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Intervention de Julien Dray

Réunion du 10 janvier 2012 à 21h30
Exécution des peines — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJulien Dray :

Comme l'a expliqué mon collègue Urvoas, la probation est difficile à faire comprendre, alors qu'il est très facile de recourir au « tout-carcéral », qui résout tous les problèmes rapidement, mais de manière superficielle, et donne bonne conscience à l'ensemble de la société. Il est plus compliqué de faire comprendre pourquoi il vaut mieux doser telle ou telle peine : souvent, on va prendre pour de la mansuétude ce qui correspond avant tout à la volonté d'éviter la récidive, donc de nouvelles victimes.

Le travail que je viens de décrire n'a pas été effectué dans les années qui viennent de s'écouler. Que vous l'admettiez ou non, vous avez multiplié les lois de circonstance, durcissant à chaque fois les peines d'emprisonnement. Le Président de la République m'a expliqué à plusieurs reprises que si nous, parlementaires, votons les lois, lui-même se retrouve souvent, pour sa part, confronté aux familles des victimes, face auxquelles il doit trouver les mots justes, au nom de la société. Si je peux le comprendre, il ne me paraît pas normal que, pour préserver sa dignité face à ces familles, le Président de la République ne trouve pas d'autre moyen que celui consistant à annoncer des durcissements de la législation pénale, notamment en ce qui concerne les peines d'emprisonnement : pour moi, ce n'est pas la bonne réponse.

En réalité, votre loi est un constat d'échec : vous affirmez vouloir améliorer l'effectivité des peines, alors que vous êtes au pouvoir depuis dix ans ! Reconnaître que vous avez attendu dix ans pour vous donner les moyens des objectifs que vous affichez dans ce domaine, c'est là une véritable sanction de votre propre politique. Nous ne pouvons donc pas vous suivre et souscrire au consensus que vous demandez au nom des victimes.

Que les choses soient claires : il n'y a pas, d'un côté, ceux qui ne pensent qu'à enfermer et, de l'autre, ceux qui ne pensent qu'à ouvrir les portes des prisons, permettant aux délinquants de récidiver ! Dans les années 1980, ici même, certains parlementaires de droite faisaient la guerre aux projets de Robert Badinter. Évitons de nous livrer, aujourd'hui, à ce genre de caricatures ! Nous sommes tous du côté des victimes et cherchons simplement comment faire en sorte d'améliorer l'efficacité du dispositif pénal, afin d'éviter la récidive.

Sur ce point, il y a deux philosophies, deux orientations politiques très distinctes – ce qui contredit, au moins sur ce point, l'idée selon laquelle il n'y aurait plus beaucoup de différences entre la droite et la gauche. La mise en oeuvre de vos idées lors des dix dernières années n'a pas fait reculer la délinquance dans notre pays, quoi que vous en disiez et quels que soient les chiffres que vous citez. La délinquance s'est endurcie pour aboutir aujourd'hui à des situations incroyables, notamment à Marseille, où les kalachnikovs sont quasiment en vente libre, voire en solde, dans certaines cités ! Le ministre de l'intérieur a beau passer son temps à affirmer que les choses iront mieux dans six mois, je n'ai pas l'impression, pour ma part, qu'elles se soient améliorées lors des deux années qui viennent de s'écouler – à Marseille comme ailleurs. Force est de reconnaître que, face au durcissement de la délinquance, le « tout-carcéral » que vous proposez n'a rien réglé !

Nous proposons, pour notre part, de construire une politique pénale équilibrée : il ne s'agit pas d'augmenter les moyens de la justice dans une optique presque exclusivement carcérale, comme vous le faites, mais de mettre en oeuvre une véritable politique de probation.

Je terminerai mon propos par un pied de nez. Au cours des débats parlementaires, M. Vanneste nous aura habitués à toutes les couleurs. Et, ce soir, à cette tribune, il nous dit que, finalement, les travaux d'intérêt général sont une bonne chose et qu'il faut les encourager. C'est un hommage que M. Vanneste rend à la gauche, et cela méritait d'être souligné ! (Sourires.)

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