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Intervention de Didier Migaud

Réunion du 15 décembre 2011 à 10h00
Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques

Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes :

Monsieur le Président, madame, monsieur les rapporteurs, messieurs les députés, mesdames, messieurs, c'est un grand plaisir pour moi de venir pour la deuxième fois présenter un rapport d'évaluation devant le Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale. J'étais en effet venu en octobre dernier, comme vous l'avez rappelé, monsieur le Président, présenter les travaux de la Cour sur la médecine scolaire. À cet égard, je me réjouis de la publication, il y a un mois, d'un rapport d'information très complet sur ce sujet, qui s'appuie sur l'analyse de la Cour, la complète et en tire des conséquences politiques. C'est là, je crois, un premier exemple très prometteur de ce que peut produire la réunion des forces de la Cour et du Parlement au service de l'évaluation des politiques publiques.

La Cour présente aujourd'hui son rapport sur la politique d'hébergement des personnes sans domicile, afin de contribuer à votre évaluation de cette politique. Il s'agit donc du deuxième rapport produit par la juridiction en réponse à une commande passée par le Comité, sur le fondement de l'article L. 132-5 du code des juridictions financières, issu de la proposition de loi dont vous avez été à l'origine, monsieur le Président de l'Assemblée nationale. Le sujet présente une importance particulière, la privation de domicile étant sans nul doute la forme la plus aiguë du dénuement, et le droit à l'hébergement, la première des solidarités.

Je suis accompagné de Mme Anne Froment-Meurice, présidente de la cinquième chambre de la Cour des comptes, de M. Jean-Marie Bertrand, président de chambre, rapporteur général de la Cour, de Mme Évelyne Ratte, conseillère maître, coordinatrice de l'équipe des rapporteurs, et de M. Michel Davy de Virville, conseiller maître, contre-rapporteur. Ils m'aideront à vous répondre à l'occasion de la discussion qui suivra mon intervention. Sont aussi présents les autres rapporteurs : Mme Marie Pittet, conseillère maître, Mme Marie-Christine Butel, rapporteure, Mme Isabelle Gandin, assistante, Mme Fanny Dabard, stagiaire. Je tiens à saluer la participation de chacun à la synthèse qui vous est aujourd'hui remise sous la forme d'un rapport.

Avant de vous présenter les principaux constats et recommandations de la Cour, je souhaiterais vous exposer brièvement la manière dont la Cour a mené son évaluation. Comme pour sa contribution à l'évaluation de la médecine scolaire, la Cour a été attentive à adapter ses méthodes de travail aux besoins spécifiques d'une évaluation de politique publique, et un protocole d'évaluation a été adopté pour formaliser la méthodologie retenue. Ces adaptations ne remettent pas en cause les principes qui font la force de la Cour : la collégialité de ses travaux et le principe du contradictoire.

Par ailleurs, le champ de l'enquête a été défini comme ne se limitant pas au seul hébergement d'urgence, mais comprenant les diverses formes d'hébergement et modalités d'accès à un logement adapté, prenant appui notamment sur l'accompagnement vers et dans un logement plus pérenne.

La Cour a mené cette enquête essentiellement auprès des services centraux et déconcentrés de l'État, qui sont à titre principal chargés de la mise en oeuvre de cette politique publique, en partenariat avec le monde associatif. Il s'agit en fait de la seule des compétences sociales dont l'État ait gardé la gestion directe depuis la décentralisation. Il a été convenu que la contribution des collectivités locales à cette politique publique serait évaluée spécifiquement par le CEC : c'est la raison pour laquelle cet aspect du sujet n'est pas traité dans le rapport.

Les deux rapporteurs de la mission du CEC sur l'hébergement d'urgence, Mme Danièle Hoffman-Rispal et M. Arnaud Richard, ont associé les rapporteurs de la Cour aux nombreuses et précieuses auditions qu'ils ont menées et, symétriquement, ils ont participé à la conduite des travaux de la Cour, à travers un comité de pilotage comprenant également quatre personnalités qualifiées. Je veux ici saluer leur contribution, qui a permis d'enrichir l'approche évaluative de la Cour.

Outre des questionnaires adressés à la plupart des services de l'État concernés, des investigations de terrain ont été conduites à Paris, Lyon et Nantes. De manière plus novatrice, nous avons passé un marché avec l'Ifop, après mise en concurrence, pour qu'il réalise une enquête auprès de trois cents personnes hébergées dans des structures d'accueil et d'hébergement et auprès de cent cinquante travailleurs sociaux. Une telle prise en compte de la perception des acteurs et des utilisateurs d'une politique publique s'avère un outil très précieux pour évaluer cette politique, notamment pour connaître les attentes des citoyens.

Nous avons également étudié plusieurs exemples étrangers, ce qui a permis de confirmer que la question des personnes sans domicile n'est pas spécifique à la France : elle se pose dans des termes proches dans plusieurs pays, notamment de l'Union européenne. Cette analyse confirme aussi qu'un certain nombre des problèmes qui affectent les dispositifs d'hébergement – mouvements de population à l'intérieur de l'Espace européen, demandes d'asile, immigration clandestine – doivent avant tout être abordés dans un cadre européen.

La population des personnes sans domicile, et en son sein celle des personnes hébergées – et non logées – a considérablement augmenté : elle compterait aujourd'hui 150 000 personnes environ, en augmentation de plus de 50 % au cours des dix dernières années. Elle s'est aussi transformée, avec une part croissante d'étrangers, parfois en situation irrégulière, de familles – notamment monoparentales, dont la proportion a sensiblement augmentée –, voire de jeunes ou de personnes exerçant une activité rémunérée.

Face à cette situation, les pouvoirs publics ne sont pas restés inertes : la politique de l'hébergement connaît depuis trois ans une véritable mutation, à l'initiative des associations et sous la conduite de l'État. Ont notamment été mis en place : l'introduction du droit inconditionnel à l'hébergement ; l'adoption, comme dans d'autres pays, du principe du « logement d'abord », qui impose de trouver chaque fois que cela est possible une solution pérenne de logement comme préalable à la réinsertion sociale et à l'employabilité ; un large accroissement de la capacité d'hébergement ; la création d'un délégué interministériel et d'un directeur interdépartemental en région parisienne ; enfin, la volonté de fédérer les associations qui sont les opérateurs de cette politique au sein d'un service public de l'hébergement. Nous savons au demeurant tout ce que cette politique de refondation doit à M. Étienne Pinte, dont je salue la présence.

C'est cette politique de refondation qu'il s'agit d'évaluer. De ce point de vue, le travail important mené par la Cour en moins d'un an nous a permis de mettre en lumière cinq grands constats.

La politique de l'hébergement des personnes sans domicile a été élaborée puis menée par l'État sans que celui-ci se soit donné les moyens d'une meilleure connaissance des populations concernées. Ensuite, si l'accueil des personnes sans domicile a fait l'objet d'efforts indéniables depuis plusieurs années, en nombre de places proposées comme en qualité, son organisation et sa coordination restent insuffisantes. L'accès au logement, l'un des axes stratégiques de la politique du « logement d'abord », souffre d'une offre insuffisante dans les zones où les besoins sont les plus massifs, tant quantitativement que qualitativement. De nombreuses mises à la rue pourraient être évitées par une politique de prévention plus efficace. Enfin, les acteurs demeurent trop nombreux et insuffisamment coordonnés : les relations entre l'État et ses partenaires associatifs restent très largement perfectibles.

Premier constat : la politique de refondation a été définie et mise en oeuvre sans que soient connues, à l'entrée dans le dispositif, la demande d'hébergement et ses causes, ni, à la sortie, les populations capables d'accéder immédiatement à un logement. L'administration est démunie et les services déconcentrés soulignent les difficultés à établir une programmation de l'offre quand on méconnaît à ce point les populations concernées. En effet, si de nombreux travaux ont été consacrés au sujet, les données issues des grandes enquêtes nationales sont trop anciennes pour retracer une réalité très évolutive. Des enquêtes thématiques, menées notamment par les associations, apportent des informations intéressantes, qui contribuent de manière déterminante à la connaissance des populations sans domicile, mais elles sont le plus souvent limitées dans le temps et dans l'espace et ne peuvent pas être extrapolées au plan national.

Deuxième constat : la prise en compte des besoins des personnes hébergées reste insuffisante. La politique de refondation prévoyait la mise en place dans tous les départements de services intégrés d'accueil et d'orientation, les SIAO. S'ils jouent un rôle essentiel de plateforme organisant la fluidité des parcours entre l'urgence, l'insertion et le logement, leur mise en place, effective dans la plupart des départements, s'est faite toutefois de manière plus lente que prévue et souvent imparfaite. Dans certains départements, il existe encore une césure entre l'urgence et l'insertion, césure concrétisée par l'existence de deux ou plusieurs SIAO là où l'ambition initiale était qu'il n'y en ait qu'un. Les SIAO ne disposent encore que d'une capacité relative à centraliser les demandes et les offres d'hébergement, et leur articulation avec les centres 115 est à améliorer.

La Cour a constaté que les capacités d'hébergement avaient fortement progressé au cours des dernières années, grâce notamment à la loi instituant le droit au logement opposable, dite loi Dalo, de 2007, et la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion de 2009. Ces deux textes ont d'ailleurs institué un droit opposable, non seulement au logement mais aussi à l'hébergement. Entre 2004 et 2008, le nombre de places d'hébergement et de logement adapté est passé de 51 000 à 83 000, soit une augmentation de 62 %. Si le nombre de structures tournées vers la réinsertion, telles que les maisons relais, a vivement progressé, les places d'urgence continuent de jouer un rôle prédominant. Parallèlement, les conditions d'accueil dans les centres d'hébergement se sont nettement améliorées, grâce au plan dit d'« humanisation » de ces centres : lancé en 2008, et amplifié par le Plan de relance de l'économie en 2009, ce plan d'humanisation a permis de rénover ou de reconstruire près du quart du parc concerné.

Force est de constater cependant qu'en dépit de ces évolutions significatives, les capacités d'hébergement demeurent insuffisantes dans certaines régions au regard du nombre de personnes concernées pour que le droit inconditionnel à l'hébergement soit respecté. Ceci impose le recours, chaque hiver, à des dispositifs spécifiques de mise à l'abri, ce qui est contraire à l'esprit même du droit à l'hébergement. L'insuffisance du nombre de places en centres d'hébergement conduit également à recourir de manière croissante à des nuitées en hôtel, dans des conditions parfois précaires et à un coût lourd pour l'État.

Troisième constat : la sortie vers le logement se heurte à de nombreux obstacles. Le principe du « logement d'abord », au coeur de la stratégie de refondation, implique que l'accès à un logement ordinaire soit privilégié autant que possible, sans passage obligatoire par les structures d'hébergement, sauf bien sûr si la situation de la personne concernée le justifie. La Cour a constaté que la mise en oeuvre de ce principe se heurte à deux écueils. En premier lieu, toutes les personnes sans abri ou présentes dans les dispositifs d'hébergement ne sont pas éligibles à un logement : nombre d'entre elles doivent demeurer dans les dispositifs d'hébergement, quand ce n'est pas à la rue. En second lieu, le nombre de logements accessibles aux personnes sans domicile est encore trop faible dans les zones où la demande est forte : malgré les efforts incontestables de l'État pour reconquérir ou effectivement mobiliser les contingents de logements existants, qu'il s'agisse des contingents préfectoraux ou de ceux dits du 1 %, les logements à loyers accessibles aux ménages les plus défavorisés sont en nombre insuffisant, notamment dans les régions très tendues comme l'Île-de-France, le Nord-Pas-de-Calais, ou encore les régions Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d'Azur.

L'État s'est pourtant efforcé de mettre en place des dispositifs permettant aux ménages très modestes de se loger dans le parc locatif privé. L'intermédiation locative, qui assure à la fois une sécurité pour les bailleurs et un loyer adapté aux ressources des ménages ainsi logés, mérite de monter en puissance, de même que les dispositifs de garantie des risques locatifs propres à rassurer les bailleurs. Ces dispositifs doivent de toute évidence être développés : à ce jour, ils ne concernent que quelques milliers de logements, alors que l'on estime à 20 000 ou 30 000 le nombre de personnes susceptibles chaque année de quitter les dispositifs d'hébergement si elles pouvaient trouver un logement compatible avec leurs ressources.

Il existe également des formules de logement dit « adapté », intermédiaires entre l'hébergement et le logement : ces « pensions de famille » ou encore ces « maisons relais » sont destinées à ceux dont la situation sociale et psychologique rend difficile l'accès à un logement ordinaire. Bien que le nombre de ces logements adaptés ait doublé entre 2007 et 2010, ce développement reste inférieur aux prévisions : le nombre de places disponibles en fin d'année se situera vraisemblablement autour de 11 000, au lieu des 15 000 prévues dans le cadre de la stratégie de refondation.

Quatrième constat : la prévention ne s'est pas assez développée. Certes, des mesures nouvelles se sont ajoutées aux dispositifs existants dans le cadre de la politique de refondation : création d'un numéro vert, renforcement de la garantie du risque locatif, recours à l'intermédiation locative, mise en place effective des commissions de prévention des expulsions. Toutefois, elles peinent à trouver leur efficacité et ne sont pas encore en mesure de répondre à l'enjeu de l'augmentation des risques d'expulsion que la forte croissance du nombre des impayés de loyers laisse malheureusement présager. La prévention demeure un enjeu essentiel de la politique d'hébergement d'urgence.

La prise en charge de certains publics spécifiques est mieux assurée grâce à une coordination accrue entre administrations concernées, au niveau tant central que local. C'est particulièrement vrai pour les sortants de prison et les personnes souffrant de troubles psychiatriques. En revanche, la prise en compte de la situation des jeunes issus de l'aide sociale à l'enfance, en liaison avec les conseils généraux, est plus problématique. Quant à la situation des demandeurs d'asile, il est regrettable qu'elle ne soit pas traitée en tant que telle dans le cadre de la politique d'hébergement. Cette population reste fixée, souvent pendant plusieurs années, dans le dispositif d'hébergement d'urgence, notamment dans les chambres d'hôtel, sans pouvoir espérer accéder à une forme d'hébergement plus stable ou de logement. Cette situation constitue l'un des principaux obstacles à une fluidification du dispositif d'hébergement et doit donc être prise en compte dans la définition et la mise en oeuvre de la politique d'hébergement.

Cinquième constat, enfin : le pilotage de la politique de refondation doit être amélioré.

Une organisation cohérente des services de l'État en charge de la politique de l'hébergement est une condition essentielle de son efficacité. Or ces services sont nombreux : à côté de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), en charge de l'hébergement, et de la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP), en charge du logement, des services des ministères chargés de la justice, de l'intérieur, de la jeunesse ou de la santé sont également concernés. La création, à l'initiative de votre collègue Étienne Pinte, d'une délégation générale, puis interministérielle, pour l'hébergement et l'accès au logement, la Dihal, a certes permis une meilleure animation interministérielle et fortement contribué au dialogue et à la médiation avec le monde associatif. Cependant, en l'absence de moyens financiers et administratifs à sa disposition, la question de l'effectivité de son rôle en matière de pilotage de la stratégie de refondation reste entière. Au niveau déconcentré, les services compétents des ex-directions départementales des affaires sanitaires et sociales ont été touchés par la réforme de l'administration territoriale de l'État, la RéATE, mise en place en 2010. Celle-ci a inévitablement perturbé momentanément l'action des services compétents, désormais les directions départementales chargées de la cohésion sociale (DDCS).

La mise en oeuvre de la politique de l'hébergement des personnes sans domicile repose très largement sur les opérateurs associatifs. Elle a été caractérisée, de façon suffisamment inhabituelle pour être soulignée, par la participation des associations à la définition des orientations de la politique de refondation, à l'issue d'une intense et fructueuse période de concertation. Ceci a permis une large adhésion du monde associatif à cette politique. Mais les relations entre ces partenaires se sont progressivement crispées, jusqu'aux tensions de l'année 2011 : grève au Samu social de Paris en mars ; en avril, appel de la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale, la Fnars, au refus de signer les conventions proposées par l'administration : en juillet, démission de M. Xavier Emmanuelli, président et fondateur du Samu social de Paris. Seule l'annonce par le Premier ministre, en septembre, du déblocage d'une enveloppe budgétaire additionnelle de 75 millions d'euros sur deux ans a, semble-t-il, permis de répondre aux critiques des associations.

Il est impossible de chiffrer le coût total de la politique publique de l'hébergement du fait de l'absence de données sur le montant des dépenses des collectivités territoriales. Pour l'État, le programme budgétaire consacré à la prévention de l'exclusion et l'insertion des personnes vulnérables constitue le principal poste de dépenses, avec 1,2 milliard d'euros, dont 90 % sont consacrés à la politique d'hébergement. Ce programme a souffert pendant plusieurs années d'un sous-financement chronique, contribuant à une certaine insincérité de la loi de finances, notamment pour l'exercice 2008. L'effort entrepris depuis a permis une meilleure programmation des crédits, à la hauteur des crédits réellement consommés l'année précédente : l'écart entre les deux est passé de 30 % en 2008 à 6 % en 2011. L'ensemble des crédits que l'État consacre à la politique d'hébergement peut être estimé à 1,5 milliard d'euros.

À ces cinq constats répondent cinq axes principaux de progrès pour améliorer l'efficacité de la politique mise en oeuvre par l'État dans le cadre de la stratégie de refondation.

Le premier vise à améliorer la connaissance des populations concernées. Il n'est pas acceptable que les services de l'État chargés de conduire cette politique aient une connaissance aussi imprécise de la population sans domicile. Sans négliger les difficultés que j'ai rappelées, il reste possible d'améliorer la connaissance de cette population. À cet égard, la constitution d'une base de données anonymisées, alimentée par les systèmes d'information des nouveaux SIAO est essentielle. Le rapport fait d'autres propositions sur ce sujet, notamment des enquêtes annuelles plus ciblées sur les principales villes concernées par la problématique de l'hébergement d'urgence.

Deuxièmement, il faut améliorer la réponse aux besoins. Les SIAO constituent le pivot du nouveau service public de l'hébergement voulu par la stratégie de refondation. Il faut donc rapidement atteindre l'objectif d'un seul SIAO par département et instaurer une coordination interdépartementale lorsque cela est nécessaire, par exemple en Île-de-France et dans le Nord-Pas-de-Calais.

La politique du « logement d'abord » conduit à s'interroger sur la diversité des structures d'hébergement, qu'il s'agisse des prestations offertes ou des statuts juridiques. Une étude juridique et financière sur l'évolution possible des statuts et des modes de financement des différents types de centres d'hébergement doit être menée, dans le prolongement logique des travaux en cours sur la convergence des coûts et des prestations.

La parole des personnes hébergées doit être mieux entendue et leur participation assurée, en particulier au sein des comités consultatifs des personnes accueillies, qui doivent être généralisés.

Enfin, le problème, que l'on connaît depuis plusieurs années, d'une offre d'hébergement constamment en retard sur une demande toujours croissante, n'a pas encore été vraiment résolu, et ne devrait pas l'être de sitôt, en dépit de premiers résultats obtenus dans le domaine de l'accès au logement. Il n'apparaît donc pas déraisonnable de desserrer la contrainte en matière de stabilisation de la capacité d'hébergement pour créer des places supplémentaires d'hébergement dans les zones tendues, en particulier en accélérant le redéploiement des crédits entre les directions régionales.

Troisièmement, l'amélioration de l'efficacité de la politique de l'État passe par l'augmentation des sorties vers le logement. La démarche en faveur de l'accès au logement est nécessaire mais difficile. Les résultats déjà obtenus ne sont pas encore suffisants pour permettre le désengorgement du dispositif d'hébergement. Il est donc essentiel d'évaluer précisément le volume et le phasage des transferts de moyens des places d'hébergement d'urgence vers le logement adapté.

La reconquête des contingents préfectoraux dans le parc social est un élément central de la politique du « logement d'abord » si l'on veut proposer des logements à prix accessibles aux ménages les plus modestes. Elle doit être accélérée dans les zones tendues. De la même façon, les formules innovantes d'accès au logement, telles que l'intermédiation locative ou les maisons-relais, doivent être développées.

Le quatrième axe de progrès passe par l'amélioration de la politique de prévention. Il conviendrait de pouvoir mesurer l'efficacité des dispositifs de prévention, et pour cela de disposer d'une meilleure connaissance des impayés de loyer, qui sont les premiers signes annonciateurs d'une expulsion locative. Le nouveau dispositif de prévention de ces expulsions pourrait être rapidement évalué.

C'est enfin le pilotage de la politique de refondation qui doit être amélioré. Au niveau central, le pilotage assuré par le délégué interministériel pour l'hébergement et l'accès au logement des personnes sans abri ou mal logées, le Dihal, devrait aller au-delà d'un simple rôle d'animation, de coordination interministérielle et de médiation avec le monde associatif. Cela suppose que ses pouvoirs soient renforcés, de façon à en faire un véritable acteur de la chaîne des décisions administratives et financières.

Au niveau local, la mise en place des plans départementaux de l'accueil, de l'hébergement et de l'insertion, qui constituent l'élément structurant de cette politique, devra être accélérée, de façon à permettre une vraie contractualisation, rendue possible par l'effectivité et l'achèvement des référentiels nationaux des prestations et des coûts.

Enfin, des efforts restent à faire pour développer des outils communs de collecte de données et consolider le tableau de bord interministériel réunissant des indicateurs de suivi, de résultats et de performance, indispensable à la conduite de la réforme. À cet égard, il est également attendu de l'administration qu'elle parvienne à évaluer le coût total de la politique publique de l'hébergement, en distinguant les dépenses de fonctionnement et d'investissement et les différentes sources de cofinancements – associations, collectivités territoriales, usagers eux-mêmes.

Au terme de cette enquête, la Cour fait le constat que les nouveaux objectifs assignés depuis 2007 à la politique d'hébergement des personnes sans domicile ont été formulés de façon explicite et pertinente et font l'objet d'un large consensus. Cependant, les résultats escomptés ne sont pas encore au rendez-vous : il faut du temps pour construire un service public de l'hébergement, coordonner le travail des différentes administrations, organiser l'action des associations et mobiliser une offre de logements. Le calendrier retenu était trop court et les redéploiements opérés en faveur du « logement d'abord » mal évalués et trop rapides. L'enjeu des prochains mois est de continuer d'imprimer un rythme à la réforme, de poursuivre sa mise en oeuvre, tout en veillant, par l'optimisation de l'allocation des moyens, à permettre au secteur de l'hébergement de répondre à l'obligation d'accueil inconditionnel des personnes sans domicile, que lui impose la loi, et à assurer la mise en place d'un véritable service public de l'hébergement et de l'insertion.

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