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Intervention de Gabrielle Louis-Carabin

Réunion du 8 novembre 2011 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2012 — Outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGabrielle Louis-Carabin :

Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le défi semblait relevé : dans une conjoncture économique tendue et évolutive, le projet de budget de la mission « Outre-mer » était annoncé en hausse de 1,1 % en autorisations d'engagement et de 2,9 % en crédits de paiement. Cette hausse aurait dû permettre d'épargner le logement, l'emploi, la continuité territoriale et le soutien aux collectivités, autant de secteurs considérés comme essentiels car ils favoriseraient le développement endogène. De ce fait, les décisions du CIOM et les dispositions de la LODEOM devaient être préservées.

Mais la réalité en est tout autre : l'augmentation optique de votre budget, ce semblant de défi, apparaît en réalité comme un cache-misère. En effet, la satisfaction née d'une hypothétique, voire passagère, hausse, suite aux récentes annonces d'un deuxième plan de rigueur en trois mois, doit être nuancée, compte tenu de la perte de plus de 400 millions d'euros pour l'outre-mer sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 2012. Je citerai, à titre d'exemple, la suppression de l'abattement de 30 % dont bénéficiait un nombre non négligeable d'entreprises de moins de neuf salariés et l'énième coup de rabot de 10 % sur la défiscalisation. Et je ne parle pas de l'amendement n° 448 , déposé le 7 novembre 2011 par vos soins, madame la ministre, qui frappe de plein fouet des politiques porteuses, comme le SMA – qui subit une baisse de 5 millions d'euros –, l'aménagement du territoire – dont les crédits sont diminués de 5,5 millions –, la rénovation hôtelière et l'aide au fret – moins 10 millions –, les exonérations de cotisations sociales – moins 30 millions – et bien d'autres encore.

Vous laissez ainsi imposer à l'économie de nos régions une trop forte diminution de crédits, doublée d'une complexité juridique excessive. Une fois de plus, avec ce nouveau tour de vis fiscal, les règles du jeu changent. Une fois de plus, vous faites la part belle à l'instabilité juridique, génératrice de doutes et de méfiance pour des régions extrêmement fragiles et sensibles à la crise. Faut-il raboter sans cesse et de manière uniforme des dispositifs qui soutiennent la croissance économique ?

Je crois sincèrement que la hausse « optique » de votre budget s'éloigne de la réalité vécue au quotidien par les Guadeloupéens, qui souffrent de plusieurs maux. Premièrement, d'un marché du travail toujours très dégradé, avec 23,8 % de chômeurs : même si sa détérioration s'est ralentie au premier trimestre de 2011, cela n'a pas été suffisant pour juguler la progression du chômage et apaiser les inquiétudes.

Deuxièmement, d'un taux de chômage des 15-25 ans deux fois plus élevé que celui de la France hexagonale. C'est un vrai calvaire, pour un jeune Guadeloupéen, que de parvenir à décrocher un emploi.

Troisièmement, de secteurs d'activité très fragilisés, comme le BTP ou l'industrie agroalimentaire. Si l'économie guadeloupéenne s'est stabilisée en 2011, ce n'est que grâce à la prudence des chefs d'entreprises, inquiets de l'évolution juridique. Comment prendre des décisions si les règles du jeu évoluent sans cesse, d'autant que la conjoncture économique est totalement instable ?

Quatrièmement, d'exportations qui se sont réduites de 8,7 %, pour atteindre leur plus bas niveau depuis 2001. C'est la manifestation la plus flagrante de la dépendance de nos économies insulaires.

Vous nous répondez sans cesse : moins d'assistanat, plus de responsabilités, plus d'investissements, plus de développement endogène. Cette idée est à la fois bonne et fausse, car elle suppose que nous disposions de moyens de production qui confortent nos moyens d'exportation et d'autosuffisance, moyens qui nous font cruellement défaut.

Mes chers collègues, je voudrais le redire, la volonté d'entreprendre existe aussi en outre-mer. Nous ne manquons pas d'idées innovantes, nous voulons conquérir les marchés extérieurs pour parvenir à relancer la machine de la création des emplois, pour ramener l'optimisme, pour capter la croissance de demain en investissant aujourd'hui. J'en veux pour preuve que la création d'entreprises a encore progressé de 9 % l'année dernière, ce qui représente 5 300 entreprises créées, dont deux sur cinq par des auto-entrepreneurs.

Mais comment tendre vers de tels objectifs sans moyens adéquats, sans moyens adaptés à la réalité structurelle et économique ? Comment tendre vers de tels objectifs, quand les moyens financiers vitaux pour la mise en oeuvre de politiques définies au cours de ces dernières années sont sans cesse rabotés, réduits, voire supprimés brutalement, sans aucune concertation, depuis que vous occupez ce poste ? Et pourtant, vous êtes domienne, madame la ministre !

Certes, nous traversons une période difficile, l'heure est à la crise à l'échelle européenne et mondiale. Cette crise impose des tournants, une rationalisation des dépenses, un effort partagé par tous – et nous ne rechignons pas à contribuer à l'effort national de maîtrise de la dépense publique outre-mer. Cependant, il est essentiel de rappeler que cette treizième législature se caractérise par un effort régulier arbitrairement imposé aux régions françaises d'outre-mer, allant à contre-courant de leurs objectifs de croissance, pénalisant les acteurs de leur développement durable, entravant leur croissance économique en dépit de l'impact de la crise. Et cela sans que « les membres de la représentation nationale aient été associés aux réflexions et encore moins aux décisions », comme le dénonce mon courageux collègue Alfred Almont dans son rapport.

Alors, face à la persistance des difficultés, ne doit-on pas définir un cadre plus pérenne donnant confiance à tous les acteurs de l'économie ultramarine ? Ne faudrait-il pas être plus attentive au quotidien de vos compatriotes, madame, sans pour autant les considérer comme des assistés ? Ne faudrait-il pas préserver la compétitivité des entreprises ultramarines à travers des dispositifs prévus pour quinze ans, au lieu de vous amuser à démantibuler ces dispositifs, à les détricoter, pour reprendre votre propre terme ? Ne faudrait-il pas privilégier la capacité d'initiative pour sauvegarder le processus de croissance lancé sous la précédente législature ?

Les esprits ne sont-ils pas trop orientés sur l'organisation institutionnelle, qui n'apaise en rien la souffrance sociale, mais qui attise les colères ? Le développement endogène si souvent prodigué est-il une solution adéquate ? Alors que la situation des DOM présente des caractéristiques proches de celles de nombreux autres départements de l'hexagone, les uns et les autres ne sont pas soumis aux mêmes exigences ! Les habitants d'une région métropolitaine sont-ils considérés comme des assistés, des improductifs, parce qu'il n'y a pas d'usines sur leur territoire, mais uniquement des fournisseurs de service et des commerçants ?

Cessons de focaliser pour ne voir dans nos collectivités que des terres de dépenses publiques ! Madame la ministre, le 7 novembre dernier, le Premier ministre a annoncé un effort historique sur le chemin du retour à l'équilibre des finances publiques. Ce plan ne peut que susciter les inquiétudes légitimes des populations d'outre-mer, des élus, des chefs d'entreprise. Qu'adviendra-t-il des zones franches d'activité, de l'aide au fret, des énergies renouvelables ? (« C'est fini, tout ça ! » sur les bancs du groupe SRC.) Nous ne connaissons pas encore les conclusions du rapport qui vient d'être déposé. Qu'adviendra-t-il des jeunes Guadeloupéens en proie au chômage, des investissements conduits par les particuliers pour des prestations bénéficiant de taux réduits de TVA outre-mer ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.)

En 2009, je vous interpellais sur le fait que les budgets passent et que les problèmes demeurent. De secrétaire d'État, vous êtes devenue ministre, mais les problèmes persistent, madame ! Vous avez ignoré les élus de terrain, cultivé le manque de concertation, le manque de dialogue. En cette fin de législature, les difficultés s'intensifient, la violence s'installe et l'avenir s'assombrit. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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