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Intervention de Alain Claeys

Réunion du 7 décembre 2011 à 9h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Claeys, rapporteur :

Ce rapport n'est qu'un rapport d'étape. En effet, il est impossible à ce stade d'avancer des conclusions définitives sur les financements extrabudgétaires de la recherche et de l'enseignement supérieur. Cependant, beaucoup d'informations contradictoires ayant circulé à ce propos, il a paru utile de faire un point précis sur l'avancement des programmes et la consommation des crédits.

En créant cette mission d'évaluation et de contrôle, notre objectif était de clarifier, et si possible d'améliorer par nos propositions, le recours à ces modes de financement de la recherche, qui ne sont pas une nouveauté en France – ainsi le secteur aéronautique bénéficiait d'avances remboursables – mais qui n'ont longtemps porté que sur des montants limités. Ces flux ont pris de l'importance avec la constitution des pôles de compétitivité, mais c'est surtout à compter de décembre 2007, avec le plan Campus, puis avec le Grand emprunt prévu par le collectif budgétaire du 9 mars 2010, que le phénomène a pris une ampleur majeure : le plan Campus porte sur cinq milliards d'euros et le programme d'investissements d'avenir sur près de 35 milliards !

Ces modes de financement sont mis en oeuvre par des opérateurs de l'État : en particulier par les universités s'agissant du plan Campus et par l'Agence nationale de la recherche, l'ANR, pour le volet « recherche » des investissements d'avenir.

Le développement qu'ils ont pris résulte à la fois d'une contrainte et d'une exigence. Comme nous l'avions souligné dans notre rapport de l'an dernier sur le crédit d'impôt recherche, les pouvoirs publics se sont attachés depuis 2007 à relancer l'effort de recherche à partir d'un triple constat : celui du retard dont souffrait la « machine à innover » française, celui du recul de nos universités dans les classements internationaux et celui de l'insuffisance de la recherche, qu'elle soit publique ou privée.

La contrainte, nous la connaissons bien, c'est celle qui pèse sur les finances de l'État, et elle incite à mobiliser plus largement des financements innovants mis en oeuvre par des opérateurs. Cependant, comme l'ont rappelé aussi bien la mission d'information sur la mise en oeuvre de la LOLF, la MILOLF, dans son rapport de juillet 2010, que la Cour des comptes, ces financements échappent aux principes du droit budgétaire, qui sont une garantie du contrôle parlementaire. Ainsi les crédits mobilisés par le Grand emprunt ont disparu des écritures de l'État dès leur transfert aux opérateurs, à la fin de l'année 2010. Leur suivi est donc un enjeu à la fois de bonne gestion et de démocratie.

D'où la série d'auditions auxquelles la MEC a procédé de mai à octobre 2011 : en particulier celles des responsables des agences de recherche, des représentants des universités et des grandes écoles ainsi que des ministères concernés, sans oublier le Commissaire général à l'investissement. Ce tour d'horizon nous a permis en particulier de faire le point sur l'état d'avancement du plan Campus et du programme des investissements d'avenir.

La dotation totale du plan Campus, lancé fin 2007, se monte à cinq milliards d'euros puisqu'aux 3,7 milliards d'euros issus de la cession d'une partie du capital d'EDF se sont ajoutés 1,3 milliard d'euros au titre des investissements d'avenir ; il s'agit d'une dotation non consommable transférée à l'ANR en 2010. Au 30 novembre 2011, les avances versées correspondant aux intérêts de 2010 et 2011 s'élevaient à 56,9 millions d'euros. La modicité de ce montant s'explique par la complexité des opérations immobilières en cause et par le fait que les universités, manquant de compétences dans ces matières, ne disposaient pas d'une gouvernance à la hauteur du défi. Elle tient également aux limites des pôles de recherche et d'enseignement supérieur, les PRES, regroupements d'universités d'une même ville ou d'une même région prévus par la loi dans le but d'assurer la mise en oeuvre du plan. Cependant, la montée en charge du dispositif devrait s'accélérer après cette phase transitoire.

Les investissements d'avenir, lancés par la loi de finances rectificative du 9 mars 2010 après avoir été sélectionnés par la commission Juppé-Rocard, s'élèvent à 34,64 milliards d'euros, dont 15 milliards d'euros de dotations non consommables et 19,6 milliards d'euros de dotations consommables. Ces dernières, destinées à constituer des actifs à risque, incluent trois catégories d'interventions : les prêts et garanties de prêts ; les prises de participations ; les avances remboursables. Quant aux dotations non consommables, elles sont constituées de fonds, déposés sur le compte de l'opérateur auprès du Trésor, dont seuls les produits d'intérêts sont versés aux bénéficiaires des crédits. Elles présentent un caractère non risqué pour l'État. L'enseignement supérieur et la recherche mobilisent à eux seuls 18,9 milliards d'euros sur le total de 34,6 milliards.

Aujourd'hui, les perspectives d'engagements de crédits portent sur quinze à vingt milliards d'euros, dont six à huit milliards d'euros de dotations consommables et dix à douze milliards d'euros de dotations non consommables. Quant aux décaissements, ils se limitaient, au 30 septembre dernier, à 1,5 milliard d'euros de dotations consommables et 10,4 millions d'euros d'intérêts de dotations non consommables. Au vu de cette situation, il est indubitable que la consommation de ces crédits doit s'accélérer.

En outre, nous avons constaté que le glissement de crédits budgétaires à des crédits extrabudgétaires à travers les investissements d'avenir était une réalité. C'est le cas avec le projet ASTRID de réacteur nucléaire de quatrième génération, qui n'avait pas connu le moindre début de réalisation avant que le Grand emprunt ne lui alloue 650 millions d'euros. De même, l'aéronautique civile a bénéficié d'un transfert de 450 millions d'euros, sur un financement total de 1,5 milliard. Quant aux démonstrateurs technologiques aéronautiques, ils bénéficieront d'un montant de 900 millions d'euros. Certains projets de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, seront également financés sur les crédits destinés aux investissements d'avenir.

La très faible consommation des crédits au titre du plan Campus crée des impatiences. J'en ai donné les raisons, mais le constat de lenteur vaut aussi pour les investissements d'avenir. Dans ce dernier cas, c'est la complexité de l'articulation entre le Commissariat général à l'investissement, les différents opérateurs et les jurys internationaux qui explique l'allongement du processus, au grand dam des chercheurs.

La sélection des projets d'investissements d'avenir par des jurys internationaux est une garantie de transparence et un gage de qualité. L'État doit néanmoins assumer son rôle de stratège, et ce sur deux points : pour la définition des priorités en matière de recherche et pour le rééquilibrage des financements entre les différentes régions – la deuxième vague d'appels à projets devra permettre de corriger les inégalités que nous avons pu constater à cet égard.

En conclusion, j'appelle la Commission à continuer de surveiller de façon rigoureuse la conduite de ces deux politiques.

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