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Intervention de Jérôme Lambert

Réunion du 10 janvier 2012 à 16h45
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérôme Lambert, co-rapporteur :

Cette communication tend à présenter les textes en discussion relatifs à l'espace Schengen. Notre collègue Didier Quentin fera le point sur la proposition de règlement portant création d'un mécanisme d'évaluation de l'application de l'acquis de Schengen et sur la proposition de règlement tendant à l'instauration d'une clause de sauvegarde en matière de visas.

S'agissant de la proposition de règlement tendant à établir des règles communes relatives à la réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures dans des circonstances exceptionnelles (E 6612), il convient de rappeler que cette proposition de règlement a fait l'objet d'un examen au titre de la subsidiarité devant la commission des affaires européennes le 27 septembre 2011. La proposition de résolution sur la conformité au principe de subsidiarité de la proposition de règlement, confirmée par la commission des lois, a été examinée en séance publique le 8 novembre 2011. Pour la première fois, une proposition de résolution européenne portant sur la conformité au principe de subsidiarité d'un projet de texte européen a été débattue en séance publique. La proposition de résolution a été adoptée à l'issue du débat, telle qu'elle avait été proposée par la commission des affaires européennes.

Plusieurs parlements étrangers ont également jugé que la proposition n'était pas conforme au principe de subsidiarité : Chambre des représentants et Sénat des Pays-Bas, Sénat roumain, parlement suédois, parlement portugais et parlement slovaque.

La proposition de règlement doit à présent être examinée au fond.

Il convient de rappeler rapidement la genèse de cette proposition. Les autorités italiennes ont décidé de délivrer le 5 avril 2011 aux Tunisiens arrivés clandestinement en Italie des titres de séjour provisoires au titre de la protection subsidiaire. Cette décision a soulevé un débat très vif sur la possibilité, pour les titulaires du titre de séjour, de circuler librement dans l'espace Schengen ainsi que sur le manque de solidarité au sein de l'Union s'agissant de la politique de l'immigration.

L'attention s'est focalisée notamment sur la possibilité de restaurer les contrôles systématiques aux frontières intérieures en cas d'afflux massif d'immigrants ou en cas de défaillance d'un Etat membre dans la surveillance des frontières extérieures dont il a la charge. C'est la clause de sauvegarde.

La proposition de règlement déposée le 16 septembre 2011 prévoit trois types de procédure de rétablissement.

S'agissant, en premier lieu, des menaces prévisibles, par exemple un événement sportif de grande ampleur, le nouvel article 23 du code frontières Schengen dans sa rédaction issue de la proposition de règlement, disposerait que « en cas de menace grave pour l'ordre public ou la sécurité intérieure au niveau de l'Union ou à l'échelon national dans l'espace sans contrôle aux frontières intérieures, le contrôle aux frontières intérieures peut être exceptionnellement réintroduit. »

La proposition de règlement prévoit que la Commission européenne prendrait la décision de réintroduire le contrôle, sur proposition d'un Etat membre, et déciderait également de la prolongation éventuelle. Elle pourrait également décider de réintroduire le contrôle de sa propre initiative. La Commission européenne serait assistée par un comité, composé des représentants des Etats membres. Les actes seraient adoptés conformément à la procédure de comitologie. D'une manière générale, cette procédure par laquelle la Commission européenne, assistée par un comité d'experts des Etats membres, se voit conférer des pouvoirs d'exécution, ne devrait concerner que des questions mineures ou très techniques et en aucun cas des compétences de premier plan.

Le nouvel article 25 du code frontières Schengen porterait, en deuxième lieu, sur la procédure spécifique dans les cas nécessitant une action immédiate. L'État membre concerné pourrait, exceptionnellement et immédiatement, rétablir un contrôle aux frontières intérieures, pour une période limitée n'excédant pas cinq jours. La Commission européenne déciderait de la prolongation du contrôle aux frontières intérieures.

Il convient de rappeler qu'à l'heure actuelle, le code frontières Schengen prévoit une clause de sauvegarde permettant de rétablir le contrôle aux frontières intérieures dans deux cas :

- en cas de menace grave pour l'ordre public ou la sécurité intérieure, pour une période limitée à trente jours au maximum, ou à la durée prévisible de la menace si celle-ci excède trente jours;

- de manière urgente et exceptionnelle, lorsque l'ordre public ou la sécurité intérieure l'exige.

Quelle différence par rapport à ce qui est proposé ? C'est aujourd'hui à l'Etat membre qu'il revient de prendre la décision de la réintroduction du contrôle. La Commission européenne peut émettre un avis.

La proposition de règlement vise donc à communautariser des procédures qui relèvent actuellement des Etats membres, sous le contrôle a posteriori de la Commission européenne. L'Assemblée nationale a jugé une telle communautarisation contraire au principe de subsidiarité car les Etats membres sont bien les mieux à même de juger de la nécessité de la réintroduction du contrôle. En outre, les Etats font un usage très ciblé de ces dispositions et ne rétablissent les contrôles que lorsque cela est strictement nécessaire, pour des délais très brefs et sur des zones très limitées. Ce type de décision n'a pas un impact européen tel qu'il faille transférer la prise de décision à la Commission européenne. Il convient donc de s'opposer à cette proposition, tant au regard de la subsidiarité que s'agissant du fond.

En outre, le choix fait par la Commission européenne d'appliquer une procédure de comitologie à une décision nécessairement politique, qui ne peut se réduire à des considérations techniques, pose des questions de principe et des difficultés pratiques.

La proposition de règlement prévoit, en troisième et dernier lieu, un nouveau dispositif en cas de manquements graves et persistants dans la surveillance des frontières extérieures. Cette clause de sauvegarde serait créée au nouvel article 26 du règlement. Selon la nouvelle procédure, dans les cas où la Commission constate de « graves manquements persistants dans le contrôle aux frontières extérieures ou les procédures de retour », « et dans la mesure où ces manquements représentent une menace grave pour l'ordre public ou la sécurité intérieure au niveau de l'Union ou à l'échelon national, le contrôle aux frontières intérieures » pourrait être réintroduit pour une période n'excédant pas six mois.

La décision de la réintroduction des contrôles aux frontières et les décisions éventuelles de prolongation seraient prises selon la procédure de comitologie. S'agissant de cette nouvelle procédure, qui a été demandée par les Etats membres, dont notamment la France, si la décision au plan communautaire n'appelle dans son principe pas de réserves, les conditions posées apparaissent trop strictes pour permettre une application concrète.

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