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Intervention de François Baroin

Réunion du 13 décembre 2011 à 16h15
Commission des affaires économiques

François Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie :

M. François Brottes m'a demandé si l'on parlait de croissance économique au sein des instances internationales, notamment européennes. Lors des réunions du G20 de Toronto puis de Londres, les participants, qui représentent 85 % de l'économie mondiale, n'avaient chaque fois traité qu'un seul thème : au cours de la première, la consolidation budgétaire par la réduction des déficits publics ; au cours de la seconde, tenue au moment de la crise, la relance économique. En revanche, le G20 de Cannes a accordé à ces deux questions un traitement plus équilibré, grâce à un intense travail diplomatique qui a convaincu des pays comme le Canada, le Brésil et la Chine de la nécessité de s'engager en faveur de normes juridiques et de politiques publiques précises. Dès lors, les pays qui le peuvent mèneront une politique de relance pour soutenir la croissance mondiale, et les pays qui le doivent pratiqueront la consolidation budgétaire. Comme presque tous les autres pays européens à l'exception de l'Allemagne, la France se situe plutôt dans la deuxième catégorie car l'adoption d'une politique de relance impliquerait d'accroître les dépenses publiques, et donc d'aggraver notre déficit, tout en réduisant les recettes.

Nous devons, sans pour autant nous soumettre aux diktats des experts internationaux, procéder à des choix compatibles avec la situation de nos finances publiques. Nous avons ainsi dû abandonner le dispositif dit Scellier, de défiscalisation de certains investissements immobiliers, apparemment connu du monde entier – le FMI m'a interrogé sur le sujet, ce qui démontre d'ailleurs, si besoin était, que nos comptes publics sont scrutés ligne par ligne par les observateurs du monde entier !

Des études d'impact ont bien été menées sur le passage du taux de TVA de 5,5 % à 7 % – je vous les transmettrai. Elles montrent que l'incidence de ce relèvement est relativement marginale. Plus élevé, il aurait provoqué des tensions car ceux qui sont au taux de 19,6 % auraient pu demander à en bénéficier et les assujettis au taux de 5,5 % le refuser en prétextant que la marche à gravir était trop haute. Le choix retenu répond à la fois au souci de convergence fiscale avec l'Allemagne, où le taux intermédiaire de TVA est également de 7 %, et à celui d'une modération du poids de cette taxe indirecte.

L'augmentation des tarifs du gaz résulte directement de l'augmentation sensible du prix des matières premières au cours de cette année. La France a besoin d'une stratégie d'approvisionnement énergétique qui intègre des prévisions de financement à vingt ou trente ans, pour réduire la dépendance à l'égard du marché à court terme, dit spot. La hausse des tarifs s'impose à tous les pays importateurs mais elle doit rester modérée afin de préserver le pouvoir d'achat. Alors que la logique économique conduisait à une augmentation de l'ordre de 10 %, le gouvernement a retenu une hausse de moins de la moitié pour le début de l'année prochaine. Le Conseil d'État a soulevé une difficulté juridique, qui tient à ce que notre première décision ne permettait pas de répercuter immédiatement l'évolution du coût d'approvisionnement. Mais nous discutons avec les fournisseurs de la nature de leurs contrats, souhaitant les inciter à adopter une stratégie qui garantisse à la fois notre indépendance énergétique à long terme et une meilleure rentabilité : certains déséquilibres doivent être corrigés. L'augmentation à venir, annoncée au plus tard en début de semaine prochaine, devrait se situer autour de 4,4 %.

L'Allemagne dépend de l'énergie nucléaire à hauteur de 25 %, alors que nous en dépendons pour près de 80 %. Il est donc normal que nos choix ne soient pas les mêmes. La France ayant opté en faveur du maintien du nucléaire, les tribulations de cette année ne devraient pas entraîner de conséquences sur l'emploi chez Areva. Elles peuvent, en revanche, avoir un impact sur la stratégie de ce groupe qui voit ses activités se réduire, spécialement en Allemagne. On ne peut pas tout demander à une entreprise : une stratégie d'investissement s'accompagne nécessairement d'une adaptation à l'évolution des besoins et des marchés.

Je remercie M. Daniel Fasquelle de son soutien. Les encours de crédits distribués aux PME par les banques ont augmenté de 5,5 % au cours des douze derniers mois, soit quatre points au dessus de la moyenne européenne. Nous avons, il y a deux mois, connu quelques inquiétudes et, de ce fait, tenu des réunions de place à intervalles réguliers afin d'observer précisément la situation avec les responsables des grandes banques. Le Premier ministre a également demandé au gouverneur de la Banque de France de s'assurer de la fluidité de l'accès au crédit. La décision prise par la Banque centrale européenne (BCE) devrait, à l'avenir, éliminer une partie du danger entrevu : aucune banque ne pourra désormais justifier une attitude de repli. N'hésitez donc pas, pour les entreprises comme pour les particuliers, à nous signaler des anomalies, à en saisir le médiateur du crédit ou bien le préfet. Nous disposons, au ministère des finances, d'une cellule à qui remonte ces informations.

Le projet de taxe sur les chambres d'hôtel est abandonné.

La simplification des procédures administratives fait l'objet d'une feuille de route fixée par le Président de la République, mais sa mise en oeuvre risque d'être un peu longue. Nous entendons supprimer toute une série de contraintes, à l'exception toutefois de celles qui sont dues à la réglementation européenne, à laquelle nous ne pouvons déroger.

La situation de SeaFrance, à laquelle nous portons une grande attention, sera évoquée, le 19 décembre prochain, lors d'une audience du tribunal de commerce. Une seule offre de reprise a été présentée mais le financement fait défaut... Nous aurons au début de l'année prochaine la décision du tribunal, et nous verrons ce qu'il est possible de faire pour assurer le maintien de l'emploi dans la région de Calais.

MM. Jean Dionis du Séjour, William Dumas et d'autres ont soulevé la question d'une dégradation éventuelle de la note de la France par les agences financières spécialisées. Mais Moody's et Standard & Poor's ont placé toute la zone euro sous le même régime de surveillance, y compris l'Allemagne, pourtant considérée comme le bon élève. Sont concernés la dette publique, les fonds et les établissements publics de tous ces États. Et si, ici, on ne parle que de la France, croyez bien qu'il en est de même ailleurs : aux Pays-Bas ou en Autriche, on ne parle que de la dégradation de la note néerlandaise ou autrichienne ! C'est l'ensemble de la zone qui, fragilisée certes à des degrés divers, risque d'être dégradée en raison de sa trop faible gouvernance. Il revient donc aux États et aux institutions européennes de jouer leur rôle. L'accord intervenu vendredi dernier répond point par point aux interrogations nées de la crise que nous connaissons depuis dix-huit mois, qu'il s'agisse de la gouvernance, des sanctions, de la solidarité ou de la consolidation budgétaire, qui se fera selon un calendrier et des méthodes communs pour tous les pays membres de la zone euro. Le message envoyé par les agences n'est qu'un élément à considérer parmi d'autres. À garder l'oeil continuellement rivé sur l'évolution des marchés, on se prive de la distanciation nécessaire pour élaborer une stratégie. Je rappelle que nous avons arrêté la nôtre depuis deux ans ; elle comporte des réformes en profondeur : réforme des retraites, RGPP, réduction des dépenses de l'État et de l'assurance maladie, gel des dotations aux collectivités locales, suppression progressive d'un certain nombre de niches fiscales… Mais nous avons besoin de croissance. Les mesures prises à cette fin dans les précédents budgets, notamment pour protéger le pouvoir d'achat, ont donné de bons résultats : ainsi, au dernier trimestre, la consommation a permis un rebond de croissance de 0,4 %, malgré l'effacement de 11 milliards de niches fiscales. Notre dispositif était donc bien calibré mais il faut tenir compte du ralentissement économique général. Nous subirons inévitablement l'effet des incertitudes quant à l'évolution de l'économie américaine et des économies émergentes, pour ne pas parler de l'instabilité de la zone euro. Nous en avons déjà tenu compte en corrigeant notre prévision de croissance pour 2012 et nous faisons le pari que les décisions prises aujourd'hui produiront des résultats à terme. Mais nous connaîtrons d'ici là quelques semaines difficiles.

Nous ne voulons pas nous situer dans la perspective d'une dégradation de la note de la France. Nous pouvons toutefois, comme travail d'école, réaliser une simulation de son incidence sur le service de la dette publique. Dans cette hypothèse, une augmentation d'un point du taux d'intérêt pour les obligations à dix ans représente un surcoût d'environ deux milliards la première année, d'un peu moins de quatre la deuxième, pour atteindre, au bout de huit ans, quatorze milliards par an. Ce qui n'est pas négligeable. Cependant, paradoxalement, alors que la zone euro n'a jamais traversé de crise aussi violente, jamais non plus la France n'a emprunté à des taux aussi bas ! Ils sont aujourd'hui en moyenne de 3,2 %, contre 3,5 % il y a six mois, alors que la crise s'est encore aggravée. Prudemment, nous avons prévu dans la loi de finances pour 2012 un taux de 3,7 % à dix ans, alors que, comme je viens de le dire, il s'établit aujourd'hui à 3,2 %. Nous disposons donc d'un peu de marge. Même si elle constitue toujours le deuxième poste budgétaire civil de l'État, la charge annuelle de la dette reste de 49 milliards. Cela étant, en cas de décrochage – que nous refusons d'envisager –, nous passerions dans un autre monde : les mesures fiscales se révéleraient insuffisantes et il faudrait en venir à une coordination des politiques publiques à l'échelle européenne.

Concernant le surendettement des ménages, monsieur Dionis du Séjour, nous connaissons votre engagement en faveur d'un fichier positif des crédits aux particuliers. Sollicités par la CNIL, nous n'avons pu encore donner suite à cette suggestion et je ne sais si nous pourrons présenter des dispositions prochainement, compte tenu de l'encombrement du calendrier parlementaire. Vous allez déposer une nouvelle proposition de loi…

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