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Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 16 juillet 2007 à 21h30
Travail emploi et pouvoir d'achat — Article 8

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoland Muzeau :

Dans la presse, monsieur le haut-commissaire, vous avez déclaré : « Ce système est un complément indispensable de l'objectif plein-emploi du chef de l'État. On va réduire le chômage, mais pas “à la Thatcher” en faisant des travailleurs pauvres » – accusation faite au régime de Thatcher, puis à M. Blair. Mais je crois très sincèrement que vous vous trompez.

Après un paquet fiscal particulièrement bien garni pour les plus riches de ce pays, immédiatement après un article bienveillant sur les parachutes dorés des grands patrons, figurent, coincés en fin de texte, trois articles déclinant le concept du RSA. Quel signal politique fort ! Beau choc fiscal à 13 milliards d'euros : 3,7 milliards pour le nouveau régime des heures supplémentaires, 1,9 milliard au titre du crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt, 950 millions d'euros pour la suppression des droits de succession, 810 millions d'euros pour le bouclier fiscal… et 25 petits millions d'euros pour masquer la pauvreté laborieuse.

Laissons de côté les chiffres, ils parlent d'eux-mêmes, pour nous concentrer sur l'ambition du revenu de solidarité active, défendu par vous-même, monsieur le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté.

Comment ne pas adhérer à l'objectif de réduire d'au moins un tiers, en cinq ans, le nombre de pauvres en France ? Mais, s'il y a consensus sur l'exigence de garantir à chacun – et aux bénéficiaires de minima sociaux en particulier – un gain de revenus lors de la reprise d'un emploi, il n'est pas interdit de se demander si l'État ne manifeste pas quelques tendances schizophréniques à intervenir pour compenser les conséquences négatives de ses propres politiques : compléter les revenus de ceux qui peinent à vivre dignement de leur travail, tout en contribuant à enfermer de nombreux ménages dans la pauvreté, en favorisant le développement des bas salaires.

Comme nous aurons l'occasion de le constater, au fil des articles et amendements, le dispositif est perfectible, notamment parce qu'il s'adresse uniquement aux bénéficiaires du RMI et de l'API, et non pas à l'ensemble des personnes à faibles revenus. Il exclut les travailleurs pauvres – rappelons qu'un tiers des SDF travaillent – et les jeunes de moins de 25 ans.

En outre, le RSA n'est pas dénué d'effets pervers pour les « oubliés » – déjà laissés pour compte de la défiscalisation des heures supplémentaires – et les collectivités territoriales.

Au-delà de toutes ces questions touchant aux modalités pratiques du dispositif ouvert à l'expérimentation, il convient d'en apprécier la philosophie dans le cadre, plus général, de la politique de l'emploi voulue par le Président de la République.

Les politiques de l'emploi et de lutte contre la pauvreté ne sauraient être menées indépendamment. Dans son rapport de 2006, le CERC démontre que « le constat statistique est sans ambiguïté, mais aussi sans grande surprise : plus on s'éloigne de l'emploi stable pour se rapprocher des zones d'emploi précaire et flexible ou des alternances entre chômage, emploi et inactivité, plus le risque de pauvreté s'accroît. »

Dans la mesure où l'emploi de qualité reste le premier rempart contre la pauvreté, sécuriser les revenus les plus faibles en favorisant le développement des contrats aidés ou à temps partiel, des emplois dans le secteur des services à la personne et autres petits boulots, à grand renfort d'exonérations de charges sociales, revient à poser un cautère sur une jambe de bois.

Le dogme de l'abaissement du coût du travail, tout comme le refus de revaloriser le salaire minimum, fabriquent de la misère et jouent contre l'amélioration de la qualité de l'emploi.

C'est donc en toute conscience que M. Sarkozy dégrade l'emploi pour les besoins du marché et tente, non pas de réduire les inégalités, mais d'entretenir un volant de travailleurs pauvres, en complétant leurs revenus par des prestations.

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