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Intervention de Christian Vanneste

Réunion du 1er décembre 2011 à 11h00
Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Vanneste, rapporteur :

M. Louis Giscard d'Estaing, qui préside actuellement la séance, m'a chargé de vous prier d'excuser son absence.

Je tiens à remercier les services pour leur contribution au suivi de notre rapport, qui a nécessité un travail méticuleux et efficace.

Notre rapport sur les AAI était l'un des premiers du CEC, lequel représente une nouvelle étape du rééquilibrage entre législatif et exécutif. Or un travail sur les autorités administratives indépendantes – quel oxymore ! – est particulièrement propice à la réflexion sur les progrès du pouvoir législatif, en particulier celui de l'Assemblée nationale.

J'évoquerai tout d'abord les réponses du Gouvernement à notre rapport, qui, en un mot, me semblent consternantes. Le Gouvernement pratique la sourde oreille avec une efficacité redoutable. Il a ainsi décliné avec une certaine désinvolture notre proposition d'intégrer une partie de l'activité de la Commission nationale du débat public à celle du Défenseur des droits, au motif que leur domaine d'intervention n'est pas du tout le même. Nous avions pourtant distingué les débats d'intérêt local relatifs par exemple aux infrastructures, lesquels relèvent du Défenseur des droits dans la mesure où ils engagent les droits des citoyens, des grands débats nationaux, que nous recommandions de confier au Parlement, manière d'en développer le rôle. L'échec du « grand débat » sur les nanotechnologies, dont les organisateurs avaient fini par se réfugier dans une sorte de bunker pour échapper aux pressions d'une association, n'a-t-il pas servi de leçon ?

Toujours au titre du rééquilibrage entre législatif et exécutif, l'une de nos propositions-phares était la désignation des présidents des AAI à la majorité qualifiée des trois cinquièmes des membres des commissions compétentes des deux assemblées. En effet, pour qu'une autorité soit indépendante, le choix de son président doit faire l'objet d'un large consensus. Le Gouvernement a écarté cette proposition, ainsi que – plus étonnant encore – la possibilité de saisine pour avis des AAI par une commission permanente des assemblées.

Toutes celles de nos propositions que le Gouvernement a acceptées sont de nature technique, et non politique : c'est le cas du regroupement d'autorités dans un même bâtiment, de la limitation du nombre d'emplois ou de l'encadrement budgétaire. En somme, on accepte volontiers que l'Assemblée serve d'agence de conseil au Gouvernement, mais qu'elle ne s'avise pas de formuler des propositions politiques ! À une seule exception : la présence d'un commissaire du Gouvernement dans chaque AAI…

Nos propositions ont été acceptées lorsqu'elles correspondaient à ce qui avait déjà été décidé, notamment la réunion de plusieurs AAI au sein du Défenseur des droits. En revanche, le Gouvernement a refusé de regrouper dans un premier temps le Contrôleur général des lieux de privation de liberté et la Commission nationale de déontologie de la sécurité au motif que leurs domaines d'intervention étaient radicalement différents, alors que tous deux interviennent dans les lieux d'incarcération, auprès des personnels qui y travaillent. L'idée de regrouper l'Arcep, le CSA et la Hadopi a subi le même sort, sans que le Gouvernement ne dise un mot de la convergence pourtant déjà en oeuvre entre radio, cinéma, télévision et Internet, qui appellera évidemment une AAI unique. Il en va de même de la réunion de la Commission de régulation de l'énergie et du Médiateur national de l'énergie, ce qui est encore plus gênant.

Certains arguments sont d'une légèreté presque un peu blessante. Ainsi, le Gouvernement aurait pu objecter que le regroupement de l'Autorité de sûreté nucléaire et de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, que nous préconisions, était techniquement délicat car toutes les personnes qui travaillent à l'IRSN ne travaillent pas pour l'ASN. Mais non : on nous répond qu'il s'agit de préserver l'indépendance de l'ASN et de l'IRSN, alors que celui-ci n'est pas une AAI mais un établissement public à caractère industriel et commercial placé sous la tutelle conjointe de plusieurs ministères !

Enfin, on ne fait pas disparaître la Commission de privatisation et de transfert, qui n'a pourtant plus rien à faire.

D'autre part, on a encore créé, sans le dire, des ersatz d'AAI : le Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques et l'Autorité de régulation de la distribution de la presse. Il y a donc encore plus d'autorités qu'avant la remise de notre rapport : ce n'était pas l'effet escompté !

J'évoquerai ensuite les deux rapports qui ont suivi la présentation du nôtre.

Du rapport présenté par notre collègue Charles de La Verpillière au nom de la Commission des lois, il ressort surtout qu'il rejette la plupart de nos propositions, notamment la désignation des présidents des AAI à la majorité des trois cinquièmes des commissions compétentes.

Le rapport d'Yves Bur sur les agences sanitaires présenté au nom de la commission des Affaires sociales est plus intéressant. Nous avions mis en garde contre la coexistence dans le domaine de la santé de deux organismes entre lesquels la frontière était parfois floue, et qui entretenaient l'illusion de la sécurité par le nombre – illusion révélée par l'affaire du Mediator. Comme nous, Yves Bur propose de rationaliser cette situation. Nous constatons avec regret qu'aucune suite n'a pour l'instant été donnée à cette proposition, sinon le remplacement – essentiellement nominal – de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). La Cour des comptes a quant à elle signalé que la Haute Autorité de santé et le Haut Conseil de la santé publique étaient redondants ; elle n'a pas été davantage entendue.

Je signale enfin que vos rapporteurs ont rédigé ensemble – exemple rare de consensus – des amendements qu'ils ont présentés dans deux cadres différents. Seuls trois de leurs amendements au projet de loi organique créant le Défenseur des droits ont été adoptés : l'un tendait à remplacer les parlementaires siégeant dans les collèges par des personnalités qualifiées désignées par les présidents des assemblées, le deuxième visait à y améliorer l'assiduité et le troisième prescrivait l'irrévocabilité des mandats des adjoints du Défenseur. Les deux premières dispositions devraient permettre de lutter contre l'absentéisme au sein de ces collèges.

D'autre part, deux amendements au projet de loi de finances pour 2012 ont été récemment adoptés par l'Assemblée nationale et seront bientôt examinés par le Sénat. Ils tendent à consacrer une nouvelle annexe « jaune » du PLF aux AAI dotées de la personnalité morale – les API –, et à les soumettre à un plafond d'autorisation d'emplois. Cela mettra fin à une dérive budgétaire qui ne nous semble pas cohérente avec les orientations générales de l'administration de l'État, notamment la RGPP.

Notre grand regret est d'avoir manqué l'occasion historique de créer une Haute Autorité chargée de la transparence de la vie politique. Il s'agissait d'une proposition-phare de notre rapport, que l'on aurait pu intégrer au projet de loi relatif à la déontologie et à la prévention des conflits d'intérêts dans la vie publique. Elle était inspirée de l'exemple québécois : celui d'une vie politique pacifiée par l'intervention d'une autorité administrative issue d'un large consensus et chargée notamment du redécoupage électoral, ce qui lave celui-ci de tout soupçon dans un système de circonscriptions comme le nôtre.

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