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Intervention de Patrick Devedjian

Réunion du 7 décembre 2011 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Devedjian :

M. Raimbourg a raison : les Arméniens qui vivent en France et qui sont parfaitement intégrés à la société française, ne supportent aucune discrimination comparable à celle qui a pu résulter de l'antisémitisme. C'est du moins le cas aujourd'hui, alors qu'il en allait autrement dans ma jeunesse. Je m'en souviens. Quoi qu'il en soit, ce n'est pas, de toute façon, ce qui fonde la légitimité de cette proposition.

Notre collègue oublie que les citoyens français d'origine arménienne continuent à subir la propagande négationniste développée par un État étranger sur le territoire national, et qui les vise spécifiquement. Comme eux, je réclame la protection de la République contre cette insupportable agression morale. On trouve, sur internet, des sites alimentés par le gouvernement turc. Certaines sociétés de communication, en France, bénéficient de contrats très rémunérateurs pour développer la propagande négationniste. Il serait donc un peu angélique de nier toute discrimination : une catégorie de citoyens français souffre bien d'une forme de continuité dans la persécution.

S'agissant des historiens, j'ai beaucoup de respect pour eux, mais alors qu'ils ont eu quatre-vingts ans pour écrire des livres sur le génocide arménien, je regrette qu'ils ne se soient pas plus penchés sur la question, à l'exception de quelques-uns comme Yves Ternon. Certes, Raphael Lemkin, l'inventeur du mot « génocide », s'est beaucoup intéressé au génocide arménien, mais il n'est pas français.

Je suis toutefois sensible au discours des historiens, et je ne serais pas opposé à ce qu'un amendement exclue de toute possibilité de poursuite les travaux à caractère historique ou scientifique. Un historien peut écrire ce qu'il pense pourvu qu'il le fasse avec modération. Mais il peut lui arriver de se laisser emporter par la passion : ainsi, en tant qu'avocat, j'ai fait condamner au civil Bernard Lewis – un grand historien et islamologue, pourtant –, pour avoir déclaré que le génocide arménien était la version arménienne de l'histoire.

Quant à la Turquie, elle persiste dans la dénégation depuis près d'une centaine d'années : selon le code pénal turc, l'affirmation de l'existence du génocide arménien est un crime. Dans ces conditions, il est difficile de faire confiance à son gouvernement ou de s'en remettre à l'action diplomatique. Pourtant, les seules condamnations prononcées contre les auteurs du génocide – Mehmet Talaat et quelques autres – l'ont été par une juridiction turque, la cour martiale de Constantinople, en 1919. Le gouvernement de l'époque, celui de Ferit Pacha, avait donc reconnu le génocide arménien en faisant condamner ses auteurs à mort. C'est tout à son honneur, et le négationnisme du gouvernement actuel a d'autant moins de sens.

Enfin, le Président de la République s'est rendu en Arménie, où il a visité le monument commémoratif et le musée du génocide arménien, et je pense qu'il en a été édifié, notamment au regard du négationnisme qui persiste. De son côté, François Hollande a demandé au président du Sénat de mettre rapidement à l'ordre du jour l'examen de la proposition de loi complétant la loi n° 2001-70 du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915, une loi qui avait d'ailleurs été adoptée, de façon consensuelle, sous un gouvernement de gauche. Cette préoccupation, monsieur Dosière, est donc très largement partagée et, en dépit de la proximité des élections, il ne me paraît pas une bonne chose d'en avoir une vision partisane.

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