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Intervention de Jean-Louis Rey

Réunion du 11 janvier 2012 à 9h30
Commission des affaires sociales

Jean-Louis Rey :

Le rapport de la Cour des comptes a beaucoup interpellé la direction de la sécurité sociale (DSS), qui vous invite à apporter quelques nuances voire quelques critiques quant aux conclusions du travail qui a été effectué.

Ce rapport est largement axé sur la notion de porosité entre les différents dispositifs relatifs aux revenus de remplacement des seniors. Pourtant, des travaux menés précédemment, notamment par la commission des comptes de la sécurité sociale en juin 2008, laquelle avait analysé les relations entre les indemnités journalières (IJ) de longue durée et l'invalidité, avaient conduit à des conclusions beaucoup plus mesurées que celles de la Cour des comptes. Les données dont nous disposons nous le confirment : le développement des pensions d'invalidité s'explique davantage par des phénomènes de composition démographique que par des relations avec le dispositif des indemnités journalières. Celui-ci connaît des variations assez heurtées en fonction de la conjoncture, il est donc très difficile à analyser. C'est pourquoi nous restons assez dubitatifs face à cette affirmation sans doute un peu trop forte de la porosité entre les dispositifs.

Par ailleurs, la Cour souligne, à juste raison, la faiblesse des niveaux de remplacement des revenus. Selon nous, la conclusion à en tirer est que le niveau d'attractivité financière des dispositifs apparaît comme un critère assez second par rapport à la situation concrète des intéressés, c'est-à-dire leur volonté de quitter le marché du travail. Les déterminants du comportement d'entrée dans les dispositifs de revenu de remplacement ne sont pas, à titre principal, financiers.

Troisième élément, la Cour des comptes n'a pas pu, et c'est normal, tirer tout le parti des évolutions récentes liées aux réformes successives du régime de retraite. Je citerai par exemple l'introduction de la surcote en 2003, le cumul emploi-retraite, le maintien des pensions d'invalidité après le départ à la retraite, le dispositif de retraite progressive, mais surtout, le recul des bornes d'âge de la retraite effectué en 2010. Or on constate qu'en dépit d'un contexte économique défavorable, l'emploi des seniors continue de progresser de façon significative. Manifestement, le déplacement des bornes d'âge de la retraite a induit un changement de comportement des entreprises comme des salariés. Cette dernière réforme étant récente, on ne peut évidemment pas en mesurer pleinement les effets. Toutefois, il semble utile de relever cet aspect.

Au demeurant, en matière de sécurité sociale, il faut souligner le rôle majeur que joue la législation elle-même dans la détermination du comportement des seniors, via les taux de remplacement qu'elle assure et les facilités qu'elle permet, en matière de retraite anticipée notamment. Cet aspect me semble particulièrement prégnant en France, comparativement à d'autres pays. Une critique que l'on peut d'ailleurs formuler quant au travail de la Cour des comptes est celle d'une absence de comparaisons internationales. Il serait très intéressant de mener des études en ce sens avec des pays comparables aux nôtres, comme la Grande-Bretagne ou les Pays-Bas. On s'apercevrait par exemple que la situation française n'est pas si défavorable qu'on le prétend en matière de recours aux revenus de remplacement, les deux pays que j'ai cités en ayant fait un usage massif, voire abusif.

Ma dernière remarque concerne une recommandation de la Cour des comptes qui nous interpelle directement : il s'agit de la fusion des pensions d'invalidité et de l'AAH. Au-delà des considérations techniques de faisabilité, une question centrale est celle du coût potentiel d'une telle réforme. Ces prestations se différencient par leurs bases de ressources, or on voit mal comment l'alignement pourrait ne pas se faire vers le haut. En outre, serait-il vraiment pertinent, comme l'assure la Cour des comptes, de rendre le dispositif de pension d'invalidité plus attractif qu'il ne l'est aujourd'hui ? C'est la question fondamentale. Ainsi que l'a rappelé Mme Fourcade, ce sujet sera éclairé par un rapport de l'IGAS en préparation.

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