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Intervention de Thierry Mariani

Réunion du 15 novembre 2011 à 17h00
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Thierry Mariani, ministre chargé des transports :

Le projet de loi relatif à Voies navigables de France, qui vous est présenté aujourd'hui, est une traduction concrète des engagements du Grenelle de l'environnement en matière de transports.

Il résulte en effet de la volonté, partagée avec les acteurs concernés, de renforcer le report modal vers la voie d'eau et de faire évoluer la part cumulée du fret ferroviaire et du fret fluvial de 14 % à 25 % du fret global à l'échéance 2022.

La France prend aujourd'hui la pleine mesure du formidable potentiel de développement du transport fluvial. Les excellents chiffres du trafic de fret fluvial en 2010, avec notamment une progression de 8,6 % des volumes transportés, le démontrent dans un contexte économique pourtant difficile. Ces résultats prouvent que le report modal devient chaque jour un peu plus une réalité. Nous pouvons nous en féliciter.

Comme vous le savez, le transport fluvial a franchi une première étape importante en avril dernier, avec le lancement du dialogue compétitif pour le canal Seine-Nord Europe, décidé par le Président de la République. Ce développement du réseau fluvial doit s'accompagner d'une réforme en profondeur du service public de la voie d'eau. En effet, Voies navigables de France, établissement public industriel et commercial créé en 1991 pour exploiter, entretenir, améliorer, développer et promouvoir les voies navigables, ne maîtrise aujourd'hui qu'insuffisamment les moyens indispensables à sa gestion. Il exerce par ailleurs une autorité limitée sur les agents qui travaillent pour lui. L'établissement n'a que très peu la main sur sa propre organisation territoriale. Surtout, l'état des lieux du réseau impose des améliorations urgentes.

La réforme du service public de la voie d'eau, que nous avons engagée, est donc nécessaire et particulièrement attendue pour répondre aux besoins des professionnels français et européens. Elle implique non seulement d'accroître la compétitivité du transport fluvial et de disposer d'un réseau modernisé et fiabilisé, mais également de se doter, enfin, d'un opérateur complet disposant de moyens à la hauteur de ses ambitions.

C'est pourquoi la principale disposition du projet de loi vise à regrouper, au sein d'un même établissement public administratif de l'État, les 400 salariés actuellement employés par VNF et les 4 500 agents des services déconcentrés de l'État qui travaillent pour lui. L'ensemble des personnels sera regroupé sous l'autorité d'un directeur général. Ce dernier aura des pouvoirs de gestion et de recrutement étendus ; il pourra ainsi piloter efficacement l'établissement en disposant de l'autorité hiérarchique et de l'autorité fonctionnelle. Il aura également des compétences élargies en matière de rémunération et de formation, afin de lui permettre de développer une politique d'emploi à la fois adaptée à la spécificité des missions de la voie d'eau et valorisante pour les personnels.

Ce rapprochement permettra d'instaurer une véritable communauté de travail et d'unifier les compétences et les moyens au sein d'un nouvel établissement. Le nouveau statut présente l'avantage de maintenir, au bénéfice des agents de l'État concernés par le transfert, les garanties qui étaient les leurs auparavant, tout en gardant la possibilité de recruter des salariés de droit privé. Le Sénat a d'ailleurs suivi, sur ce point, la proposition du Gouvernement.

Concernant l'organisation de la gouvernance du futur établissement, le Gouvernement a tenu à maintenir une véritable unité de gestion en ne recréant pas deux structures parallèles au sein de ce nouveau VNF. Notre objectif est de faire prévaloir une culture commune, qui sera le ciment du nouvel établissement.

À cet égard, le dispositif qui figure désormais dans le projet de loi adopté par le Sénat respecte les orientations que nous avons négociées avec les partenaires sociaux. Il prévoit la constitution, à terme, d'un seul comité d'établissement, tout en respectant les statuts des salariés de droit privé et des agents de droit public.

Avec ce dispositif, le texte a atteint un point d'équilibre. Il préserve les intérêts des différentes catégories de personnels tout en évitant les risques d'inconstitutionnalité en matière de détermination collective des conditions de travail, prévue par le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.

Comme vous l'avez compris, l'État a mené une large concertation avec les représentants des personnels du ministère et de Voies Navigables de France. Il en est ressorti un consensus sur le développement de la voie d'eau à laquelle tous sont extrêmement attachés. Cette concertation a également permis de veiller à ce que le projet de loi garantisse, à chaque catégorie d'agent, le maintien de son statut ou la conservation des stipulations de son contrat.

L'autre volet du projet de loi concerne les missions de l'établissement.

Ce projet de loi élargit en effet les principales missions de l'établissement afin d'affirmer sa contribution à la réalisation des objectifs du Grenelle de l'environnement en matière de transport fluvial, et ce en parfaite complémentarité avec les autres modes de transport. Le rôle de l'établissement en matière de gestion hydraulique est par ailleurs renforcé pour prendre en considération les enjeux liés au partage de la ressource en eau.

L'action sur le réseau secondaire a également été mise en avant, compte tenu du rôle majeur qu'il joue en matière d'aménagement du territoire et de préservation de l'environnement, grâce à sa vocation touristique. Sur ce point, les débats au Sénat ont permis d'enrichir le texte du Gouvernement.

Par ailleurs, dans la perspective d'accroître les ressources de l'établissement et de lui permettre de valoriser le domaine de l'État qui lui est confié, le projet de loi lui confère des compétences nouvelles afin qu'il puisse procéder, par le biais de filiales, à des opérations d'aménagement ou de développement complémentaires à ses missions.

Les sénateurs ont souhaité que ces filiales soient à capitaux majoritairement publics. Je souhaite souligner que ce n'est pas la position du Gouvernement qui n'envisage pas de restreindre les possibilités de financement. Cette obligation aurait en effet un impact non négligeable sur le nombre et l'ampleur des projets. Elle limiterait fortement l'effet de levier induit par la mobilisation de capitaux privés. En conséquence, le Gouvernement souhaite que votre commission examine avec attention cette possibilité, en prenant en compte les objectifs mêmes de la réforme. Je rappelle qu'il s'agit, avant tout, de permettre au nouvel établissement de prendre des initiatives au service du développement de la voie d'eau.

Vingt ans après la création de VNF – Alain Gest ne me contredira pas – il était temps d'avoir un établissement disposant des moyens lui permettant d'atteindre les objectifs du Grenelle de l'environnement et d'offrir un service de qualité, adapté aux attentes des usagers. Nous pouvons lui donner aujourd'hui tous les leviers pour ce faire.

Enfin, comme je l'ai dit précédemment, cette réforme est une condition nécessaire mais non suffisante pour un véritable développement de la voie d'eau. Il est également indispensable de moderniser et de sécuriser le réseau par des investissements adaptés.

Le niveau d'investissements était tombé à 50 millions d'euros annuels il y a dix ans. Il ne permettait plus de moderniser le réseau, lui faisait perdre des parts de marché par rapport à la route, et pouvait présenter un risque pour la sécurité des agents et des usagers. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a adopté un programme ambitieux d'investissements de près de 840 millions d'ici à 2014. C'est sans précédent. Il permettra de moderniser la voie d'eau et d'améliorer le service offert aux usagers. Ainsi, sur le grand gabarit, la navigation sera désormais possible vingt-quatre heures sur vingt-quatre, comme c'est déjà le cas chez nos voisins d'Europe septentrionale.

Concernant le réseau touristique, il s'agira de mettre en place une offre de service adaptée, qui tienne compte de la saisonnalité de ce secteur et de la réalité des besoins.

La mise en oeuvre du programme d'investissements par VNF aura également un impact important sur les conditions de travail des agents et leur sécurité. Les barrages manuels seront progressivement remplacés. La remise en état des ateliers de travail, des bâtiments administratifs et des équipements de sécurité des ouvrages sera en outre poursuivie.

Cet effort s'ajoute au plan de relance portuaire, qui comprend un volet consacré à l'amélioration de la desserte fluviale de nos ports, ainsi qu'au projet de canal Seine-Nord Europe, investissement colossal de près de 4,2 milliards d'euros. Il reliera dans quatre ans, avec tous les avantages que représente le grand gabarit, le bassin de la Seine et les réseaux fluviaux du Nord de l'Europe.

Vous l'aurez compris, ce projet de loi constitue une étape cruciale dans la réforme des voies navigables. Je sais combien vous êtes nombreux, au sein de cette commission, à partager cette même ambition renouvelée pour le transport fluvial. L'examen de ce texte concrétise les efforts déployés, ces dernières années, pour améliorer et promouvoir la voie d'eau et favoriser le report modal, conformément au Grenelle de l'environnement.

Je sais que certains d'entre vous veulent profiter de ce vecteur législatif pour introduire des dispositions relatives à la création d'une interprofession dans le secteur fluvial. J'y suis pour ma part très favorable : les professionnels doivent s'organiser pour accompagner, à leur tour, l'ambition portée par le Gouvernement.

Il nous appartient aujourd'hui de nous doter d'un opérateur à même de nous placer au niveau de nos voisins, qui ont su démontrer tout le potentiel du réseau fluvial. Tel est l'objet de ce texte.

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