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Intervention de Bruno le Maire

Réunion du 25 octobre 2011 à 9h00
Commission élargie : commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, commission des affaires économiques, commission des affaires sociales

Bruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire :

S'agissant de la pêche, monsieur Guédon, ma priorité est de financer le plan sur les navires du futur. Cela nous permettra d'avoir des bateaux qui consomment moins de carburant, sachant que le coût de celui-ci représente aujourd'hui près de 40 % du coût final du poisson pêché, ce qui est très excessif, et d'améliorer le confort et la sécurité des marins – tous ceux qui ont participé un jour à une campagne de pêche savent à quel point leurs conditions de vie sont difficiles, voire dangereuses.

Ce sont 20 millions d'euros du grand emprunt qui sont consacrés à ce projet : c'est un signe de notre volonté de continuer à développer une flottille plus performante et plus sûre.

La consommation de poisson augmente. Si c'est heureux pour la qualité de notre alimentation, je ne me résigne pas à ce que 80 % du poisson consommé en France soient importés. La solution réside dans le maintien d'une flotte de pêche performante et dans le développement de l'aquaculture dans des conditions plus respectueuses de l'environnement qu'elles ne le sont dans certains pays asiatiques. On rejoint ici la question du développement de nos propres filières.

Nous avons lancé avec l'INRA des programmes de développement de l'aquaculture, avec une consommation de farines de poisson bien moindre que ce qui se pratique dans d'autres pays. Tout cela est très prometteur et mérite d'être développé. Je recommande à cet égard à tous les amoureux du Pays basque la visite de la station de l'INRA à Saint-Pée-sur-Nivelle, qui a développé un programme très intéressant sur l'engraissement des salmonidés.

Sur la politique commune de la pêche, je vous confirme que je ne suis pas d'accord avec les premières orientations fixées par Mme Damanaki : certaines sont pour nous de vraies lignes rouges. Je suis ainsi fermement opposé à l'idée de quotas individuels transférables, qui marqueraient une victoire de la pêche industrielle sur la pêche artisanale. Les pêcheurs artisans vendraient en effet leurs quotas aux industriels, et on aboutirait à une concentration de la pêche très éloignée du modèle français. Je suis également opposé à l'idée d'arriver à zéro rejet dans des délais aussi réduits que ceux indiqués par la Commission : les contraintes techniques et matérielles ne nous le permettront pas.

Les pêcheurs font de leur mieux. Ils ont fait des efforts sur la sélection et la limitation des rejets, mais on ne peut pas leur demander l'impossible !

En ce qui concerne le rendement maximum durable, écoutons la voix des pêcheurs et des scientifiques, et pas seulement celle de personnes qui n'ont pas nécessairement compétence pour le définir ! Bref, veillons à ne pas céder à l'idéologie en matière de pêche européenne.

Si nous voulons vraiment que la pêche soit compatible avec le reste de l'environnement, nous devons aussi tenir compte des contraintes matérielles et économiques des pêcheurs. Sinon, nous tuerons l'ensemble des activités de pêche en Europe, sans pour autant avancer sur la préservation de la ressource.

Je suis sensible à votre compliment, monsieur Peiro. Je ne sais qui défendra le budget de l'agriculture l'an prochain, mais je souhaite qu'il soit l'occasion de dépasser les clivages partisans : sauver et renforcer notre agriculture est une priorité stratégique nationale. La Chine, l'Inde, le Brésil, l'Argentine, les États-Unis l'ont compris, et la France également. Malheureusement, il subsiste encore en Europe un courant pour qui se fournir en produits agricoles auprès de pays qui produisent moins cher est la meilleure solution. C'est à mon avis une erreur historique.

Beaucoup d'entre vous ont évoqué l'évolution de la sociologie agricole. C'est un bouleversement considérable pour notre nation que de voir la population active agricole se réduire à 987 000 actifs, alors qu'elle représentait encore la majorité de la population au début du vingtième siècle. Cela ne signifie pas que l'agriculture soit sur la voie du déclin. Jamais nous n'avons eu autant besoin des agriculteurs, jamais nous n'avons eu autant besoin de productions agricoles. Nous ne savons pas comment nourrir la planète : qui nous dit que dans dix, quinze ou vingt ans, nous ne serons pas dans la situation de ne plus pouvoir nourrir notre population, faute d'avoir pris les bonnes décisions ?

Je rappelle que les deux seuls secteurs dont la balance commerciale est excédentaire sont l'aéronautique et l'agroalimentaire. Dans un monde où il faut prendre des parts de marché et profiter de la croissance des pays émergents, renoncer à l'agriculture serait une hérésie, et je me réjouis qu'il existe un consensus à cet égard.

Le rajeunissement et la féminisation de la population agricole constituent par ailleurs des signes positifs, tout comme la forte augmentation du niveau de qualification moyen des agriculteurs. Ce sont autant de signes d'espoir pour la profession agricole. Bref, l'agriculture est un secteur d'avenir !

Je tiens à redire à quel point je suis opposé à un modèle agricole qui aboutirait à la concentration dans un nombre limité de points du territoire d'exploitations de taille industrielle. Nous devons conserver la diversité de nos exploitations et leur présence partout sur le territoire. Cela suppose le maintien d'un certain nombre d'aides comme la PHAE ou les ICHN.

J'insiste sur un dernier élément : nous sommes tous responsables. Si nous n'ouvrons pas un vrai débat sur la question de l'utilisation du foncier en France, nous créerons des difficultés majeures à tous les agriculteurs, notamment aux jeunes qui s'installent.

J'ai mis en place une taxe, ainsi qu'un observatoire des terres agricoles. Nous avons commencé à ouvrir le débat. La question de l'utilisation des terres agricoles est une question majeure, qui se pose à l'échelle planétaire quand les Chinois achètent des dizaines de milliers d'hectares de terres agricoles en Afrique, mais aussi chez nous, quand nous autorisons la construction de lotissements sur les terres les plus fertiles ou l'implantation de grandes surfaces sur les terres arables les meilleures, parce que nous estimons que la terre agricole ne vaut rien.

J'en viens à la PAC et à la question des quotas. Si j'ai accepté de renoncer aux quotas laitiers, c'est pour deux raisons très simples.

La première est qu'il est difficile, voire impossible, d'expliquer à de petits pays comme le Danemark ou les Pays-Bas, qui sont d'importants producteurs de lait, que la quantité de lait qu'ils ont le droit de produire dépend de leur population. Cela reviendrait à dire à la Suède qu'elle ne peut produire que peu de voitures parce que sa population est peu nombreuse ! Un pays produit s'il est capable de produire, de vendre et de rémunérer ses producteurs. C'est une question de justice européenne.

La deuxième raison est stratégique. Renoncer aux quotas laitiers en faveur de la régulation du marché est l'un des points qui m'ont permis d'obtenir un accord avec l'Allemagne sur le maintien du budget de la PAC. J'ai estimé – et je l'assume – que c'était là une priorité absolue. Faut-il rappeler qu'à mon arrivée, la proposition de la Commission était de baisser ce budget de 30 % à 40 % ? Pendant toute l'année 2009-2010, mon obsession a été de remporter cette victoire. Pour cela, il a fallu faire des concessions.

Enfin, la régulation agricole figure dans le projet de PAC 2014-2020. Introduite à la demande de la France, elle constitue un renversement complet de perspective. Ce que propose la Commission reste à ce jour insuffisant. Je souhaite un renforcement des outils d'intervention en cas de crise. Je demande aussi une nouvelle fois le maintien des droits de plantation, ainsi que le maintien des quotas sucriers jusqu'en 2020.

S'agissant de la tabaculture, je rappelle que neuf millions d'euros ont été dégagés pour l'aide à la qualité du tabac. Ce n'est pas un dossier facile car les aides à l'hectare ont été très importantes. Je crois néanmoins essentiel de se battre pour maintenir une activité tabacole dans notre pays. Là encore, ne cédons pas à l'idéologie. Ce serait un mauvais calcul que de condamner la culture du tabac au motif que celui-ci est nocif si on devait dans le même temps en importer et, partant, laisser détruire des emplois dans le secteur en France.

En ce qui concerne la retraite obligatoire des agriculteurs, on peut toujours dire qu'il faudrait faire plus. Il n'en reste pas moins que nous avons au cours de la législature consacré 130 millions d'euros à la revalorisation des petites retraites.

Monsieur Dionis du Séjour, je sais et je salue l'énergie avec laquelle vous avez défendu l'amélioration de la compétitivité de l'agriculture française par la réduction du coût du travail. Je n'ignore pas que le Lot-et-Garonne –Agen m'est chère à moi aussi – fait partie des régions les plus concernées par ce sujet. Pour les producteurs de noisettes, de pruneaux, de pêches nectarines, la réduction du coût du travail est vitale. Nous allons y procéder. Mais il convient de s'assurer auprès de la Commission européenne de l'eurocompatibilité de la mesure. Bernard Reynès s'est déjà rendu, avec plusieurs d'entre vous, à Bruxelles pour avoir un premier éclairage sur le sujet. Je formulerai de nouveau la demande à la Commission et j'ai bon espoir que nous obtiendrons son feu vert, à tout le moins un nihil obstat. En aucun cas, nous ne prendrons de mesure susceptible d'être ultérieurement sanctionnée. Je le dis d'autant plus librement que je suis le ministre de l'agriculture qui a « hérité » du plus d'aides illégales octroyées par ses prédécesseurs. Je ne suivrai pas cette voie. Accorder aux paysans français des aides illégales, c'est leur mentir et les placer dans des difficultés insurmontables lorsque, quelques années plus tard, elles doivent être récupérées.

Pour le reste, je refuse catégoriquement d'engager l'agriculture française dans la voie du dumping social et d'une réduction des coûts qui aboutirait à payer les salariés à un tarif tout simplement indigne. Il faut gagner la bataille de la compétitivité. Cela exige un effort sur le coût du travail. Mais, sur ce point, je rejoins totalement votre analyse, monsieur Gaubert : nous n'avons pas à nous aligner sur des pratiques sociales attentatoires à l'honneur même des salariés. Deux autres batailles essentielles doivent aussi être livrées, que nous sommes d'ailleurs en train de gagner. Celle tout d'abord de la qualité, de la diversité et de la valorisation de nos produits. Nos viticulteurs et nos éleveurs l'ont engagée – la filière des agneaux de France s'est ainsi relevée grâce à une stratégie de qualité et de différenciation. Celle ensuite de l'exportation, où il nous faut gagner des parts de marché.

S'agissant des retenues collinaires, sujet que plusieurs d'entre vous ont abordé, il faut savoir ce que l'on veut. Soit on cède à l'idéologie de la décroissance totale en imposant toujours davantage de normes et de règles, à notre agriculture comme à notre industrie d'ailleurs, beaucoup plus strictes que celles en vigueur chez nos voisins européens, et il faut alors assumer la mort de nos entreprises industrielles, de nos exploitations agricoles et des paysans qui ne pourront pas lutter à armes égales. Je suis, pour ma part, totalement opposé à ce qu'on continue d'édicter des règles aussi strictes et d'accorder des droits de recours aussi larges alors qu'on a besoin des retenues collinaires. Nous nous apprêtons à simplifier les dispositifs : chacun prendra ses responsabilités au moment du vote. Si on entend maintenir l'agriculture, notamment dans le Sud, il faut des retenues et une simplification administrative massive s'impose – c'est la position que je défends. Si on refuse les retenues, au motif qu'elles peuvent poser des problèmes dans la gestion de l'eau, il faut accepter que les exploitations mettent la clé sous la porte. Il n'y a pas d'autre alternative. Et de grâce, ne laissons pas croire qu'on pourrait avoir le beurre, l'argent du beurre et le sourire de la crémière en sus ! On ne pourra pas maintenir l'agriculture avec des règles administratives ultra-compliquées et une protection de l'eau dix fois plus poussée que dans les autres pays européens. (Plusieurs commissaires du groupe de l'UMP applaudissent). Nous engageons 120 millions d'euros sur cinq ans pour ces retenues collinaires, dont 15 millions au titre du Fonds européen agricole pour le développement rural – FEADER – et 75 millions au titre des agences de l'eau. La bataille ne se jouera donc pas sur les moyens financiers mais bien sur la simplification administrative.

Monsieur Chassaigne, vous dites qu'on a renoncé face au libéralisme. Je rêve que vous m'accompagniez un jour à Berlin. Vous y constateriez que je suis considéré par nos amis allemands comme un dangereux gauchiste souhaitant faire intervenir l'État partout et instaurer de la régulation là où il faudrait laisser jouer le marché, et que, pour eux, la France est décidément incorrigible. Ce que vous qualifiez de libéralisme est perçu outre-Rhin comme une intolérable régulation des marchés. Il faut que nous parvenions à nous accorder avec l'Allemagne, notre principal partenaire, sur ce que l'on entend par libéralisation, régulation et organisation du marché. Pour ma part, je suis favorable à une économie de marché régulée. Cela signifie lutter contre la spéculation financière – inacceptable – sur les marchés agricoles, et c'est ce que nous faisons à l'échelle du G 20. C'est aussi conserver des capacités d'intervention en cas de crise, y compris économique. Il faut que la Commission européenne puisse intervenir sur les marchés pour faire remonter les prix et éviter que certains paysans ne se retrouvent en très grande difficulté. Ce dernier point reste difficile à faire valoir auprès de nos partenaires allemands. C'est enfin s'assurer du respect du principe de réciprocité. Les normes que nous imposons aux paysans européens, qu'il s'agisse d'environnement, de bien-être animal ou de droits sociaux, doivent être appliquées de la même façon par les Argentins, les Brésiliens, les Chinois, les Indiens et, bien sûr, les Américains. Si tel n'est pas le cas, des tarifs douaniers doivent compenser la différence. Voilà la position qui me fait passer pour un gauchiste auprès de 26 États sur 27 dans l'Union, et disant cela j'exagère à peine !

Monsieur Lecou, je vous redis mon opposition totale à la libéralisation des droits de plantation. Cette mesure a été décidée fin 2008 au niveau européen dans un contexte particulier – c'est d'ailleurs pourquoi je ne jette la pierre à personne – mais ce serait une erreur pour tous nos viticulteurs. Dans votre région où ceux-ci ont fait des efforts considérables d'arrachage de plants et de montée en gamme des vins, on ne peut décemment, après dix années d'efforts en matière de recherche de la qualité et de structuration de l'offre, leur expliquer qu'on va laisser « pisser la vigne » partout en France et en Europe.

Je vous répondrai tout à l'heure sur le sujet de la conchyliculture, abordé par plusieurs orateurs.

Monsieur Gaubert, comme je l'ai déjà dit, je partage votre analyse sur le coût du travail. J'ai entamé des discussions avec nos partenaires allemands sur le sujet : je serai demain à Berlin, comme presque chaque semaine en ce moment. Je m'entretiendrai avec mon homologue allemande et j'interviendrai devant la Konrad Adenauer Stiftung pour expliquer qu'il n'y aura d'entente possible entre nos deux pays que si chacun fait un pas vers l'autre. Ma conviction profonde est qu'aucun modèle national ne peut à lui seul convenir dans une perspective européenne et que c'est de l'addition équilibrée des avantages respectifs des différents modèles nationaux que naîtra le modèle économique européen de demain. Pendant des années, la France a voulu imposer le sien à l'Europe. Elle n'y est pas parvenue. Certaines de nos idées ont certes progressé, mais d'autres ont été rejetées. Ce n'est pas pour adopter maintenant le modèle allemand, qui a certes ses vertus mais aussi ses défauts. L'Allemagne a certes mieux réussi que la France dans la mondialisation, a gagné en compétitivité et accru ses parts de marché à l'exportation, mais elle compte aussi beaucoup plus de travailleurs pauvres. Les conditions sociales y sont plus difficiles pour un certain nombre et il n'y existe pas de salaire minimum. Notre pays doit faire un gros effort pour renforcer sa compétitivité, exporter davantage et réussir la mondialisation. Il en a les moyens. Pour autant, ce que nous avons réussi à mettre en place en matière de salaire minimum et de protection des salariés mérite d'être défendu. C'est sur cette voie étroite qu'il faut trouver un chemin. Je ne vous cache pas que c'est difficile aujourd'hui car la crise conduit au raidissement des positions de chacun et à un repli sur soi qui n'est bien évidemment pas porteur pour l'Europe.

Des propositions de la Commission, je retiens trois points clés. Je mets de côté le budget global, si ce n'est pour dire qu'il faudra se battre sans relâche pour que nul ne réintroduise de possibilité de baisse de ce budget, qui fera inévitablement l'objet de convoitises.

Le verdissement des aides tout d'abord. Il est excessif que 30 % du total de ces aides en dépendent. Il faut revenir à un taux plus raisonnable : sinon nos agriculteurs n'y arriveront pas. Deuxième difficulté : l'attribution de ces aides est subordonnée au respect simultané de trois critères, chacun extrêmement compliqué. En résultera une ingénierie technocratique incompréhensible pour les paysans et ingérable pour les administrations nationales. Au lieu de simplifier, on va complexifier. S'il y a bien un point sur lequel les 27 sont d'accord, c'est qu'il reste beaucoup à faire pour simplifier ce verdissement !

La convergence ensuite, avec tout d'abord la convergence européenne. La France s'est la première déclarée prête à renoncer aux références historiques pour parvenir à une répartition plus équitable des aides européennes. Il est en effet difficilement imaginable que l'aide moyenne à l'hectare puisse demeurer de 350 euros en France contre seulement 110 en Hongrie. Nous sommes en revanche totalement opposés à un montant unique – flat rate – d'aide à l'hectare pour l'ensemble des pays. Ce serait profondément injuste : en effet, un euro dans l'agriculture ne représente pas la même chose en France qu'en Pologne ou en Hongrie. Rapprochement oui, égalisation non. Il y a ensuite la convergence des aides entre les différentes filières à l'échelle nationale. Je suis prêt à l'engager mais le délai donné de cinq ans n'est pas tenable. Il faut se donner plus de temps. À vouloir aller trop vite, on risque de finir dans le fossé !

Enfin, dernier point : la régulation. Il n'a pas été simple d'inclure ce sujet dans la négociation. Nous avons réussi, mais les instruments proposés demeurent très insuffisants.

Monsieur Rochebloine, votre question sur l'enseignement agricole rejoint celle de M. Decool. S'il y a bien 280 équivalents temps plein supprimés, les réformes engagées, notamment celle du baccalauréat professionnel, doivent permettre d'absorber cette diminution. L'enseignement agricole, public et privé, demeure une priorité. Dans les réductions d'effectifs que mon ministère, comme tous les autres, a dû programmer, j'ai veillé à le préserver. Comme vous l'avez dit tous deux, les maisons familiales rurales – j'en ai encore visité une il y a peu – constituent un remarquable outil : l'alternance y fonctionne très bien, avec 85 % des élèves trouvant un emploi à la sortie. C'est un modèle à suivre.

Madame Massat, si on demande une cotisation de deux euros à l'hectare aux communes forestières, c'est dans l'objectif d'exploiter davantage la ressource bois. Pour cela, les communes forestières, comme l'État, doivent se mobiliser. Je comprends bien que dans votre département, l'utilisation du bois est moins rentable que dans d'autres, mais toutes les communes forestières doivent faire un effort. L'État ne s'en dispense pas lui-même qui alloue 46 millions d'euros à l'Office national des forêts. Nos forêts, qui occupent un tiers du territoire national, sont sous-utilisées alors même qu'il existe des opportunités exceptionnelles d'utilisation de cette matière première, pour la construction comme pour le chauffage. Autant faire appel à nos propres ressources plutôt que de continuer comme aujourd'hui à importer massivement du bois !

S'agissant du « bio », nous avons augmenté le plafond de 2 000 à 2 500 euros dans la loi de finances rectificative, pour répondre aux attentes et permettre aux exploitations « bio », y compris les plus petites d'entre elles, de continuer de bénéficier de ce soutien.

Vous regrettez qu'il n'y ait pas de soutien financier pour les circuits courts. La meilleure manière d'aider leur développement est de permettre aux collectivités locales de s'exonérer de la contrainte de prix dans les appels d'offres. Nous avons réussi à l'obtenir après un an de négociations avec la DGCCRF et le commissaire européen à la concurrence, M. Almunia, qu'il a fallu convaincre de la priorité à donner à l'approvisionnement de proximité. Le niveau a été fixé à 10 %. Je souhaiterais, pour ma part, qu'on aille beaucoup plus loin dans les années à venir et que cet approvisionnement devienne la règle, alors qu'aujourd'hui les produits qui composent les assiettes de nos enfants ont en moyenne parcouru deux mille kilomètres, ce qui est absurde.

Monsieur de Courson, j'ai déjà répondu sur le sujet de l'eurocompatibilité. Je n'ai pas le feu vert définitif mais Bernard Reynès a beaucoup fait avancer les choses en se rendant avec vous à Bruxelles. Nous allons poursuivre le travail avec la Commission. Les garde-fous que nous avons mis en place devraient la rassurer. S'agissant de la défiscalisation partielle des biocarburants, j'ai demandé au ministre des finances le renouvellement des agréments. J'attends sa réponse.

Madame Le Loch, je redis que l'une des priorités pour la pêche est le renouvellement de la flotille. Vingt millions d'euros y sont réservés et un appel à projets a été lancé pour des bateaux de nouvelle génération. Nous espérons que les premiers projets de modernisation pourront commencer à partir de mars prochain. Je ne reviens pas sur la réforme de la politique commune de la pêche – PCP. La discussion est très difficile. Je ne suis pas d'accord avec la philosophie globale de cette réforme. On donne en effet le sentiment d'avoir renoncé à une pêche européenne. Or, ma priorité va au maintien et même au développement des activités de pêche en France comme dans les autres pays européens, de façon que l'approvisionnement soit d'abord national. Va-t-on une nouvelle fois transformer la France et l'Europe en parcs d'attractions pendant qu'on importera massivement le poisson en provenance de pays dont on ne contrôlera ni les capacités ni les modalités de capture ? Si tel devait être le cas, personne ne serait gagnant.

Monsieur Favennec, pour ce qui est du calcul des retraites agricoles sur les vingt-cinq meilleures années, un rapport est en préparation sur le sujet. J'en attends les conclusions avant de me prononcer. Il était en effet apparu lors du débat sur les retraites que cela pouvait présenter des avantages, mais aussi de très lourds inconvénients pour une partie du monde agricole.

Madame Dalloz, je suis prêt à simplifier les règles et à raccourcir les délais d'instruction des demandes d'aide à la modernisation des bâtiments agricoles. Dès lors que, de toute façon, nous n'avons plus les moyens budgétaires d'augmenter ces aides – nous les maintenons seulement –, c'est la simplification des procédures qui entretiendra la dynamique. C'est vrai pour les bâtiments d'élevage comme pour les retenues collinaires ou le verdissement. Simplifier massivement nombre des règles administratives actuellement en vigueur dans l'agriculture ferait immédiatement gagner en compétitivité, sans que cela ne coûte un euro au budget de l'État, donc aux contribuables.

Madame Marcel, nous avons maintenu une enveloppe de 9 millions d'euros en 2013 pour le plan de performance énergétique. Nous avons aligné le tarif de rachat du biogaz sur celui pratiqué en Allemagne. Cela devrait favoriser le développement de la méthanisation dans notre pays, où l'on dénombre à peine une vingtaine d'exploitations la pratiquant, contre plus de 4 000 outre-Rhin. C'est une source de revenu direct pour les agriculteurs en même temps que cela contribue à la préservation de l'environnement.

Monsieur Binetruy, l'installation des jeunes agriculteurs demeure une priorité pour le Gouvernement. L'intégralité de l'enveloppe a été maintenue, soit 350 millions d'euros si on additionne crédits européens et crédits nationaux. Au-delà, comme chacun d'entre nous peut le constater sur le terrain, la clé de l'installation des jeunes, c'est le prix du foncier. L'action des maires et des conseillers généraux pour que le foncier demeure accessible est donc de la plus grande importance.

Monsieur Remiller, je ne reviens pas sur le coût du travail.

S'agissant de la sharka, voilà près dix ans que l'on cherchait à lancer un plan national de lutte contre ce virus. Un accord a pu être trouvé au printemps dernier et un plan enfin lancé, financé à 65 % par l'État et 35 % par les professionnels.

Madame Pinel, vous avez évoqué les marges de la grande distribution. Je souhaite que le nouvel Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires puisse faire la transparence totale sur les marges dans toutes les filières agricoles. C'est le meilleur moyen de restaurer davantage d'équité. Les grands distributeurs ont par ailleurs signé un accord sur la répercussion de l'augmentation des coûts de production. Je les ai rappelés à l'ordre il y a quelques jours sur le sujet. Cet accord doit maintenant être respecté.

Vous avez également appelé notre attention sur la menace planant sur le programme européen d'aide aux plus démunis. Je me bats pour que soit maintenue l'intégralité des crédits de ce programme, ou du moins la plus large partie, en 2012 et 2013. Mais, comme le Premier ministre l'a déjà indiqué, si d'aventure nous n'obtenions pas gain de cause, l'État français compenserait à l'euro près les crédits manquants pour les associations comme les Restos du coeur ou les banques alimentaires, ce qui ferait 72 millions d'euros à trouver. La suppression de ces crédits européens constituerait une défaite politique pour l'Europe tout entière. D'une part, il serait incohérent de charger la barque des budgets nationaux au moment où on demande aux États de faire des économies, et ce alors même que les sommes en question sont disponibles sur le budget européen. D'autre part, si la France peut parvenir à trouver une telle somme, il n'est pas certain que l'Espagne, par exemple, trouve, elle, les 105 millions qui lui seraient nécessaires. Soit on se moque de ce qui arrive dans chaque pays et on laisse faire, mais ce « chacun pour soi » n'est pas ma conception de l'Europe. Soit on se sent directement concernés par ce qui se passe en Espagne, en Italie, en Grèce ou en Allemagne, et solidaires avec l'ensemble des pays européens, et il serait alors plus sage de maintenir ces crédits.

Monsieur Philippe-Armand Martin, un mot sur le foncier. C'est une question prioritaire. La taxe mise en place devrait rapporter 2,5 millions d'euros dès la première année puis son produit monter progressivement en puissance.

La libéralisation des droits de plantation constituerait une faute politique majeure, tant pour la qualité des produits, notamment ceux issus de votre région, que pour notre capacité à exporter.

Monsieur Grall, je vais vous répondre un peu plus longuement sur la conchyliculture. Le sujet me tient en effet à coeur, parce que je le trouve emblématique du choix qui s'offre pour notre agriculture. On peut accepter de ne conserver que les très grandes exploitations, de production bovine, porcine, céréalière ou de fruits et légumes, et condamner toutes les exploitations plus petites ou spécifiques. Qu'on ne compte pas sur moi pour s'engager dans cette voie. On peut aussi se battre pour préserver chaque filière, même celles qui ne représentent pas beaucoup d'emplois parce qu'on considère que sont en jeu notre intérêt économique mais aussi l'identité de nos territoires. Si on fait ce choix-là, et vous aurez compris que c'est le mien, il faut dégager les moyens nécessaires pour la conchyliculture. Nous l'avons fait et je l'assume pleinement car je n'imagine pas la France sans la production des huîtres de Marennes Oléron, de l'étang de Thau et tant d'autres encore. Cela fait partie de notre culture, comme les parcs à huîtres font partie de nos paysages côtiers. Au motif qu'une maladie frappe les élevages, on ne va pas baisser les bras et se résigner à importer nos huîtres. Avec le maintien de cette activité, il en va aussi de la qualité de nos paysages et de toute une vie locale. Deux pistes ont été explorées. Celle de l'importation de naissains japonais a été abandonnée car, introduisant dans nos parcs de nouveaux agents pathogènes exotiques, elle créait plus de problèmes qu'elle n'en résolvait. La deuxième piste était celle d'une sélection génétique permettant d'obtenir des huîtres plus résistantes. Cela a permis de réduire la surmortalité des juvéniles de moins d'un an, de 10 % à 20 % dès la première année et sans doute de 50 % l'année prochaine. Il vaut donc la peine de poursuivre dans cette voie. Depuis 2008, le secteur de la conchyliculture a bénéficié de trois fois 40 millions d'euros sous forme d'exonérations ou d'allégements de charges et d'exonérations de redevance domaniale. Nous avons aidé le secteur à passer un cap difficile et une solution commence à se dessiner qui permettra de limiter les pertes économiques pour les conchyliculteurs.

Madame Robin-Rodrigo, je redis que la taxe forestière de deux euros l'hectare ne sera pas modulée, l'objectif étant de relancer l'exploitation, sous l'effort conjugué des communes forestières et de l'État.

Monsieur Bossé, je pense avoir déjà répondu sur l'irrigation et le stockage des eaux hivernales. Pour ce qui est de l'aide aux secteurs des fruits et légumes ayant beaucoup souffert, nous avons donné la priorité aux pêches nectarines, aux tomates et aux concombres. Il n'est pas exclu que l'aide puisse être étendue à d'autres productions mais pour l'heure, nous nous concentrons sur celles qui ont été les plus touchées par la crise.

Monsieur Morisset, j'ai déjà répondu sur les retenues collinaires.

Monsieur Pierre Morel-à-l'Huissier, je souhaite souligner l'effort considérable consenti pour maintenir l'intégralité des primes pour les éleveurs installés dans des zones difficiles ou qui s'engagent dans des modes de production plus respectueux de l'environnement : nous avons maintenu l'intégralité de la prime herbagère agro-environnementale et je vous confirme que les nouveaux contrats 2012 en bénéficieront également. Nous maintenons aussi l'intégralité de l'indemnité compensatrice de handicap naturel et l'intégralité de la prime à la vache allaitante.

Toutefois, comme je l'ai dit aux éleveurs, il n'y aura pas de mesure du type « année blanche ». Une telle mesure coûterait entre 500 à 700 millions au budget de l'État et ce serait de l'argent donné à fonds perdus. Cela a été fait pendant de très nombreuses années, sans que l'on pense ni aux exportations, ni à la restructuration de la filière, ni au GIE Export. J'ai choisi un autre cap, que j'assume : je maintiens l'intégralité des aides nationales et européennes spécifiques à la filière, l'intégralité des aides pour l'élevage en zone de montagne parce que je considère qu'il faut aider ces zones. Mais je me refuse aux aides de trésorerie, qui consistent à puiser dans le budget de l'État à fonds perdus sans que suive aucune restructuration de la filière. Je n'aide qu'en cas de crise grave, comme en 2009 ; pour le reste, je demande à la filière de se structurer.

Cette politique a commencé de porter ses fruits. Qu'est-ce qui a amélioré les revenus des producteurs depuis quelques mois sinon l'augmentation des prix, elle-même due à l'ouverture des marchés, que j'ai réussi à obtenir depuis plus d'un an, après des heures de discussion avec les responsables russes, turcs, kazakhs et de plusieurs pays d'Afrique du Nord ? C'est ce que demandent les éleveurs.

Puis, s'agissant de la trésorerie, je souhaite que les banques fassent davantage. Pourquoi l'État devrait-il prendre à sa charge tout problème de trésorerie, d'étalement ou de restructuration de la dette des éleveurs ? Il suffit ! Je réunirai prochainement les banques pour leur demander de participer à l'effort collectif. Je pense d'ailleurs que les éleveurs sont d'accord avec cette stratégie : ils ont compris que l'année blanche n'est pas la bonne solution et que les banques doivent jouer leur rôle.

Autre élément capital : la question des règles relatives au retournement des prairies et à la gestion des prairies permanentes. Plutôt que de verser des fonds publics sur les comptes de fonctionnement des exploitations, la meilleure aide, et la plus efficace, que l'État peut apporter aux éleveurs de votre région, c'est de simplifier les règles en vigueur, qui leur coûtent cher.

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