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Intervention de Alain le Cornec membre du bureau fédéral de la Fédération nationale des travailleurs de l'état CGT

Réunion du 19 octobre 2011 à 11h45
Commission de la défense nationale et des forces armées

Alain le Cornec membre du bureau fédéral de la Fédération nationale des travailleurs de l'état CGT :

Cette invitation par la commission de la défense et des forces armées de l'Assemblée nationale se fait après la présentation du budget de la défense pour 2012.

Que retenir de ce nouveau budget du gouvernement Sarkozy-Fillon ?

En premier lieu, le Gouvernement souhaite tenir dans les abîmes de la revalorisation des salaires l'ensemble des agents civils du ministère par le maintien du blocage du point d'indice de la fonction publique et le blocage de la revalorisation des bordereaux de salaires des agents à statut d'ouvrier de l'État.

À l'heure où les milliards d'euros pleuvent pour sauver un système bancaire et boursier en déroute, les salariés civils du ministère sont très amers quant à la diminution de leur pouvoir d'achat.

Le Gouvernement préfère donc répondre aux injonctions de la financiarisation plutôt qu'aux besoins sociaux urgents de ses propres agents.

Il est vrai que lorsqu'un gouvernement – mais surtout un Président de la République avide de reconnaissance internationale – veut envoyer les forces armées sur des théâtres de guerre afin de contrebalancer le rejet de sa politique intérieure par une majorité des Français, il faut bien évidemment en payer l'addition, et de surcroît au prix fort. Qui va payer les 600 millions d'euros manquants pour les opérations extérieures, sur le 1,2 milliard d'euros dépensé ? Civils de la défense, le ministre veut à nouveau vous faire les poches !

En ce qui concerne la nécessité de limiter les coûts et de faire des économies, pourquoi ne pas se poser la question du financement de la dissuasion nucléaire qui, chaque année, engloutit 3,4 milliards d'euros ?

Les difficultés ne se mesurent pas uniquement par le blocage des salaires des agents. En effet, au titre de la réduction du budget, le ministère a engagé une vaste politique de vente des « bijoux de famille », espérant pouvoir réaliser de cette manière des recettes exceptionnelles.

Une fois de plus les visionnaires de l'hôtel de Brienne sont atteints d'une cécité sans limite. Dans un contexte de crise, les rentrées financières ne sont pas au rendez-vous. De facto le budget prévisionnel devient difficile à tenir, comme en témoigne la deuxième loi de finances rectificative. Et comment ne pas évoquer les 1,35 million d'euros promis au titre de mesures catégorielles que vous avez votées et dont les personnels civils ne verront jamais la couleur ?

À propos des économies que l'interarmisation doit permettre de réaliser, la CGT attend toujours un rapport digne de ce nom sur le coût des externalisations des fonctions de soutien et des réductions de dépenses. Le fait qu'un tel rapport n'ait pas été publié serait-il un aveu implicite de l'explosion des coûts des externalisations ?

Dans un rapport de 2008, la Cour des comptes avait indiqué que les externalisations représentaient 1,7 milliard d'euros. Qu'en est-il exactement des sommes dépensées depuis 2008 ?

De déficit de vision dans la gestion en déficit financier, en passant par le trou que va creuser la construction du futur Balardgone, il y a de quoi être pessimiste pour notre avenir.

Ce pessimisme se traduit dans l'ensemble du ministère pour les personnels civils par un mal-être croissant qui, hélas, a parfois une issue irréversible. Depuis le début de cette réforme, le ministère dénombre de multiples cas de suicides.

Pour la CGT, les membres de la majorité actuelle, de par leurs décisions politiques, sont responsables de ces disparitions tragiques de personnels civils.

Nous ne rentrerons pas dans le détail des problématiques de mutations et autres « tracasseries » pour les agents, qui peuvent aller jusqu'à des problèmes de rémunération sur plusieurs mois.

Les restructurations voulues par la majorité actuelle ont engendré une désorganisation permanente des services du ministère, avec, à la clé, un mensonge permanent des autorités auprès des personnels civils afin de les rassurer sur le bien fondé de la disparition de leur emploi, régiment ou encore établissement.

Avec ces multiples fermetures, vous avez créé des « déserts de défense » dans différentes régions. Les administrés de vos circonscriptions n'oublieront pas de quelle façon, pour certain d'entre eux, vous les avez chassés de leur région.

Un récent rapport parlementaire est assez critique sur la notion de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, laquelle semble avoir atteint ses limites. Le sous-dimensionnement des équipes et le manque de recrutement placent les agents dans des conditions de travail inadmissibles.

Mais le gouvernement veut continuer dans ce sens en indiquant dans sa présentation du budget pour 2012 une diminution de 2 000 emplois supplémentaires. Parlementaires de la majorité, vous continuez dans votre politique antisociale et destructrice d'hommes et de femmes !

C'est cet empressement à diffuser de l'instabilité sociale dans les établissements qui a poussé très récemment le ministère à se séparer des agents effectuant des travaux insalubres.

Cette restructuration est porteuse de l'éclatement de la communauté de travail qui faisait la force d'un établissement ou d'un régiment. Ce recentrage sur le coeur de métier engendre des incompréhensions sur le travail que les agents doivent faire. Dorénavant, le travail ne se conçoit que par le biais de contrats de services entre collègues.

Cette refonte du ministère est comme une pelote de laine que, de restructuration en restructuration, l'on déroule sans fin. Nous sommes dans la tourmente d'une gestion par le chaos ou plus personne n'est responsable de rien.

Tout semble être fait pour que le ministère ne fonctionne plus. De surcroît, pour la majorité, cela alimente l'idée selon laquelle, « puisque l'étatique ne fonctionne pas, on va privatiser ».

Le but de cette réforme est bien de vendre aux entreprises privées les prestations « rentables » et de facto de privatiser dans leur quasi-totalité les entreprises et missions de défense. Pour le gouvernement, il faut sectoriser – pour ne pas dire « filialiser » – les multiples fonctions de soutien et autres.

Cette limite très floue entre l'étatique et le privé est particulièrement visible dans le cas du maintien en condition opérationnelle. La bataille engagée par les industriels pour reprendre à leur compte le travail de la maintenance des matériels des armées est symptomatique d'une envie de privatisation de l'ensemble du soutien par le gouvernement.

Il est avéré que le maintien en condition opérationnelle représente approximativement 70 % du coût global de possession d'un matériel. À l'heure de l'aveuglement à l'égard du tout financier, les appétits s'aiguisent. Mais quel sera l'avenir pour nos régiments de soutien, pour nos ateliers industriels aéronautiques, pour notre service de soutien à la flotte ? Pour la CGT, le soutien doit rester sous maîtrise étatique. À ce titre, il convient de relancer le recrutement de personnels à statut afin de pouvoir assurer la transmission des savoirs. La liste serait longue, s'il fallait énumérer l'ensemble de nos missions et de nos établissements que nous devons conserver sous maîtrise étatique.

La CGT rappelle sa proposition d'édification d'un Pôle public national de défense qui assurerait la pérennité de nos établissements sous maîtrise étatique. Afin de totalement sortir notre industrie de défense des fourches caudines de la financiarisation, ce pôle serait adossé à un Pôle financier public.

Dans le secteur industriel, le gouvernement aurait tout intérêt à respecter les engagements qu'il a formulés lors du Grenelle de l'environnement. Durant ce Grenelle, la CGT a été une force de proposition pour l'édification d'une filière de déconstruction des navires en fin de vie, mais aussi pour le matériel terrestre et aéronautique. Force est de constater, hélas, que ces projets ne sont pas assez portés par le gouvernement, qui s'en remet aux préfets de régions pour formuler des propositions. Quoi qu'il en soit, il est inscrit dans le budget pour 2012 que les maîtres d'ouvrage ont été retenus et qu'une programmation financière a été établie. Nous souhaitons connaître la liste des maîtres d'ouvrage ainsi que le montant de la programmation budgétaire. À l'heure où l'Hexagone, et surtout les salariés, vit des heures très difficiles suite aux fermetures de différents sites industriels, il nous apparaîtrait incompréhensible d'abandonner de tels engagements. Nous sommes face à un manque cruel et crucial de politique industrielle en France. Dans ce « no man's land » de réflexion stratégique, quel avenir réserve le Gouvernement aux entreprises dans lesquelles il est actionnaire majoritaire – nous voulons parler ici de Nexter et de DCNS ?

À l'heure où l'Europe et les apôtres de la concurrence libre et non faussée cherchent à faire entendre leur voix, la CGT rappelle que les armes ne sont pas des marchandises comme les autres et qu'à ce titre ces entreprises doivent rester dans le giron étatique. Nous refusons par avance toute restructuration capitalistique ou fusion avec d'autres entreprises. Ce dont ont besoin ces entreprises, mais surtout les salariés, ce sont de carnets de commande qui permettent de garantir l'emploi et la stabilité – et surtout les besoins en équipement de nos forces armées. Les femmes et les hommes de ces entreprises sont les garants de notre souveraineté et de notre indépendance industrielle. C'est pourquoi il convient de doter ces entreprises de plans d'investissement à la hauteur de l'enjeu industriel à venir.

À ce jour, le point commun de ces deux entreprises est le sens du partage des bénéfices extrêmement restrictif qu'ont leurs P-DG ! Mais, il est vrai, il est peut-être plus simple de rémunérer les actionnaires – dont fait partie l'État – plutôt que la force de travail.

Nous prenons acte de la signature d'un accord avec Nexter suite à la mobilisation des personnels pour le versement d'une prime. La démonstration est faite que l'argent existe, qu'il est nécessaire de s'orienter vers une revalorisation générale des salaires et de repenser la répartition des richesses.

Concernant DCNS, nous dénonçons, quant à l'exploitation de la main-d'oeuvre étrangère sur les chantiers, une attitude à la limite de celle qu'avaient les « négriers » autrefois.

Un ministre qui a entamé un tour de France des centres ministériels de gestion afin de vanter les restructurations tout en espérant que les secrétaires généraux de fédérations syndicales vont l'accompagner, cela ressemble à s'y méprendre à une certaine frilosité de sa part ou à une fin de règne !

Il est évident qu'à la CGT nous ne participerons pas à cette mascarade pour laquelle on est en droit de se demander si le périple ministériel s'inscrit dans le calendrier de la future élection présidentielle.

Mesdames et messieurs les députés, prenez la mesure de l'oeuvre de destruction que vous avez mise en place depuis les annonces du 24 juillet 2008 : suppression de 54 000 emplois, fermeture de multiples établissements et de régiments, destruction de nos savoir-faire et de nos compétences, mise en place de la dépendance de notre industrie à l'égard du monde de la finance et des industries étrangères, réintégration dans le commandement de l'OTAN et de facto inféodation aux tentations guerrières des États-Unis. Toutes ces décisions dévastatrices – d'autant plus que nous connaissons une grave crise économique – doivent être abandonnées.

Quoi qu'il en soit, les salariés du ministère et des sociétés nationales sont debout face à la tempête. Ils résistent et font oeuvre de propositions revendicatives. La CGT est et restera à leurs côtés afin de promouvoir une défense souveraine et indépendante et une politique d'emplois qualifiés et bien rémunérés.

C'est de cet engagement sans faille des salariés pour le maintien de leur emploi, statut et rémunération que nous tenons à témoigner devant vous aujourd'hui.

Si, à l'image des multiples élections qui se sont déroulées sous le quinquennat de l'actuel président de la République, un changement de majorité se produisait en 2012, alors mesdames et messieurs les députés de la majorité, sachez, par avance, que nous ne vous regretterons pas, de même que nous ne donnerons pas caution à d'autres. La CGT continuera d'interpeller la représentation nationale afin que les attentes légitimes des personnels soient enfin prises en considération.

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