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Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 21 novembre 2011 à 21h30
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 — Article 11

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoland Muzeau :

Avec cet article, nous abordons la question des allégements généraux de cotisations sociales et patronales sur les bas et moyens salaires, dits « allégements Fillon », lesquels constituent un gros poste de dépenses dans le budget de l'État. Plus d'une vingtaine de milliards sont ainsi consacrés à réduire les coûts salariaux, principaux responsables, selon vous, du déficit de compétitivité de la France. Mais qu'en est-il de l'efficacité de cette dépense ?

Peut-être serait-il bon d'approcher moins dogmatiquement la question, comme nous y invite Philippe Weil, président de l'OFCE, qui remarque fort à propos que « la baisse récente du coût unitaire du travail en Allemagne n'a fait que renforcer cet avantage mais il n'en constitue pas l'essentiel. La compétitivité à moyen et long termes dépend plus de la productivité, c'est-à-dire de l'investissement et de l'innovation, que des coûts salariaux. »

Faute de vouloir aller sur ce terrain, préférant masquer l'effet de trappe à bas salaires de cette politique, vous avancez un seul argument, celui des 800 000 postes créés ou sauvegardés depuis 1993. Selon vous, il s'agirait d'un dispositif d'aide à l'emploi, à la différence du dispositif Aubry, qui serait responsable, lui, de tous les maux dont souffre notre économie.

Depuis 2003, le coût de ce dispositif aveugle, indifférencié selon la taille et le secteur des entreprises, en augmentation de 33 %, suscite régulièrement des interrogations mais jamais il n'a été question d'en réduire la voilure. Timidement, le PLFSS pour 2012 aménage les allégements généraux de cotisations sociales sur les bas salaires, pour une économie totale de 2 milliards.

Pour notre part, nous avions proposé plusieurs scénarios de sortie, plus au moins doux : tous ont été rejetés.

Le Sénat, lui, nous a suivis sur le terrain de la conditionnalité de ces allégements en insérant à l'article 11 un paragraphe extrêmement important, supprimant la réduction générale Fillon sur les bas salaires en l'absence d'accords ou de plans d'action en matière d'égalité salariale. Ce dispositif, vous proposez de le supprimer sous prétexte que « la seule conditionnalité acceptable est celle consistant à demander aux entreprises d'engager des négociations salariales ». Et bien sûr, on ne saurait imposer une obligation d'aboutir, puisque cela constituerait « un chantage », qui ne relève plus du dialogue social.

Les écarts salariaux ont pourtant cessé de se résorber depuis vingt ans, selon la DARES. En 2008, les salariés femmes gagnaient toujours 27 % de moins que les hommes et le salaire horaire des femmes reste inférieur de 19,2 % à celui des hommes, si l'on ne tient pas compte des effets liés au temps partiel.

Est en cause, selon Chantal Brunel, rapporteure de l'observatoire de la parité, le « manque flagrant de volonté politique ». Sur ce sujet, la majorité se contente de faire de l'affichage. En témoigne le décret de juillet dernier vidant quasiment de tout effet les sanctions financières instaurées par la loi sur les retraites à l'encontre des entreprises qui ne négocient pas. Toujours selon Chantal Brunel, « cet article a été simplement un moyen de se donner bonne conscience ». Il est bien dommage qu'elle ne soit pas présente parmi nous ce soir.

Il nous faut trouver des réponses plus efficaces, davantage incitatives, pour ne pas dire contraignantes, si l'on veut enfin placer les entreprises face à leurs responsabilités. Retirer les aides à celles qui ne jouent le jeu de l'égalité salariale constitue l'une de ces solutions – sa motivation devrait vous apparaître clairement. Cette mesure, qui a la faveur de la présidente de la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale, doit être maintenue.

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