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Intervention de Axel Poniatowski

Réunion du 23 novembre 2011 à 17h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAxel Poniatowski, président :

Je voudrais revenir sur quelques attendus qui me paraissent importants. Tout d'abord, nous avons mené cette mission de façon pragmatique et pas du tout idéologique. Ensuite, en abordant cette question, nous pensions pouvoir faire des propositions innovantes sur, par exemple, l'organisation à l'export de notre économie mais nous nous sommes rendus compte, au fur et à mesure des auditions, que le problème était avant tout culturel et qu'il nous était propre. Enfin, nous avons délibérément mis de côté la question des grands contrats. Certes, ils jouent un rôle significatif et ils feront sans doute l'objet d'une mission un jour ou l'autre. Cependant, nous nous sommes avant tout concentrés sur la problématique des PME et des ETI, c'est-à-dire les entreprises de taille intermédiaire. S'il y a en France de grosses entreprises très performantes, celles du CAC 40 et des grands contrats, il y a également, à côté, des PME très performantes qui se font rapidement racheter soit par de gros prédateurs français, soit par des entreprises étrangères, notamment chinoises, bien souvent intéressées par leurs brevets. En revanche, on a constaté une formidable absence des ETI dont le nombre est bien inférieur à celui de l'Allemagne mais aussi de l'Italie.

Comme le rapporteur l'a rappelé, nos exportations se heurtent aujourd'hui à quatre problèmes majeurs. Les trois premiers pèsent également sur nos voisins et partenaires. Il s'agit de la facture énergétique qui est aujourd'hui de 55 milliards d'euros pour la France, d'une monnaie surévaluée ainsi que d'un marché européen qui est probablement le plus ouvert et le moins protégé dans le monde. Le quatrième problème, quant à lui, est plus spécifique à notre pays. C'est celui de la compétitivité des entreprises françaises. Ce problème est très prégnant depuis 2000 et la mise en oeuvre de la loi sur les 35 heures.

Le problème de la compétitivité a plusieurs sources. Tout d'abord, les entreprises françaises sont trop petites. Seulement 4% de nos entreprises réalisent 70% de nos exportations ! Comme l'a souligné le rapporteur, de nombreuses entreprises n'exportent qu'une fois et n'exportent plus jamais. Tous les ans, à peu près 90% des entreprises qui exportent sont dans ce cas. Surtout, il faut relever que le nombre d'entreprises exportatrices est de 364 000 en Allemagne. Il est de 184 000 en Italie et de 100 000 en Espagne. Il n'est que de 95 000 en France.

Deuxième problème pour notre compétitivité : le coût du travail. Il y a 15 ans, il était 20% moins cher en France qu'en Allemagne, tant au niveau des charges que des salaires. Aujourd'hui, ce coût est à peu près le même, le problème étant que la qualité des produits n'est pas identique.

Enfin, notre compétitivité souffre d'un investissement insuffisant dans la recherche et l'innovation. En France, entre 1993 et 2008, la part de la recherche innovation est passée de 2,5 % à 2 % du PIB alors qu'elle est passée, en Allemagne, sur la même période, de 2,3 % à 2,6 %. De surcroît, en Allemagne, cet investissement est davantage réalisé dans l'innovation proprement dite que dans la recherche, c'est-à-dire qu'il vise à l'amélioration permanente des produits existants. En France, l'investissement public dans la recherche, en terme de pourcentage du PIB, est resté à peu près stable. Ce qui a chuté, c'est l'investissement privé.

Face à ces constats, nous avons voulu faire une dizaine de propositions qui nous ont semblé essentielles. Vous le verrez, nombre d'entre elles sont de nature fiscale.

La première concerne l'ISF. Il semble raisonnable de prévoir désormais que, comme les oeuvres d'art, tous les détenteurs de parts dans une entreprise familiale soient exonérés d'ISF sur les titres détenus, et ce, quel que soit leur statut vis-à-vis de la société. Aujourd'hui, sont exonérés ceux qui détiennent plus de 25% du capital de la société et exercent une activité de gestion de l'entreprise. Cela pose un problème certain pour les membres de la famille qui ne travaillent pas dans celle-ci : ils ne conduisent pas les destinées de la société et sont en plus imposés ! On pourrait dès lors considérer qu'une société est familiale lorsque la famille, par exemple, détient plus de 50% des parts. L'impact d'une telle mesure serait double :

– d'une part, elle permettrait d'éviter que des entreprises familiales soient vendues à cause de l'impossibilité de payer l'ISF. Nous considérons que c'est une des raisons pour laquelle énormément de PME ne parviennent pas à passer au statut d'ETI, en particulier en comparaison avec l'Allemagne ou l'Italie. Je vous rappelle que les ETI sont des sociétés dont le nombre de salariés est compris entre 250 et 5 000 et dont le chiffre d'affaires est supérieur à 250 millions d'euros ;

– d'autre part, le fait d'exonérer les détenteurs de part d'une société familiale inciterait l'ensemble des membres de la famille à placer leur argent dans celle-ci. Il y aurait un phénomène d'encouragement à conserver ces entreprises, à ne pas les vendre et donc à les multiplier. L'intérêt pour notre pays serait réel. Dans ces conditions, on pourrait même considérer qu'il serait avantageux de pérenniser l'ISF dès l'instant ou il inciterait à investir dans l'activité économique.

La deuxième mesure que nous proposons vise à alléger les charges sociales des entreprises produisant en France afin de les rendre plus rentables. Les entreprises françaises sont moins rentables que leurs concurrentes étrangères à cause du poids de la fiscalité mais aussi des charges sociales et autres prélèvements. Avec les mêmes effectifs et le même chiffre d'affaires, les entreprises allemandes sont nettement plus rentables que les françaises, ce qui leur permet de disposer de capacités d'investissements plus élevées à consacrer aux exportations ou à la recherche et développement. Nous proposons donc de créer une TVA sociale, ou une TVA anti-délocalisation ou une TVA anti-importation, peu importe le nom qu'on lui donne : il s'agit d'augmenter de trois ou quatre points la TVA et de baisser d'un montant équivalent les charges sociales patronales. Ce mécanisme aurait l'avantage d'améliorer notre compétitivité en réduisant le coût du travail tout en augmentant le prix des importations. On estime qu'une hausse de trois points de la TVA permettrait de réduire de 6 % les cotisations patronales. Le coût de la protection sociale ne peut en effet peser exclusivement sur le travail : la faire financer sur le capital supposerait de taxer les transactions financières, ce que l'on ne peut pas faire sans nos partenaires européens ; nous pouvons en revanche la faire financer par la consommation – y compris de produits importés, comme cela se pratique en Allemagne, au Canada et dans plusieurs pays nordiques.

Notre troisième proposition a pour objectif de favoriser la reconstitution des fonds propres des entreprises en appliquant un taux réduit d'impôt sur les sociétés de 15 % – au lieu de 33 % – sur la part des bénéfices réinvestie dans le capital de la société – mais pas placée sous forme de réserve afin de garantir son utilisation sur le long terme. Cela permettrait de renforcer les sociétés, d'augmenter leurs fonds propres et leur capacité d'investissement, notamment en recherche et développement.

Afin d'encourager la recherche de nouveaux marchés à l'export, notre quatrième proposition consisterait à appliquer un taux d'impôt sur les sociétés allégé sur la part de chiffre d'affaires réalisée sur un nouveau marché export. Pour éviter l'effet d'aubaine cette mesure doit être limitée à dix ans – au-delà, une entreprise est installée – et la prospection ne pourrait pas être réalisée par une filiale. Les assurances prospection proposées par la Coface ou par Oséo excluent les ETI. Le crédit d'impôt exportation réduirait les coûts liés à la conquête d'un nouveau marché, diminuant le risque d'échec rapide des entreprises à l'export et permettant de rétablir nos parts de marché.

J'en viens maintenant à une série de mesures visant à favoriser le développement des entreprises françaises.

Il faudrait d'abord parvenir à augmenter le nombre d'entreprises de taille intermédiaire en France. Pour cela, il faut avancer sur un sujet récurrent des négociations sociales mais sur lequel le désaccord subsiste : la question du relèvement du seuil des cinquante salariés actuellement en vigueur en droit social et droit du travail. Nous préconisons de lancer une négociation entre les partenaires sociaux pour porter ce seuil par exemple à 150 ou 200 salariés. Le seuil de cinquante salariés constitue un barrage pour les chefs d'entreprises et les conduit à créer plusieurs petites entreprises, voire à ne pas se développer au-delà. Nos PME doivent au contraire être incitées à atteindre la taille critique pour réussir à l'international.

La deuxième orientation que nous avons retenue est la généralisation de la création de fonds d'investissement régionaux, afin de créer de nouvelles sources de financement pour les PME. Sur la base de l'expérience lancée en Haute-Normandie, des fonds associant les réseaux bancaires, les conseils régionaux et les entrepreneurs locaux peuvent développer une activité de capital investissement réservée aux PME, et permettre aux chefs d'entreprises de la région de bénéficier de conseils spécifiques.

Rationaliser le soutien public régional nous est apparu comme une nécessité. Les entreprises françaises ne manquent pas de soutiens, mais ils sont principalement étatiques, quand les entreprises allemandes sont fortement aidées par les Länder. A quelques exceptions près, dans le Pas-de-Calais par exemple, les acteurs locaux, parmi lesquels les conseils régionaux et les chambres de commerce, se coordonnent trop peu avec les intervenants nationaux et entre eux. Il arrive même parfois – c'est le cas en Rhône-Alpes – qu'ils se combattent, ce qui ne peut que nuire à la performance des entreprises. Nous proposons donc de créer des agences régionales pour l'exportation, sous l'égide de l'agence Ubifrance, regroupant l'ensemble des acteurs du soutien public à l'export : chambres de commerce, conseils régionaux, services déconcentrés, Ubifrance, Coface. Il importe que chaque institution se concentre sur son champ d'expertise et d'éviter les doublons, les acteurs nationaux devant assurer un rôle de stratège.

L'organisation des instruments financiers publics à l'export doit aussi être rationalisée : cela nous semble devoir passer par l'attribution de la distribution de l'assurance prospection à Oséo. Cette charge est aujourd'hui assumée par la Coface – dont elle ne représente qu'une part très minime de l'activité – alors qu'Oséo propose des instruments financiers très complémentaires et dispose de relations plus étroites avec les PME, coeur de cible de l'assurance prospection.

Pour cibler et développer les secteurs porteurs, nous estimons nécessaire de créer des comités stratégiques réunissant l'Etat et les producteurs nationaux en vue de définir dans le cadre d'engagements mutuels contraignants les orientations et investissements à venir. Un tel comité existe pour la pharmacie, c'est le conseil stratégique des industries de santé, qui fonctionne très bien. Cet exemple devrait être suivi par les grandes filières exportatrices comme l'agroalimentaire et l'automobile, qui doivent associer leurs efforts à ceux de l'Etat pour répondre à la demande mondiale.

Nos deux dernières propositions sont relatives au soutien que l'Union européenne doit apporter aux entreprises européennes.

Il s'agit de rétablir un commerce équilibré avec les pays émergents. L'Union européenne ne peut continuer à ouvrir ses marchés à des pays qui protègent les leurs. Il convient d'inciter l'Union européenne à durcir ses positions face aux stratégies commerciales agressives des grands émergents en examinant la possibilité de nouer des accords commerciaux bilatéraux et appliquer le principe de réciprocité dans les domaines liés au commerce international, notamment l'accès aux marchés publics et la protection de la propriété intellectuelle. L'Europe apparaît trop souvent comme le seul marché réellement ouvert. Elle doit désormais obliger ses partenaires à respecter les mêmes règles sous peine de fermer ses marchés aux entreprises extracommunautaires. Les récentes déclarations de M. Michel Barnier vont d'ailleurs tout à fait dans ce sens.

Enfin, pour que les intérêts des industriels français dans les négociations européennes relatives aux normes techniques soient mieux pris en compte, la France doit absolument renforcer sa présence dans les instances européennes. Trop souvent, les entreprises françaises se voient imposer des normes européennes qui ne correspondent pas à leurs intérêts. A l'exemple de l'Italie et de l'Allemagne, très actives dans ce domaine, la France doit faire avancer ses exigences dans les négociations les plus techniques afin que nos produits ne soient pas désavantagés dans la compétition internationale.

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