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Intervention de François Bourdillon

Réunion du 24 novembre 2011 à 9h00
Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

François Bourdillon, président de la commission Prévention, éducation et promotion de la santé du Haut Conseil de la santé publique, chef du pôle Santé publique, évaluation, produits de santé du groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière :

On considère de façon schématique que la prévention médicalisée comprend la prévention primaire, c'est-à-dire antérieure au développement de la maladie, dont le prototype est la vaccination ; la prévention secondaire, lorsque la maladie s'est déclarée et il faut la détecter avant qu'elle n'entraîne des symptômes et ne devienne grave, dont le prototype est le dépistage ; et enfin la prévention tertiaire, qui consiste à éviter les rechutes et les complications. Telle est du moins la vision de l'Organisation mondiale de la santé qui est très restrictive. Elle est aujourd'hui rejetée par la majorité des professionnels de santé publique, qui entendent promouvoir une vision positive de la prévention et travailler sur les environnements et la qualité de vie. Dans cette acception, l'aspect « promotion de la santé » doit être pris en compte dans le calcul du coût de la prévention.

De nombreux travaux ont tenté de chiffrer ce coût, ce qui s'avère particulièrement complexe. Comment intégrer les coûts de la prévention à l'école, ou de la médecine du travail ? Une autre question est de savoir si l'on est dans la prévention ou dans le soin. Prenons l'exemple du traitement du VIH, qui réduit la transmission : est-ce de la prévention ou du soin ? Il est toujours malaisé de le dire. Globalement, les experts estiment que les dépenses de prévention représentent 7 % des dépenses de santé, et qu'il faudrait atteindre le taux de 10 % pour avoir une vraie politique de santé, comparable à celle de certains pays anglo-saxons.

Pour prendre un autre exemple, le congé de maternité – institué au début du siècle dernier – a permis de réduire le risque de prématurité et de mort maternelle. Faut-il l'intégrer dans la prévention ? Cela paraît délicat. Pourtant, c'est l'une des plus formidables actions de prévention qui soient !

Prenons maintenant l'exemple du diabète. Cette maladie grave, qui touche trois millions de personnes en France, est la première cause d'insuffisance rénale chronique, dont le coût atteint 100 000 euros par an et par personne et représente quatre fois le coût du QALY acceptable pour les Britanniques. Or nul ne refuserait aujourd'hui une dialyse à un patient en insuffisance rénale terminale, car cela peut lui sauver la vie et le faire vivre encore de nombreuses années. Il faut être très attentif à la question que pose ce modèle anglo-saxon du QALY – que refusent d'ailleurs les Américains. Plus la moyenne d'âge s'élève, plus ce calcul est défavorable à l'investissement ; mais les sociétés modernes refusent qu'on ne prenne pas en charge les personnes âgées dans ce domaine.

Première cause d'insuffisance rénale chronique, le diabète est aussi la première cause de cécité et d'amputation des membres inférieurs. Il est donc important de le traiter dans de bonnes conditions, du moins si l'on reste dans un modèle très médicalisé. Mais on peut tout aussi bien s'interroger sur les causes du diabète, et choisir de faire de la prévention primaire. On s'intéressera alors à l'obésité, au surpoids, et donc à la politique globale mise en oeuvre pour que les gens vivent en harmonie avec la société. Pour lutter contre le diabète, il faut donc penser augmentation de l'activité physique, lutte contre la sédentarité et alimentation équilibrée, autrement dit se préoccuper des politiques publiques à mener sur tous ces points. Cela a abouti au premier plan national Nutrition santé, en 2001.

On ne pourra promouvoir la santé dans notre pays si l'on reste attaché aux seules questions liées à la maladie : il faut s'intéresser à l'équilibre de notre société et, donc promouvoir l'éducation pour la santé. Il conviendra de réfléchir, par exemple, comment s'appuyer sur les valeurs culturelles françaises pour que les enfants mangent correctement et de manière équilibrée, comment s'assurer que les repas servis dans les crèches et les écoles sont de qualité, ou comment intégrer suffisamment d'activités physiques à l'école, puisque, avec les moyens de transport modernes, les Français marchent de moins en moins. Intervenir dans ce domaine suppose donc une réflexion globale.

Quant aux normes de santé, elles sont construites à partir de données statistiques et de données de risque. La prévention est souvent très liée aux risques, ce qui est une approche assez réductrice. D'une manière générale, on fixe une limite et l'on s'aperçoit qu'à 1,26 gramme par litre, il y a moins de risque à dix, quinze ou vingt ans. La communauté scientifique s'accorde alors à penser que c'est là que la limite doit être mise. C'est une décision internationale, émise par l'Organisation mondiale de la santé. Je ne pense pas que l'on puisse remettre ces normes en cause s'agissant du diabète et de l'hypertension. Je vois, en revanche, émerger dans la presse internationale la notion de pré-hypertension, et l'idée qu'il faut traiter celle-ci. Peut-être les industriels se créent-ils ainsi de nouveaux marchés… Reste que pour ces deux grandes maladies, il n'y a pas lieu de remettre en cause les normes actuelles.

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