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Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Réunion du 3 novembre 2011 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2012 — Sécurité

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Urvoas :

Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le groupe SRC n'apportera évidemment pas son soutien à ce budget. Nous avons à cela toutes les raisons du monde mais je vais tenter de les résumer à travers trois domaines.

Une première raison tient à la question des effectifs.

Nous examinons le dernier budget de la législature : c'est l'occasion de jeter un oeil sur les cinq années durant lesquelles vous avez supprimé, année après année, des dizaines de milliers de policiers. Pour 2012 encore, vous supprimez 3 148 policiers et gendarmes. Ainsi, au cours de la législature de 2007, auront disparu de nos rues 12 500 fonctionnaires de police et de gendarmerie, sacrifiés par votre rabot comptable.

Au sein de la police, les gardiens de la paix ont été les plus touchés alors qu'ils sont ceux dont nous avons le plus besoin : 3 117 postes ont disparu.

Madame la ministre, puisque vous répétez régulièrement, à l'instar de M. Guéant, qu'il y a, en dépit de ces coupes drastiques, plus de policiers en 2012 qu'en 2002, je me suis appuyé, pour tirer un bilan de cette période, sur le travail remarquable effectué par le rapporteur Guy Geoffroy, qui publie, chaque année – sauf pour celle-ci, je le note –, un état des effectifs par circonscription de sécurité publique pour la police et pour la gendarmerie. J'ai compilé l'ensemble des informations ainsi fournies.

En 2002, le rapporteur UMP de l'époque, qui n'était pas encore Guy Geoffroy, avait isolé, pour la police, 115 683 personnels administratifs, techniques et policiers, auxquels s'ajoutaient 20 000 adjoints de sécurité plus des personnels de soutien, ce qui faisait un effectif total de 150 832 personnes. En 2012, on comptera 113 047 personnels actifs, 18 874 personnels administratifs et techniques et 11 793 adjoints de sécurité, soit un effectif total de 143 714 personnes. En dix ans, la police nationale a donc perdu 7 118 personnels.

Je peux faire exactement la même démonstration pour la gendarmerie. En 2002, tous corps confondus, il y avait 98 085 personnels. J'englobe toutes les catégories, officiers, sous officiers, personnels civils titulaires et non titulaires. En 2012, ils ne seront plus que 95 883, soit une baisse de 2 202 gendarmes en dix ans.

Au total, les programmes 152 et 176 compteront en 2012, 9 320 personnels de moins qu'en 2002.

Je vous mets au défi de contester ces chiffres, qui figurent dans les rapports budgétaires présentés au nom de la commission des finances et des autres commissions de cette assemblée.

Une deuxième raison nous amène évidemment à voter contre le budget de la mission « Sécurité », comme nous l'avons fait avec constance depuis 2007 : celle des investissements.

Une fois encore, quelle que soit la base de référence, nous constatons un effondrement généralisé. Sur la période 2007-2012, la part d'investissement a chuté de 40 % pour la police et de 75 % pour la gendarmerie.

Madame la ministre, puisque vous venez d'évoquer l'entretien des casernes de gendarmerie qui en ont bien besoin, prenons cet exemple. M. Guéant dit, à qui veut bien l'entendre, qu'il aurait besoin de 250 millions d'euros par an à ce titre. Or, en 2012, vous budgétez moins de 50 millions d'euros.

Un autre exemple illustre cette impéritie : celui des systèmes d'information et de communication. En 2007, police et gendarmerie bénéficiaient d'une enveloppe de 267 millions d'euros pour investir dans ces systèmes indispensables. En 2012, le montant prévu n'est de 33 millions d'euros, ce qui traduit une baisse de 88 % en cinq ans.

Cette dégradation n'est évidemment pas que comptable. Elle aura des conséquences graves et durables sur la performance des services, et c'est bien le plus inquiétant.

Des agents démunis de moyens ne peuvent pas s'engager dans une culture de performance et, surtout, ils finiront par perdre toute implication dans leur travail. Tous ceux qui siègent ce matin dans l'hémicycle fréquentent régulièrement les policiers et les gendarmes : ils savent la hauteur de leur découragement aujourd'hui.

Je veux enfin aborder une troisième question : celle de la police technique et scientifique

Vous en attendez beaucoup, et vous ne cessez de multiplier ses missions. Malheureusement, les crédits de fonctionnement que vous lui affectez sont notoirement insuffisants. Vous réussissez même, cette année, à baisser la subvention de l'Institut national de police scientifique, qui passe de 10,5 millions d'euros en 2009 à 7 millions pour 2012.

Vous n'anticipez aucunement l'avenir, puisque vous sabrez dans les investissements.

Vous savez sans doute que la décision cadre du Conseil de l'Union européenne du 30 novembre 2009 aura des conséquences sur les services de police technique et scientifique. Des processus d'accréditation fort onéreux vont être indispensables pour les laboratoires. Or on ne trouve aucune ligne de crédit visant à mettre en conformité les locaux de police technique et scientifique.

Quant aux effectifs, la décision de créer 83 postes de scientifiques frôle l'indécence. Elle ne compense en aucune façon la suppression de 1 682 ETPT, dont une part était composée de policiers dit « polyvalents » pouvant réaliser des prélèvements.

Bref, par tous ses aspects, votre budget ne dupera que ceux qui veulent bien l'être. Ce n'est pas le cas du groupe SRC. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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