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Intervention de Jean-Jacques Candelier

Réunion du 28 janvier 2009 à 15h00
Autorisation de prolongation de cinq interventions des forces armées à l'étranger — Débat et votes sur une déclaration du gouvernement

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Candelier :

Monsieur le président, messieurs les ministres, cher président Teissier, mes chers collègues, nous sommes réunis pour nous prononcer sur la prolongation de l'intervention de nos forces armées dans différents pays.

Cet exercice découle de la nouvelle rédaction de l'article 35 de la nouvelle Constitution adoptée l'année dernière, dont l'alinéa 3 précise que : « Lorsque la durée de l'intervention excède quatre mois, le Gouvernement soumet sa prolongation à l'autorisation du Parlement ».

Nous sommes appelés à nous prononcer aujourd'hui, non pas sur une seule intervention, comme cela a été le cas au sujet de l'Afghanistan, mais sur toute une série d'opérations extérieures. Il s'agit d'un exercice compliqué, car les configurations sont différentes les unes des autres. Je vais donc tenter d'être le plus synthétique possible, en évoquant successivement chacun des cas. J'ajoute que je déplore fortement l'absence d'un large débat au sein des deux commissions compétentes.

Jean-Paul Lecoq a déjà évoqué tout à l'heure les opérations en cours au Tchad et en République Centrafricaine. En accord avec lui, je traiterai donc, pour ma part, dans un premier temps, du cas de la Côte d'Ivoire.

Nous y sommes engagés au sein des forces de l'ONU, mais surtout au sein de l'opération Licorne, et plusieurs résolutions de l'ONU encadrent notre intervention. Ainsi, la résolution 1464, du 4 février 2003, qui avait fait suite à l'accord de Linas-Marcoussis entre les différentes factions ivoiriennes fonde juridiquement l'intervention de la force Licorne. La résolution 1528, du 27 février 2004, a créé l'opération des Nations unies en Côte d'Ivoire, l'ONUCI.

La ligne de mire est la tenue des élections présidentielles. Celles-ci doivent être précédées de plusieurs étapes : désarmement et démantèlement des milices, identification du corps électoral, redéploiement de l'administration et préparation technique de l'élection. La date de ces élections ayant, à nouveau, été repoussée, une nouvelle résolution a prolongé les mandats de l'ONUCI et de Licorne.

Notre force de réaction rapide est susceptible d'agir au profit de la force onusienne, celle-ci intervenant elle-même en soutien de ce qui reste des forces armées ivoiriennes. Par ailleurs, elle est habilitée, comme elle l'a déjà fait, à assurer la sécurité des très nombreux ressortissants étrangers et français sur place. Depuis février 2008, Licorne regroupe 1 800 soldats, qui accompagnement le processus de paix grâce à deux missions parallèles. Outre les interventions en matière de santé, des actions sont entreprises dans le cadre d'opérations civilo-militaires, comme la distribution de matériel pédagogique, la réfection d'écoles ou la réparation de la pompe à eau d'un puits par le génie militaire. L'autre mission de Licorne consiste, bien entendu, à assurer une rapide « réversibilité » de sa posture en cas de troubles.

Nous proposons la poursuite de notre mission d'interposition en Côte d'Ivoire tant que le mandat de l'ONU sera renouvelé. Je précise toutefois que cette mission doit demeurer strictement non partisane, ce qui n'a pas toujours été le cas. Il nous apparaît en effet nécessaire de conforter la stabilité intérieure et extérieure de ce pays, grâce à la présence d'un détachement de l'armée française, ce qui limite le risque de guerre civile et de retour des épurations ethniques.

Aujourd'hui, il semble que le Gouvernement veuille réduire notre contingent, et le discours du Premier ministre, il y a quelques instants, nous le confirme. Toujours est-il que nous espérons une normalisation durable de la situation et souhaitons que la tenue prochaine des élections présidentielles ouvre, à terme, la voie à un retrait total de nos troupes.

Par ailleurs, au Kosovo, nos forces sont engagées au sein de la KFOR de l'OTAN. On connaît les événements dramatiques qui ont secoué ce territoire. Il en résulte aujourd'hui une défiance profonde et un ressentiment considérable entre les communautés, qui vivent de façon totalement cloisonnée.

Le Kosovo est placé sous administration de l'ONU, représentée par la mission des Nations unies, la MINUK, en application de la résolution 1244 du Conseil de sécurité du 10 juin 1999. Les missions de la KFOR sont la sécurisation des zones qui lui sont attribuées et la transformation des milices albanaises en forces de sécurité kosovares. La KFOR est censée intervenir en troisième ressort, derrière la police kosovare et la police de la MINUK, mais, en fait, elle est souvent placée en première ligne en raison de l'inefficacité de ces forces.

Depuis la déclaration d'indépendance se pose la question de l'évolution du rôle respectif des différentes organisations internationales, nombreuses sur ce petit territoire, qu'il s'agisse de l'OTAN, de l'ONU, de l'Union européenne ou encore de l'Organisation pour la sécurité et la coopération européenne.

La situation est encore loin d'être stabilisée. Cependant, nous demandons le retrait de notre contingent du Kosovo. Sous commandement de l'OTAN, il cautionne, selon nous, la déclaration unilatérale d'indépendance du parti kosovar au pouvoir. Il ne nous semble pas possible de donner raison aux indépendantistes, même si, évidemment, nous n'oublions pas tous les crimes qui ont été commis. Selon nous, l'avenir du Kosovo ne passe pas par le volontarisme de l'Europe et des pays étrangers, mais par la volonté de cohabitation des communautés serbe et albanaise.

Enfin, au Liban, la France participe à la FINUL, la Force intérimaire des Nations unies au Liban, dans le cadre de résolutions de l'ONU, dont la plus célèbre est la résolution 1701.

On se souvient que la FINUL a été installée après l'invasion du Liban Sud par l'armée israélienne en 1978. À la suite de ces événements, une force d'interposition de l'ONU avait été envoyée sur place afin de confirmer le retrait des forces israéliennes, de rétablir la paix et la sécurité internationales, et d'aider le gouvernement libanais à restaurer son autorité dans la région. En dépit de cette présence, l'armée israélienne est intervenue à nouveau en 1982. Jusqu'en juin 2000, elle a occupé illégalement une partie importante du Liban. La guerre de 2006 a été ensuite d'une nature particulière puisque, pour la première fois, l'armée israélienne s'est trouvée opposée à une très forte résistance du Hezbollah, ce qui a abouti à un échec militaire de Tsahal, l'armée israélienne.

Depuis, la FINUL a reçu pour mission de l'ONU de poursuivre son action d'interposition, mais elle est désormais équipée de moyens lourds et, en particulier, de chars Leclerc, ce qui lui donne la possibilité de réagir contre tous les actes hostiles qui s'opposeraient à la réalisation des missions et des obligations qui lui sont assignées par le Conseil de sécurité. Il s'agit, principalement, de la surveillance du cessez-le-feu entre l'armée libanaise, le Hezbollah et l'armée israélienne.

Aujourd'hui, au Liban Sud sont déployés 12 500 hommes, appartenant à vingt-cinq pays, parmi lesquels la France est le deuxième contributeur, avec environ 1 950 soldats.

On connaît les risques dans cette région, comme l'atteste l'agression dramatique d'Israël sur la population de Gaza. Les crimes commis dans la bande de Gaza sont innommables. Les membres d'une délégation de personnalités et d'élus qui s'y sont rendus la semaine dernière ont été très éprouvés par ce qu'ils ont vu et entendu. Ils décrivent l'état de dénuement et de détresse de la population de Gaza, le blocage de l'aide humanitaire, qui ne passe qu'au compte-gouttes, et le sentiment d'isolement de ce territoire, sur lequel s'est abattu pendant trois semaines un déluge de bombes israéliennes. Les traces d'un acharnement sur les civils ont été relevées, dans un territoire où la densité de population est très élevée. Des armes non conventionnelles ont été utilisées. Ces crimes de guerre atroces justifient que les coupables soient poursuivis et sanctionnés.

Le prétexte invoqué, la guerre contre le Hamas, ne tient pas davantage que celui de la chasse au Hezbollah. C'est pourquoi nous n'avons pas de raison de nous opposer à la poursuite de l'intervention de nos forces au Liban. Les parlementaires communistes, républicains et du parti de gauche proposent, du reste, l'envoi de troupes d'interposition pour sécuriser Gaza et la frontière d'Israël. Condition indispensable à l'arrêt durable des hostilités, l'envoi d'une telle force peut être le prélude à la formation d'un État palestinien dans les frontières de 1967.

Quant au Liban – mais cette remarque est valable pour beaucoup d'autres pays –, je suis convaincu que nous devons l'aider, d'une part, à mener sa reconstruction à bien et, d'autre part, à affirmer un État de droit indépendant, démocratique et non confessionnel, où seuls les pouvoirs publics disposent de la force armée. Toutefois, je précise que cela doit être le résultat d'un consensus politique interlibanais, qui ne peut être imposé par la force, sauf à prendre le risque d'une déstabilisation et de vives confrontations internes.

Telle est notre position sur la poursuite de ces trois OPEX multinationales. Je veux saluer à cette occasion la totale maîtrise de nos soldats dans la réalisation de leurs missions, qu'elles relèvent de l'humanitaire ou de l'utilisation de la force, quand ils y sont contraints.

Pour terminer, je réitère une demande urgente : la renégociation des accords de défense bilatéraux doit se faire dans la transparence et le Parlement doit être associé aux réflexions sur ces questions. Pour le moment, nous sommes encore loin des engagements du Président de la République.

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