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Intervention de Anne Oui

Réunion du 29 novembre 2011 à 17h00
Commission spéciale chargée d'examiner la proposition de loi sur l'enfance délaissée et l'adoption

Anne Oui, chargée de mission à l'Observatoire national de l'enfance en danger :

Je concentrerai mon propos sur la proposition de modification de l'article 350 du code civil. Je tiens à souligner tout l'intérêt de substituer la notion de « délaissement parental » à celle de « désintérêt manifeste ». Dans un rapport de l'IGAS, en 2009, M. Pierre Naves et Mme Catherine Hesse ont montré en effet que cette dernière notion pose un problème dans la mesure où elle est interprétée comme requérant une intentionnalité de la part des parents. Cette intentionnalité constitue une condition nécessaire pour prononcer l'abandon judiciaire, et l'on connaît l'enjeu de cette décision, puisque c'est à partir de là que les enfants délaissés pourront trouver une place dans des structures d'accueil adaptées à leurs besoins.

Comme cela a été le cas s'agissant de la maltraitance, il faut sortir de la notion d'intention des parents pour se recentrer sur les effets d'une situation de délaissement sur l'enfant. La déclaration d'abandon vise bien à permettre à un enfant avec lequel les parents n'entretiennent ni relations ni contacts, que ce soit par visite ou par courrier, volontairement ou non, de trouver sa place dans un cadre répondant à ses besoins, qui peut éventuellement être l'adoption.

La définition du délaissement parental telle qu'elle figure à l'article 1er de la proposition de loi ne nous semble cependant pas convenir. En effet, la notion de « carences » dans l'exercice des responsabilités parentales qui compromettent le développement de l'enfant relève d'un cadre juridique autre que le délaissement. C'est d'ores et déjà celui qui définit le danger auquel les enfants peuvent être exposés et qui appelle une suppléance parentale en protection de l'enfance, judiciaire ou administrative. En caractérisant ce délaissement par ce qui relève d'un autre type d'intervention – assistance éducative ou protection administrative de l'enfance –, on risque, non pas de clarifier les choses, mais de créer une confusion supplémentaire, une nouvelle impasse juridique car les services ne sauront pas s'ils doivent aller vers l'abandon judiciaire ou l'assistance éducative.

Nous proposons donc de définir le délaissement par des éléments de constat, et de le faire sobrement afin d'éviter les risques de sur-interprétations. Le constat pourrait porter sur le fait que les parents s'abstiennent de relations, de contacts significatifs et d'échanges avec leur enfant, au préjudice de l'intérêt de ce dernier. Le rapport de Mme Hesse et M. Naves souligne l'importance de rapporter l'effet du délaissement à l'intérêt de l'enfant. C'est ce constat de délaissement préjudiciable à l'enfant qui devrait entraîner le prononcé de l'abandon judiciaire.

L'article 2 de la proposition de loi tend à renforcer l'évaluation de la situation des enfants relevant de la protection de l'enfance, qui fait l'objet d'une disposition légale par ailleurs. Si ce texte est retenu, il nous semble indispensable de revenir sur une mesure qui avait été évoquée en 2006 dans le cadre de l'examen du projet de loi qui est devenu la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance. Elle avait trait au rapport d'évaluation pluridisciplinaire d'un enfant placé qui devait porter sur la santé physique et psychique de l'enfant, sur son développement, sa scolarité, sa vie sociale et ses relations avec sa famille. Il serait intéressant aujourd'hui de revenir sur ces éléments très précis du rapport d'évaluation de l'enfant et d'y ajouter la question des relations entretenues avec lui par ses parents, comme suite logique de la proposition qui vient d'être faite, de prévoir les critères de définition du délaissement. Cela permettrait au service d'avoir des éléments d'observation précis des relations de l'enfant avec ses parents et d'engager ou non la procédure d'abandon.

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