeuvre, de manière concrète, dans un domaine stratégique pour la Principauté, la « communauté de destin » qui unit désormais Monaco et la France. Ces deux pays ont tout à gagner à la pérennisation d'une pratique historique conduisant à assimiler le consommateur monégasque à son homologue français. C'est donc au bénéfice de ces observations que je vous recommande d'adopter le projet de loi qui nous est soumis.

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