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Intervention de Jérôme Lambert

Réunion du 22 novembre 2011 à 17h00
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérôme Lambert, rapporteur :

Les ambitions de la conférence de Durban seront sans doute limitées. Comme le dit le président de la République d'Afrique du Sud, M. Jacob Zuma : « Nous allons à Durban sans illusions, ce ne sera pas une promenade de santé, au contraire, nous savons parfaitement que dans certains domaines, les intérêts nationaux feront du consensus un challenge ».

Plusieurs éléments incitent au pessimisme. D'abord, la crise économique et financière, qui, dans les négociations internationales et les médias, a pris le pas sur la crise climatique, alors que celle-ci, il y a quelques années encore, notamment lors de la conférence de Copenhague, était au centre des discussions.

Or, comme cela vient d'être rappelé, les émissions de gaz à effet de serre ont atteint un nouveau pic en 2010 et nous sommes très loin des objectifs fixés dans ce domaine. Une étude publiée dans la revue « Nature » du 6 novembre indique que la situation actuelle est grave. Elle rappelle que pour atteindre un réchauffement inférieur à 2 °C, il faudrait qu'avant 2020 les émissions globales diminuent, alors qu'elles ne cessent d'augmenter : de 1990 à 2010, elles se sont accrues de 45 % !

Par ailleurs, les pays émergents font habituellement valoir la faiblesse de leurs émissions par habitant, même si cet argument ne vaut que pour certains, tels l'Inde qui produit 1,5 tonne par habitant, contre environ 10 tonnes par habitant en Europe, 18 aux États-Unis et 7 en Chine. Ils rappellent que les pays occidentaux sont historiquement responsables du stock et qu'ils ne font, par leurs émissions, qu'essayer de rattraper le niveau de développement économique de ceux-ci – encore éloigné, mais auquel ils ont droit.

De plus, si l'Union européenne se targue d'avoir réduit substantiellement ses émissions de CO2dans le cadre de la directive « climat » ou « 3 fois 20 », ses efforts sont remis en cause dans les négociations internationales. D'aucuns allèguent, en effet, que si l'on intégrait dans la consommation européenne tous les produits importés, en y incluant tout ce qui concourt à leur fabrication ou à leur transport, l'Union enregistrerait une augmentation de 25 % de ses émissions au lieu d'une diminution de 10 %.

Il est difficile de faire converger les points de vue dans la crise économique actuelle, où chacun défend ses intérêts et cherche à soutenir sa propre croissance.

D'autant que le climatoscepticisme est toujours présent, notamment parmi nombre de membres républicains ou démocrates du Congrès des États-Unis qui considèrent que l'évolution du climat est une donnée parmi d'autres, à laquelle on s'adaptera et qui ne doit pas empêcher de continuer de produire et de consommer. Lors d'une conversation que nous avons eue avec un élu républicain il y a quelques années, celui-ci avait affirmé que le réchauffement climatique n'était pas un problème dans la mesure où quand il fait trop chaud, il suffit d'augmenter la climatisation !

L'évolution des équilibres mondiaux est en outre déterminante. On constate un affrontement entre les pays du Nord et du Sud sur l'objectif du protocole de Kyoto. On l'a vu : certains pays signataires ne souhaitent pas son prolongement et d'autres sont réticents à devenir partie prenante, comme la Chine, qui met en avant les contradictions des États membres.

On voit aussi se dessiner un groupe de pays relativement solidaires dans le cadre du Groupe des 77 (G-77), lequel rassemble en fait aujourd'hui plus de 77 États, parmi lesquels beaucoup de pays dits émergents tels la Chine, l'Inde ou le Brésil, qui essayent d'avoir une position commune dans les négociations internationales, même s'ils sont dans des situations différentes. Ainsi, les 7 tonnes d'émissions de CO2 par habitant de la Chine équivalent à celles de l'Italie, ce qui montre qu'elle n'est plus un pays sous-développé.

Si ce tableau peut sembler pessimiste, des avancées concrètes sont tout de même attendues à Durban. C'est le cas pour la gouvernance du Fonds vert, même si la question de son abondement reste entière.

Par ailleurs, un plan d'action pour le transfert de technologies devrait être adopté, sachant que peu de projets concrets sont programmés à court terme.

De manière générale, on constate peu d'avancées concrètes depuis trois ans.

Les méthodes d'évaluation et de suivi des politiques nationales de lutte contre le réchauffement climatique devraient également progresser. La Chine semble à cet égard être en bonne voie.

Enfin, la position de l'Union européenne sera importante. Or, les négociations entre les Vingt-sept n'ont pas été aisées et le compromis trouvé a mis en évidence des divisions entre les pays membres. L'Union européenne se déclare « ouverte à une deuxième période d'engagements du Protocole de Kyoto » à condition de préserver l'intégrité environnementale de cet instrument et que soient lancées à Durban des négociations pour la conclusion d'un accord contraignant par tous les grands émetteurs de CO2, assortie d'une feuille de route.

Les divergences au sein de l'Union tiennent au fait qu'un groupe de pays – notamment la France, l'Espagne, la Belgique et le Danemark – souhaite que l'Union s'engage sur une deuxième période du protocole de Kyoto sans aucune condition, une éventualité à laquelle d'autres délégations – l'Allemagne et le Royaume-Uni notamment – sont opposées, compte tenu du fait que l'Union européenne ne contribue à ce jour que pour 11 % des émissions mondiales de CO2.

L'Union doit retrouver un rôle clé : si des chefs d'État ou de délégation ont eu une influence importante, on n'a pas toujours entendu ses représentants en tant que tels défendre les intérêts de l'Europe.

L'après Durban donne toutefois quelques raisons d'espérer. L'élaboration d'un nouveau régime « climat » ambitieux à moyen terme et engageant tous les pays du monde est souhaitable et possible. Mais certains États mettent en avant des conditions préalables. D'aucuns pensent qu'il faudra pour cela sortir du strict cadre des Nations Unies. En tout état de cause, d'autres outils sont susceptibles d'être mobilisés.

Enfin, « Rio + 20 », la Conférence mondiale des Nations unies sur le développement durable, qui se tiendra à Rio au Brésil en juin prochain, suscite beaucoup d'attentes. Certains, comme Brice Lalonde, coordonnateur exécutif de la Conférence des Nations Unies sur le développement durable, redoutent un échec à Durban qui pourrait se répercuter sur la conférence de Rio, dont la vocation est cependant plus large que la lutte contre le réchauffement climatique.

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