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Intervention de Peter Harling

Réunion du 20 décembre 2011 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Peter Harling, directeur du projet Moyen-Orient à l'International Crisis Group :

Il faudra attendre des années avant de pouvoir vraiment juger du résultat des processus engagés. Cette région du monde avait accumulé un retard considérable en matière de démocratie, n'en ayant jamais eu l'expérience. A l'ère ottomane, durant laquelle elle a subi un véritable pillage par des élites cooptées ou non par les Ottomans, a en effet succédé la période coloniale, dévastatrice pour la plupart des pays de la région, où elle a nui à la construction d'États-nations possédant des institutions fortes. Puis la période révolutionnaire, qui s'est ouverte en réaction à la période coloniale, s'est assez rapidement close, les régimes choisissant de se ranger dans tel ou tel camp dans le jeu des grandes puissances, externalisant en quelque sorte leur légitimation, pour mieux se passer de rendre compte à leurs populations.

Certaines des expériences actuelles pourraient constituer des précédents déterminants. Ainsi la Tunisie pourrait-elle donner le premier exemple d'une transition démocratique réussie.

J'en viens à la Turquie. Le processus d'intégration à l'Union européenne a contribué à moderniser l'économie et le système politique turcs, en même temps qu'à faire émerger de nouvelles élites. Et le pays constitue un modèle d'émancipation économique d'une population conservatrice, auparavant marginalisée. Mais sous le leadership de Recep Tayipp Erdogan, le style de gouvernement est aussi devenu plus autoritaire, la corruption s'est développée, les richesses se sont concentrées aux mains d'une élite plutôt restreinte, autant de facteurs qui ont précisément été à l'origine des révolutions dans le monde arabe. Par certains aspects, et toutes proportions gardées, le modèle turc évoque donc davantage le passé du monde arabe que son avenir. Bien que la Turquie soit au faîte de sa popularité dans la rue arabe, ce succès demeure fragile.

Toutes ces dernières années, la Turquie a conduit une politique étrangère, adroite et complexe, visant à établir des relations constructives avec l'ensemble de ses voisins. Elle était ainsi parvenue à dialoguer avec des pays parfois aux prises les uns avec les autres. Après les révolutions arabes, elle a progressivement modifié cette politique : elle a ainsi rompu ses liens avec le régime syrien, sa rivalité avec l'Iran s'est de nouveau exacerbée, ses relations avec l'Irak se sont compliquées. Alors que le processus de son adhésion à l'Union européenne patine, il lui sera plus que jamais difficile de résoudre la question chypriote. Dans le même temps, elle doit faire face sur le front intérieur à une remobilisation des Kurdes. La vague de popularité sur laquelle surfe aujourd'hui la Turquie l'abuse elle-même. Les problèmes auxquels elle va se trouver confrontée se multiplient.

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