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Intervention de Mourad Medelci

Réunion du 7 décembre 2011 à 9h45
Commission des affaires étrangères

Mourad Medelci, ministre des affaires étrangères de la République algérienne démocratique et populaire :

Tout d'abord, je rappelle que nous venons de lancer une Banque maghrébine pour le commerce et le commerce extérieur. Cette banque, attendue depuis longtemps, est désormais dotée d'un capital. Installée à Tunis, elle débutera ses opérations sur le terrain dès l'année prochaine. C'est là un symbole de l'action que nous entendons mener dans le cadre de l'UMA : nous avons déjà réduit les différences systémiques entre nos pays, qui sont tous libéraux au plan économique ou très avancés sur cette voie, et dont le droit économique est de plus en plus cohérent – c'était notamment une nécessité pour le développement de nos liens avec l'Europe.

Au plan politique, les événements en Libye et en Tunisie nous font espérer la possibilité de donner une plus grande cohérence à notre volonté de construction commune dans le cadre du Maghreb. Avec le Maroc, nous devons certes gérer le problème du Sahara occidental, mais nous avons décidé de considérer que cette question ne devait pas gêner le développement de l'UMA. Lorsqu'elle a été créée, il y a 21 ans, la question du Sahara occidental se posait déjà. Nous aurons naturellement beaucoup de travail à réaliser dans les prochains mois, et nous attendons avec beaucoup d'intérêt l'installation du gouvernement tunisien et du gouvernement marocain, après celui de la Libye. Les ministres des affaires étrangères doivent se réunir dès le début de l'année prochaine pour évaluer la situation et continuer à avancer – tel était l'état d'esprit de mes homologues, il y a quelques jours encore, et la relève qui vient ne m'inquiète pas. Je rappelle, au demeurant, que la politique diplomatique est suivie, à ce niveau, par les chefs d'Etat, notamment Sa Majesté le roi du Maroc.

L'émergence de mouvements islamistes en Tunisie et en Egypte peut-elle aussi concerner l'Algérie ? Nous avons montré la voie : depuis l'indépendance, le substrat juridique algérien contient de nombreux éléments empruntés à la charia, notamment dans le domaine du droit de la famille. Par ailleurs, nous avons cassé le parti unique depuis l'intifada de 1988 : il y a de nombreux partis islamistes à l'Assemblée, et l'un d'entre eux est représenté au Gouvernement depuis onze ans, y compris à des postes très importants. Le ministre des travaux publics, qui constituent le principal poste du budget d'équipement, est aujourd'hui issu de la mouvance islamique. Nous n'avons donc pas attendu les récents événements pour ouvrir la porte à tous ceux qui souhaitent travailler dans le cadre du respect de l'alternance et de l'ordre républicain, et non prendre le pouvoir par les armes.

Nous avons, en revanche, fermé la porte aux autres. De même que la précédente loi sur les élections, le texte adopté hier ne permettra pas à ceux qui sont convaincus de crime de sang de créer des partis politiques ou d'exercer un rôle dirigeant en leur sein. Le nouveau texte ne fait que préciser ce principe, conformément aux lignes rouges fixées par le référendum de 2005, dont la valeur est supérieure à la loi.

Les questions concernant le Moyen-Orient et l'Iran sont souvent croisées : le problème de la Palestine et d'Israël, auquel les pays arabes s'efforcent de trouver une solution, s'accompagne ainsi d'interférences dans le domaine du nucléaire, un des pays disposant de capacités que d'autres souhaiteraient également obtenir. De son côté, l'Algérie milite pour la réduction de l'armement nucléaire, en particulier dans le cadre de la conférence de Genève. Nous espérons, par ailleurs, que l'organisation d'une conférence visant à faire du Moyen-Orient une zone exempte d'armes nucléaires permettra de grandes avancées en 2012.

Pour ce qui est de l'Iran, nous considérons que ce pays a le droit d'utiliser le nucléaire à des fins pacifiques, comme tous les pays, notamment l'Algérie. Nous faisons d'ailleurs usage de ce droit en travaillant avec nos amis français dans le domaine de la formation, indispensable pour que l'énergie nucléaire puisse s'inscrire sans risque dans notre paysage énergétique. Je rappelle que nous travaillons actuellement à la création d'un institut supérieur de formation – c'est la première et la plus importante conséquence de l'accord signé avec la France en 2008.

Pour ce qui est des femmes, le quota est de 20 % lorsque le nombre de sièges est inférieur ou égal à quatre dans une commune, de 30 % à partir de cinq sièges, de 35 % à partir de quinze et de 40 % au-delà de trente-deux, ce qui permet de coller à la sociologie du terrain. Le projet initial du Gouvernement prévoyait un taux de 30 % dans tous les cas, mais les débats intenses qui ont eu lieu à l'Assemblée ont conduit à un éventail plus large, compris entre 20 et 40 %, et même 50 % pour la communauté algérienne votant à l'étranger.

Comment avons-nous procédé aux consultations concernant la composition des commissions électorales ? Dans sa volonté de réforme, le Président de la République n'a pas seulement sollicité le Gouvernement, mais il a aussi chargé le Président du Sénat, deuxième personnalité de l'État, d'écouter le plus grand nombre possible de partis politiques, d'associations et de responsables. Il s'agissait de procéder, non à des négociations, mais à une écoute sur le fondement de laquelle le Gouvernement a été chargé de faire des propositions. S'agissant de la composition des commissions électorales, il a suivi la demande de la société civile.

Nous devons réfléchir aux gestes souhaités par M. Myard. Sur ce point, je rappelle que nous cherchons, depuis quinze ans, un terrain à Paris pour l'Ecole internationale qui doit voir le jour. Ce serait l'occasion de se souvenir du rôle joué par les étudiants algériens, notamment dans le cadre de l'UGEMA, l'Union générale des étudiants musulmans algériens. Mais ce n'est qu'un exemple des projets que l'on pourrait réaliser pour le cinquantième anniversaire de notre indépendance.

Il est vrai que nous devons maîtriser la croissance démographique. Outre les techniques contraceptives, déjà assez développées dans notre pays, deux autres facteurs agissent : l'éducation des femmes, domaine dans lequel nous avons connu une évolution remarquable – les femmes sont ainsi plus nombreuses que les hommes à l'Université – et la pression exercée par l'habitat. Quand ce dernier est trop étriqué, le taux de natalité diminue, car l'âge du mariage est plus tardif. Avec tous les efforts en cours de réalisation en matière de logement, nous avons sans doute poussé à la hausse la pression démographique, mais celle-ci reste dans des limites raisonnables.

Monsieur Myard, je ne suis malheureusement pas en mesure de fournir l'adresse de l'émir que vous avez évoqué. Je croyais qu'il s'était expatrié depuis longtemps, mais nous serons heureux d'apprendre, par le canal qui vous siéra, les éléments dont vous disposez.

Dans le domaine du culte, la loi ne doit être discriminatoire ni France ni en Algérie : les conditions doivent être les mêmes pour les musulmans et pour ceux qui ne le sont pas. Il faut être vigilant et proactif sur ce point. Des demandes ont été exprimées par la communauté algérienne en ce qui concerne les mosquées, mais aussi par des Algériens désireux d'embrasser un autre culte. Afin d'éviter les difficultés, il faut éviter qu'il y ait trop de pesanteur : nous sommes pour le dialogue des civilisations et nous souhaitons que le cinquantième anniversaire de l'indépendance apporte le témoignage que l'Algérie, qui a tant souffert et qui n'oublie pas ses souffrances, est une terre d'amitié, de fraternité et de coopération avec tous, en particulier les Français.

De plus, j'aurai certainement l'occasion de rappeler à nos amis de Bruxelles qu'il n'y a pas plus européen que l'Algérie. Si l'histoire avait été différente, nous serions d'ailleurs membres de l'Union européenne depuis longtemps – nous étions encore français au moment du traité de Rome. C'est là un simple rappel historique que je fais en réponse à M. Jean-Paul Lecoq.

J'en viens à l'armée : là aussi, il fallu investir pour moderniser l'équipement et la formation. En 2008, nous avons conclu un accord de coopération avec la France. Il n'est pas encore ratifié, mais nous ne désespérons pas qu'il le soit avant la fin de l'année ou au début de l'année prochaine.

Pour ce qui est du nucléaire, nous appliquons avec beaucoup d'intérêt l'accord de 2008, en particulier dans le domaine de la formation. Je tiens également à préciser que nous n'envisageons pas d'investir dans le nucléaire avant une dizaine, voire une quinzaine d'années, car on ne s'improvise pas producteur d'électricité dans un tel domaine. Nous nous trouvons, pour le moment, dans une phase de préparation. J'ajoute que l'Algérie ne doit pas se contenter d'exporter du pétrole et du gaz : elle doit aussi développer des partenariats pour produire de l'électricité grâce à l'énergie solaire – c'est là notre avenir.

La question de la grande commission concernant les parlementaires, je me ferai auprès d'eux le messager et l'avocat de la proposition formulée par M. Derosier. J'appellerai M. Ziari et M. Bensalah dès mon retour à Alger et, si vous m'invitez à la réunion que vous appelez de vos voeux, je serai très volontiers des vôtres.

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