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Intervention de François de Rugy

Réunion du 23 novembre 2011 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois de Rugy, rapporteur :

Ces deux propositions de loi, que j'ai cosignées avec Yves Cochet, Noël Mamère et Anny Poursinoff, et qui seront examinées le 1er décembre à la faveur d'une « niche parlementaire », ont pour origine la défiance que nourrissent actuellement nos concitoyens à l'égard de la classe politique : 72 % des Français jugent leurs élus et leurs dirigeants « plutôt corrompus », et 19 % seulement pensent qu'ils sont « plutôt honnêtes ». Nous ne pouvons rester sans réagir à ce jugement erroné, même si nous savons qu'il peut résulter pour partie d'une certaine incapacité de la politique à obtenir les résultats que tous souhaiteraient. Selon nous, le législateur peut concrètement lutter contre ce sentiment de défiance, en renforçant la transparence de la vie publique.

Je n'ai pas besoin de rappeler les différentes affaires qui ont eu lieu depuis le début de cette législature, en particulier les affaires « Woerth - Bettencourt ». Le Président de la République a suscité la constitution d'une Commission de réflexion pour la prévention des conflits d'intérêts dans la vie publique, présidée par M. Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d'État, dite « commission Sauvé ». Toutefois, alors que cette commission a rendu ses conclusions depuis près d'un an, aucune action législative n'a encore été engagée. Un projet de loi a certes été déposé sur le bureau de notre Assemblée, mais il n'est pas encore inscrit, à ma connaissance, à notre ordre du jour. Comme on m'opposera sans doute ce dépôt, je ferai valoir un précédent qui nous fait douter que ce texte vienne jamais en discussion : en octobre 2010, j'ai déposé une proposition de loi organique relative à l'application de l'article 11 de la Constitution, puis un projet de loi a été déposé sur le même sujet au mois de décembre 2010. Or, si ce dernier texte a fait l'objet de travaux en commission, il n'a toujours pas été inscrit à l'ordre du jour.

Ce que nous proposons aujourd'hui concerne, tout d'abord, le financement des partis politiques. L'existence de micro-partis a récemment fait l'objet de débats. Nous proposons, non de les interdire, mais de lutter contre un détournement de la législation sur le financement des formations politiques. Savez-vous quel est le quatrième bénéficiaire de la deuxième fraction du financement public des partis, liée au nombre d'élus ? C'est le parti polynésien Fetia Api, qui n'a recueilli que 1 021 voix aux élections législatives, mais qui bénéficie d'une dotation publique de 1,4 million d'euros ! C'est difficilement justifiable et la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a d'ailleurs appelé notre attention sur ce cas lorsque nous avons entendu ses représentants.

Nous avons constaté, d'autre part, qu'un couple fortuné pouvait financer presque intégralement, à lui seul, la campagne d'un candidat aux élections législatives : les dons sont certes plafonnés à 4 600 euros par personne physique mais, en sus de ces 9 200 euros, le même couple peut verser deux fois 7 500 euros à un parti politique, et autant à un micro-parti créé par un candidat. En tout, il peut donc verser presque 40 000 euros, soit plus de la moitié du plafond des dépenses autorisées pour une élection législative qui s'élève en moyenne à 70 000 euros. Il y a là un détournement de l'esprit des dispositions qui visaient à empêcher toute personne physique de peser outrancièrement sur la vie politique grâce à sa fortune.

Lors de son audition, M. Sauvé nous a aussi indiqué que les contrôles exercés par la Commission pour la transparence financière de la vie politique n'ont débouché sur aucune poursuite judiciaire en vingt-trois ans, alors que des dossiers ont été transmis au parquet. Celui-ci décide librement d'exercer ou non des poursuites, mais M. Sauvé a précisé que la transmission des dossiers était toujours justifiée par des éléments sérieux. Le dispositif actuel souffre donc d'un problème de crédibilité.

De plus, nos concitoyens ne comprennent pas comment fonctionne la « réserve parlementaire », ni comment elle est utilisée. Au lieu de laisser le soupçon et la rumeur courir, et les parlementaires se justifier personnellement, nous proposons d'instaurer la transparence, sans supprimer ce dispositif – on pourrait également souhaiter que cette « réserve » soit attribuée de manière plus égale, mais cela relève du fonctionnement de notre assemblée.

Pour remédier à toutes ces difficultés, nous proposons un dispositif assez complet sur la transparence de la vie politique et sur la prévention des conflits d'intérêts.

La transparence porterait, tout d'abord, sur les revenus des élus et sur les moyens de fonctionnement qui leur sont attribués. Il existe, en effet, beaucoup de fantasmes et de rumeurs, en particulier sur les indemnités, qui font l'objet d'une confusion, volontairement entretenue, avec les moyens de fonctionnement tels que l'indemnité représentative de frais de mandat (IRFM).

En ce qui concerne les conflits d'intérêts, nous proposons des mesures assez étroitement inspirées des conclusions de la commission présidée par M. Sauvé, même si nous ne les reprenons pas dans leur intégralité – nous nous concentrons, en effet, sur la vie politique. Nos propositions tendent à rendre obligatoires les déclarations d'intérêts et de patrimoine et à instaurer une sanction en l'absence de déclaration.

Nous proposons, par ailleurs, d'obliger tout responsable public à se déporter en cas de conflit d'intérêts possible ou avéré et, pour les responsables les plus exposés, tels que les ministres, à confier à un tiers un mandat de gestion sans droit de regard de leurs intérêts financiers – M. Thierry Breton avait fait ce choix pour les actions qu'il détenait lorsqu'il était ministre de l'Économie, mais il n'existe pas d'obligation en la matière.

En dernier lieu, nous demandons que des déontologues soient institués dans chaque lieu de pouvoir, à l'image de ce que nous avons fait à l'Assemblée nationale, et que, conformément aux recommandations de la commission Sauvé, une Autorité de la déontologie de la vie publique soit créée. Il s'agirait, non de constituer une nouvelle autorité administrative indépendante, mais de regrouper des instances existant déjà, notamment la Commission pour la transparence financière de la vie politique et la Commission de déontologie de la fonction publique.

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