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Intervention de Roselyne Bachelot-Narquin

Réunion du 4 novembre 2009 à 17h00
Commission élargie : commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, commission des affaires sociales

Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports :

M. Lecou a posé une question locale bien précise. Ma porte lui est ouverte pour en discuter, ainsi bien sûr qu'à chacun d'entre vous. Mais puisqu'il m'a interrogée plus généralement sur le maintien de la proximité, je profite de l'occasion pour évoquer le projet d'arrêté sur les blocs chirurgicaux, qui a engendré des commentaires aussi ahurissants qu'inexacts.

Sachez d'abord que les normes de sécurité régissant les blocs chirurgicaux datent de… mars 1956 et qu'en outre, ô mystère, elles ne s'appliquent qu'aux établissements privés. Sans doute tous ceux qui critiquent ce projet d'arrêté considèrent-ils que les établissements publics n'ont pas besoin de normes de sécurité, et qu'aucune découverte, aucun progrès technique n'ont été accomplis depuis cinquante-trois ans ni n'auront lieu dans les dix prochaines années. Pour ma part, il me semble plus que temps de s'occuper du sujet.

Une réflexion est menée depuis 2005 par le ministère avec tous les acteurs concernés – les sociétés savantes, le Conseil national de la chirurgie, l'ordre des médecins, la Haute autorité de santé – pour élaborer une série de normes de sécurité, comprenant certes un nombre d'actes minimal, mais aussi de nombreuses dispositions techniques. Des associations de malades et des élus se sont émus de ne pas avoir été consultés, mais je me demande bien ce qu'ils pourrait avoir à faire dans l'édiction de normes de sécurité sur les procédures de décontamination des blocs ! Le projet d'arrêté a été examiné par le Conseil national de l'organisation sanitaire. Son unique but est de sécuriser les pratiques médicales.

Il est tout de même surprenant que certains personnages politiques ou de la société civile qui montrent la plus extrême impatience à interdire des produits ou à démonter des antennes de téléphonie mobile se précipitent pour réclamer de ne surtout rien faire pour la réglementation des blocs chirurgicaux – dont certains enregistrent quatre fois plus de décès que la norme nationale.

Les différentes institutions qui prennent part à la réflexion ont donc recommandé, entre autres critères, que les blocs effectuent au moins 2 000 actes chirurgicaux par an. J'ai abaissé ce seuil à 1 500, afin de promouvoir notre politique de proximité. Cela ne veut évidemment pas dire que les 182 blocs qui sont en deçà vont brutalement fermer. Lorsque les normes auront été établies, les agences régionales de santé auront deux ans pour discuter au cas pas cas afin de décider de ceux qui devront vraiment fermer, ou alors être transformés en consultation de chirurgie avancée ou mis en coopération avec d'autres établissements – je vous rappelle que la loi prévoit des communautés hospitalières de territoires et des groupements de coopération sanitaire, par exemple.

Tout se fera donc au cas par cas.

La polémique qui a été créée par certains acteurs politiques autour de la question alors qu'il ne s'agit que d'élaborer des normes de sécurité pour nos concitoyens – quel ministre serais-je si je ne le faisais pas ! – a de quoi échauffer, je vous assure. Mais ne vous inquiétez pas : je ne me fâche pas, j'explique ! L'on ne fait bien que ce que l'on fait souvent.

Aujourd'hui, un bloc chirurgical qui fonctionne bien voit se succéder de nombreux praticiens : médecins, infirmiers, anesthésistes, chirurgiens spécialisés, notamment. Si le même chirurgien traitait de tout il y a cinquante ans, ils seront plusieurs aujourd'hui à s'occuper de l'éclatement de la vessie, de l'enfoncement de la cage thoracique et de l'opération neurologique d'un seul polytraumatisé de la route. En comptant les équipes de décontamination, d'imagerie, de biologie, ce sont donc en tout une centaine de praticiens mutualisés qui interviennent dans le même bloc. Et je ne parle pas des extraordinaires évolutions à venir : par exemple, il n'est pas question que les blocs ne s'adaptent pas aux techniques non invasives ! Il faut s'y préparer. C'est ainsi que nous garantirons la sécurité des malades en même temps que la proximité, qui ne sera pas de la même nature qu'aujourd'hui.

Mme Touraine m'a posé une question qui était déjà d'actualité lorsque j'ai été élue députée, en 1988, sur l'éclatement des crédits de la santé – l'idée sous-jacente étant que tout se fait ailleurs qu'au ministère de la santé. Mais il me semble que les discussions assez rapprochées du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du projet de loi de finances permettent de bien se rendre compte du dessein d'ensemble. Une chose est sûre, c'est qu'un investissement massif est réalisé dans le domaine de la santé : une augmentation de 3 % de l'ONDAM dans la période difficile que nous traversons ne peut pas s'expliquer autrement.

Mme Touraine parle de « brouillage ». Mais mon intention, en proposant de lier le gestionnaire des risques et l'ordonnateur des soins, était de rendre le pilotage plus transparent. Cette séparation est en effet absurde. Elle est issue du pacte social de 1945, mais depuis lors, nous sommes passés de la conception bismarckienne à une acception beveridgienne du système. C'est cette séparation entre le gestionnaire du risque et l'organisateur des soins qui crée le brouillage. L'État doit forcément conserver son rôle d'organisation des soins. Mais réunir les deux à un niveau pertinent, celui des agences régionales de santé, me semble oeuvre de transparence.

À propos de l'EPRUS, je ne vois pas non plus de brouillage. Ses statuts sont parfaitement clairs. Son financement est assuré pour moitié par l'État et pour moitié par l'assurance maladie, et la structuration budgétaire reflète parfaitement cette organisation.

Dans les circonstances actuelles, que les organismes complémentaires participent à cette opération est assez normal. C'est une démarche citoyenne. Si le vaccin avait été mis à disposition en doses unitaires, il aurait été distribué par les pharmacies et administré par les médecins de ville. C'est donc chaque fois le remboursement d'une consultation et d'une dose de vaccin achetée en pharmacie qui aurait été demandé à l'assurance maladie. Cette procédure aurait sans doute été plus coûteuse ; les organismes complémentaires auraient dû assurer des remboursements sur la base d'un ticket modérateur compris entre 30 % et 35 %.

La création des ARS va-t-elle aboutir à la réalisation d'économies de fonctionnement des services qui y seront réunis ? Non. Tel n'est d'ailleurs pas le but. L'objectif est, en réunissant pas moins de sept services de l'État et de l'assurance maladie, de permettre l'unification de la gestion du risque et de l'organisation des soins, le déploiement vers des secteurs non explorés jusqu'à présent, comme la fluidification du parcours entre le médico-social et le sanitaire, et la conduite de politiques de prévention.

L'exclusion de la santé scolaire du champ résulte d'une disposition de la loi d'orientation sur l'éducation, adoptée à l'initiative de Lionel Jospin, alors ministre de l'éducation nationale. Je ne peux que prendre acte, avec intérêt, des regrets que vous formulez à l'égard de cette errance.

La démarche des partenaires sociaux sur les troubles psychosociaux et la santé au travail est un peu paradoxale. Ils tiennent beaucoup à ce que ces questions restent dans le périmètre des ministères chargés du travail et des affaires sociales. Cependant, on voit bien qu'il faut que le ministère de la santé s'en saisisse. Dans la mesure où les fonctionnaires et les administrations responsables de la santé au travail seront parties prenantes des ARS, les troubles psychosociaux pourront être pris en compte dans les actions de prévention de celles-ci.

M. Perrut a évoqué la prévention du suicide. Notre pays présente bien une prévalence importante du suicide. Elle ne date pas d'aujourd'hui : la France est connue comme un pays à forte fréquence du suicide depuis les études de Durkheim.

La loi de santé publique du 9 août 2004 relative à la santé publique avait pour objectif de réduire le nombre de décès par suicide à l'horizon 2008 de 12 000 à 10 000. Les chiffres en notre possession confirment la baisse régulière du taux de suicide depuis vingt-cinq ans. C'est un mouvement de fond que des phénomènes de médiatisation ne doivent pas masquer.

Cependant, le taux augmente dans certaines tranches d'âge bien spécifiques, et notamment, depuis 2000, dans celle comprise entre quarante-cinq et cinquante-quatre ans.

Pour apprécier les troubles psychosociaux, il faut donc se méfier des chiffres généraux : ils peuvent brouiller les analyses. La stratégie de lutte contre les suicides sur le lieu de travail mériterait des études précises, non seulement par classe d'âge, mais aussi par catégories socio-professionnelles. J'y suis attachée. Cependant, des telles études ne sont pas faciles à mener.

La stratégie nationale d'action face au suicide mobilise 1,5 million d'euros au niveau national et 20 millions d'euros de crédits déconcentrés. Grâce à un cofinancement associant des ressources du fonds national de prévention, d'éducation et d'information sanitaire (FNPEIS) et des crédits relevant de l'ONDAM hospitalier aux crédits déconcentrés de l'État, des résultats ont pu être obtenus dans ce domaine. J'ai demandé en juin 2008 au sociologue David Le Breton, professeur à l'université Marc-Bloch de Strasbourg, de présider un comité de pilotage inter-institutionnel, pluridisciplinaire, chargé de proposer des pistes d'amélioration de la politique de prévention du suicide. Son rapport m'a été rendu en avril dernier. J'en analyse actuellement les préconisations. Elles seront traduites en mesures concrètes. D'autres départements ministériels sont concernés, ainsi que des partenaires associatifs et institutionnels. Je voudrais présenter un plan en février 2010.

Pour répondre encore à M. Perrut, je précise que c'est 65 % d'une classe d'âge qui sera concernée par l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé pour les jeunes (ACS jeunes).

Si le ministère que je dirige est éligible au grand emprunt, il serait intéressant de faire financer par ce moyen les systèmes informatiques et les infrastructures de coordination, également évoquées par M. Perrut.

Le refus de soins – je vous renvoie à la loi HPST – est un délit. Ce qui nous manque, c'est le bras armé pour le sanctionner. La loi HPST donne aux organismes de sécurité sociale le droit de prononcer des sanctions. L'évaluation des professionnels de santé qui reçoivent le moins de bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU) ou de l'aide médicale d'État (AME), prévue par les dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale, permet des actions ciblées à leur égard.

Les fédérations régionales des acteurs en promotion de la santé (FRAPS) seront bien sûr incluses dans le périmètre des ARS. Je suis en revanche défavorable à l'octroi d'un statut de praticien hospitalier aux médecins et aux pharmaciens inspecteurs de santé publique ; en revanche, nous réfléchissons actuellement à des solutions indemnitaires permettant de valoriser ces professionnels, qui accomplissent un travail tout à fait remarquable.

Monsieur Mallot et madame Lemorton, nous ne relevons pas de renoncements aux soins en raison des franchises. Le montant maximum de celles-ci est de 50 euros par an ; un Français sur quatre est exonéré de leur paiement. Les pourcentages d'augmentation des consommations de médicaments sont restés les mêmes. Une légère diminution du nombre de boîtes a pour origine une modification des comportements attendue depuis longtemps, avec le développement des grands conditionnements ; alors que nous ne savions pas comment les lancer, les franchises en ont dynamisé les ventes. Je tiens les données à votre disposition.

Le renoncement aux soins – je n'ai aucune raison de contester les chiffres que vous citez – concerne principalement les soins peu ou mal remboursés, soins dentaires ou d'optique, qui ne sont bien sûr absolument pas concernés par les franchises, ainsi que les dépassements d'honoraires et les difficultés à trouver des praticiens à tarif opposable. Bref, les franchises n'ont pas d'impact sur le renoncement aux soins. Cela dit, l'accès aux soins dentaires et aux soins optiques, les dépassements d'honoraires méritent bien sûr d'être traités. J'ai présenté l'action que je mène sur les dépassements d'honoraires lors de la séance de questions au Gouvernement de cet après-midi. Je pourrais la détailler ici si vous le souhaitez.

Monsieur Flory, le maillage du territoire en maisons de santé doit être effectué de façon coordonnée. Le rôle des agences régionales de santé sera essentiel.

Aujourd'hui, le déploiement des maisons de santé – dont chacun dit qu'elles doivent être pluridisciplinaires – se fait dans le plus grand désordre. Les collectivités territoriales, font toutes un cheval de bataille de l'installation d'un tel équipement. Or, contrairement à l'administration sanitaire, elles ne disposent pas, en général, de la capacité d'expertise nécessaire à l'évaluation de l'opportunité et à la détermination de la capacité d'une maison de santé.

C'est donc l'administration sanitaire qui, sur la base d'un schéma régional non opposable d'organisation de cette offre de soins ambulatoire, évaluera les territoires – en lien avec le ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire –, la capacité des porteurs de projets et les mesures d'accompagnement. Nombre d'équipements bâtis à grands frais par les collectivités territoriales sont aujourd'hui vides, faute d'évaluation préalable des besoins ou des compétences des porteurs de projets.

Lors de la discussion de la loi HPST, j'avais proposé que les ARS puissent exercer quelque coercition dans la coordination des aides. L'amendement déposé à cette fin avait été ressenti comme une mise sous contrôle intolérable et un renoncement au principe de subsidiarité. J'espère que les aides pourront être coordonnées de façon incitative.

Monsieur Malherbe, vous m'avez interrogée sur les pharmacies. Seules certaines officines ne vont pas bien. Bon nombre d'officines, et c'est heureux, assurent des revenus confortables à leurs titulaires.

Le maillage territorial des officines est souvent très ancien. Elles sont parfois trop proches les unes des autres : les environs immédiats du Palais-Bourbon en donnent un exemple saisissant.

J'ai donc pris des dispositions en faveur des officines en difficulté : gel des créations d'officines, possibilité de transferts en dehors de la commune et de desserrement des périmètres. L'économie des officines mérite d'être revue en fonction des besoins des populations. J'y ai invité la profession.

Monsieur Hénart, les cinq instituts hospitalo-universitaires dont la création a été annoncée par le Président de la République seront des centres d'excellence de niveau mondial. Il ne s'agit pas simplement de labelliser des équipes de recherche au sein de centres hospitalo-universitaires ou hospitaliers.

Un appel à projets sera lancé. L'évaluation de ceux-ci sera confiée à un jury international. Si les acteurs de la vie locale pourront participer à leur élaboration, ils n'en auront pas l'initiative.

Monsieur Reitzer, un plan national de prévention des accidents domestiques a été mis en oeuvre. Il décline neuf actions pilotes, menées par des acteurs différents, secteur par secteur. L'institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES) réalise des actions d'information et de mobilisation. La direction générale de la santé (DGS) est en charge de l'action de prévention des défenestrations accidentelles d'enfants. En matière d'évolution des équipements, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et la direction de l'habitat, de l'urbanisme et de la planification (DHUP) viennent de co-saisir à la mi-septembre le Bureau de normalisation des techniques du bâtiments en vue d'une révision des normes de sécurité des garde-corps. L'INPES diffuse des affiches destinées à faire évoluer les comportements. Nous avons travaillé cette année avec Météo-France pour que les présentateurs de radio et de télévision aient, lors des périodes à risque, un message de prévention à leur disposition. Des enquêtes épidémiologiques ont aussi été réalisées.

Nous étudions les conditions dans lesquelles la prévention des accidents domestiques pourrait être proclamée grande cause nationale. Cette année, la grande cause nationale est le don de vie (sang, moelle osseuse, organes). L'an prochain, ce pourrait être, je crois, les violences faites aux femmes. Valérie Létard, alors secrétaire d'État chargée de la solidarité, avait émis un souhait en ce sens. Les projets –d'autres causes sont candidates à ce statut – seront sélectionnés par le comité national de santé publique.

Je me permets de signaler à votre attention le portail Internet stopauxaccidentsquotidiens.fr, dédié à la prévention des accidents de la vie courante. Réalisé par la DGCCRF, l'Institut de veille sanitaire, l'INPES et la DGS, il a été ouvert en janvier 2009.

Enfin, monsieur Heinrich, vous m'avez interrogée sur l'ouverture expérimentale d'une salle de consommation pour usagers de drogues par injection et consommateurs de crack.

À l'occasion de la journée mondiale contre les hépatites, le 19 mai, les associations ont réclamé l'ouverture, dans le cadre du programme de réduction des risques liés aux hépatites, d'une salle de consommation à Paris. Une telle salle serait destinée avant tout à une population très précarisée, souvent sans domicile fixe. Son ouverture, à titre expérimental, s'accompagnerait d'une évaluation de son impact sur la santé publique.

L'enquête collective que conduit l'INSERM sur la réduction des risques chez les usagers de drogues traitera, à ma demande, des salles de consommation. La décision d'ouvrir ou non, à titre expérimental, une salle de consommation sera prise au vu de ses conclusions, qui sont attendues pour la fin du premier trimestre de 2010. Au cas où celles-ci se révéleraient favorables, des porteurs de projets devront être trouvés. Deux associations, dont ASUD, ont déjà été reçues à cette fin.

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