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Intervention de Olivier Landel

Réunion du 16 novembre 2011 à 17h00
Commission d'enquête sur les produits financiers à risque souscrits par les acteurs publics locaux

Olivier Landel, délégué général de l'association d'étude pour l'agence de financement des collectivités locales, AEAFCL :

Notre objectif est de permettre à l'ensemble des collectivités territoriales d'accéder au marché obligataire. Depuis 2004, les communautés urbaines réalisent déjà des émissions obligataires groupées et les collectivités locales peuvent accéder individuellement au marché, mais seules les plus grandes d'entre elles sont concernées, car il faut émettre d'importants volumes pour amortir les coûts de transaction et acquérir la visibilité nécessaire. À l'image des Länder allemands, ces collectivités sont connues sur les marchés et notées – elles émettent régulièrement entre 500 millions et 1 milliard d'euros sans intermédiation bancaire.

Lorsque cette initiative a vu le jour, en 2004, les directeurs financiers des communautés urbaines s'inquiétaient déjà d'un certain resserrement de l'offre de crédit : ils constataient que le nombre des acteurs intéressés se réduisait et que la concurrence n'était pas aussi vive qu'on pouvait le souhaiter. Peu désireux de mettre tous leurs oeufs dans le même panier, ils voulaient diversifier l'accès aux ressources financières.

Nous avons adopté une forme juridique inédite pour procéder à des émissions groupées. Première contrainte, tous les emprunteurs devaient recevoir leur argent en même temps et dans les mêmes conditions. Deuxième contrainte, au plan matériel, il n'existe qu'un seul contrat, signé le même jour par l'ensemble des présidents des communautés urbaines. Troisième contrainte, nous avons choisi des obligations amortissables – 95 % du marché sont constitués de prêts remboursables in fine, auxquels seuls certains grands émetteurs, tels que la Ville de Paris et la région Île-de-France, ont recours car ils arrivent à reconstituer, en combinant différentes durées, une courbe d'amortissement de la dette qui ressemble à celle de prêts amortissables.

Malgré toutes ces contraintes, auxquelles s'ajoutent l'obligation d'être noté et celle d'être éligible à la Bourse de Paris, avec ce que cela implique en matière de documentation, nous avons obtenu des prix avoisinant 11 points de base pour la première année, et 3 ou 4 points à partir de la quatrième année. Grâce à ces émissions, nous avons également su à quel prix on pouvait nous prêter de l'argent et à quel prix les investisseurs prêtaient de l'argent aux banques. Tous les établissements bancaires ont, en effet, des foncières – DexMA pour Dexia et le Crédit foncier de France pour les Caisses d'Épargne –, chargées d'émettre des obligations et de revendre, sous forme de prêts, les fonds obtenus. Nous avons constaté que ces acteurs étaient capables de nous revendre de l'argent moins cher qu'ils ne l'avaient acheté. Cherchez l'erreur ! Ces banques rétablissaient leurs marges ensuite grâce aux produits structurés.

Notre idée est de permettre à l'ensemble des collectivités d'accéder directement au marché obligataire, sans intermédiation bancaire mais sans se substituer totalement aux banques, qui peuvent réaliser des opérations que nous ne pouvons pas faire. Il s'agit de compléter l'offre et de la diversifier, tout en montrant que nous comprenons le métier des banques et la manière dont sont formés les prix. Au demeurant, on peut penser que si les communautés urbaines ont eu moins recours aux emprunts structurés que d'autres, c'est peut-être parce qu'elles ont eu plus tôt conscience des anomalies du système.

Ce projet n'est lié ni à la crise de 2008, ni à celle de 2010. Il n'est donc pas conjoncturel. Dès 2007, nous avons souhaité élargir le cercle des collectivités participant aux émissions. D'autres collectivités étaient désireuses de nous rejoindre, mais nous ne pouvions pas augmenter le nombre des signataires du contrat, déjà important, même si nous étions intéressés par une augmentation des montants levés sur les marchés – nous empruntions 100 millions d'euros par an, ce qui était très peu.

Afin d'étendre l'opération à d'autres collectivités, nous avons lancé, en 2008, une émission obligataire un peu particulière, qui devait être la dernière de ce genre. Limitée à trente collectivités et portée à 250 millions d'euros, elle répondait à un cahier des charges qui tendait à engager une réflexion sur un véhicule de financement intermédiaire entre les marchés et les collectivités territoriales. Un pré-rapport d'étude a ainsi été remis dès janvier 2009.

Alors que l'opération était prévue pour le mois d'octobre 2008, en pleine crise, nous avons tout de même pu émettre. Le prix, 104 points de base, a semblé exorbitant, mais il ne paraît plus ridicule aujourd'hui. Du reste, nous avions conseillé aux collectivités de ne pas recourir à cette émission, car le dépannage proposé par la Caisse des dépôts, compris entre 75 et 80 points de base, était plus intéressant. Vingt-trois collectivités ont toutefois participé à l'émission, puis elles nous ont poussés à aller plus loin, et à constituer une agence de financement offrant aux investisseurs un risque qu'ils apprécient, celui des collectivités locales.

Si les banques ne leur prêtent plus aujourd'hui, ce n'est pas parce que le risque collectivités serait de mauvaise qualité, mais à cause d'autres facteurs tels que les ratios de fonds propres et le choix délibéré qui a été fait, compte tenu de la raréfaction des liquidités, de privilégier une clientèle plus rémunératrice – les collectivités rapportent moins dès lors qu'elles n'achètent plus de produits structurés et l'obligation de déposer leurs fonds au Trésor leur interdit les placements financiers. Je précise que nous ne souhaitons pas d'évolution sur ce point.

La création de l'agence évitera, à l'avenir, de recourir à des émissions obligataires individuelles, même si certaines collectivités, dont la signature est reconnue, pourraient avoir intérêt à conserver leur autonomie. Notre rapport d'étude, rédigé à la suite d'un dialogue compétitif, remis cet été et présenté à l'assemblée générale en septembre dernier, a montré que l'agence aura pour vertu d'assurer la liquidité des titres. Nous avons constaté, en effet, que les structures similaires ont continué à émettre sans difficulté en 2008 et 2011 aux Pays-Bas et dans les pays scandinaves, et cela à des prix plus bas que ceux que nous avons connus en France. Les acteurs de ce genre sont toujours plus liquides – ils ont survécu à la crise de 1929 quand ils existaient déjà – et toujours moins chers que les autres. Les investisseurs préfèrent, en effet, prêter à une agence publique détenue par des propriétaires de fonds publics locaux plutôt qu'à des structures qui peuvent faire faillite.

J'en viens à nos choix en matière de gouvernance. Nous avons retenu une structuration en deux étages : un établissement public local et une société anonyme. L'établissement public sera la propriété exclusive des collectivités : bien que cette idée colle au projet comme un sparadrap, nous n'avons jamais envisagé une garantie de l'État. On affirme souvent que le projet ne se réalisera jamais, faute d'obtenir la garantie de l'État. Or, il n'en a jamais été question. L'établissement public détiendra la société anonyme, laquelle sera son bras armé. L'opérationnel sera assuré par des professionnels de la finance (auxquels, par ailleurs, on pourrait utilement faire appel pour conseiller les collectivités sur le stock des produits structurés). Dans le cadre de l'Agence de financement des investissements locaux (AFIL), leur mission sera double : présenter l'agence aux investisseurs et accorder des prêts aux collectivités territoriales.

Je tiens à préciser qu'il n'y aura pas de distorsion de maturité. DexMA a contribué aux difficultés de Dexia parce qu'elle empruntait court pour prêter long. L'agence empruntera et prêtera sur les mêmes durées, ce qui signifie que plus les emprunts seront longs, plus leur coût sera élevé.

Comment éviter d'accorder des traitements préférentiels à certaines collectivités ? La double structuration retenue devrait nous protéger : les élus membres de la structure de tête auront, en effet, collectivement intérêt à ce que l'agence obtienne les meilleurs prix possibles. Il faudra donc respecter des règles imposées par le marché et par l'Autorité de contrôle prudentiel. Les marchés demanderont, en particulier, que l'agence ait une note. Plus celle-ci sera élevée, meilleurs seront les prix. Ils voudront aussi que l'agence prête à des risques sains et qu'elle ne fasse pas d'exceptions à ses propres règles – conditions d'accès au financement ou conditions de taux en fonction de l'analyse financière de la situation des collectivités.

Les règles établies par la structure de tête seront appliquées par la structure émettrice sans aucune possibilité de dérogation, et elles seront connues de tous. Une collectivité désireuse d'adhérer à l'agence pourra ainsi réaliser ses propres tests : elle saura si elle peut être acceptée et à quel prix un prêt pourrait lui être consenti. Une fois membre de l'agence, elle aura intérêt à ce que les règles continuent d'être respectées, car l'acceptation d'un « vilain petit canard » ne pourrait se faire qu'au détriment de l'ensemble du système.

Par conséquent, la double gouvernance devrait garantir une certaine forme de solidité. Ce n'est pas qu'un voeu pieux, car c'est aussi ce qui ressort des comparaisons internationales que nous avons réalisées. La déconnexion entre le cadrage stratégique et l'outil opérationnel permet d'éviter la gestion de cas particuliers, à l'initiative des élus comme des professionnels – il existe aussi des dérives dans les structures privées.

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