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Intervention de Gilles Goulm

Réunion du 19 octobre 2011 à 11h45
Commission de la défense nationale et des forces armées

Gilles Goulm, secrétaire général de la Fédération syndicaliste FO de la défense :

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, nous vous remercions de nous recevoir afin d'entendre nos analyses et nos revendications sur un budget qui, c'est le moins que l'on puisse dire, n'est pas fait pour rassurer les personnels.

Force Ouvrière a toujours considéré que la politique de défense de la France ne relevait pas de sa responsabilité. Notre rôle n'est pas ici de dénoncer la présence de la France dans quelque théâtre d'opérations que ce soit – ce qui serait faire injure aux soldats qui combattent actuellement hors de France – ni d'apporter un quelconque jugement sur la pertinence de la dissuasion nucléaire.

Nous nous permettrons cependant de considérer que le projet de budget de la défense pour 2012 est loin de répondre aux objectifs et ambitions assignés par le Président de la République. Ceci n'est pas un fait nouveau et traduit une mauvaise habitude des garants de nos institutions qui, depuis de nombreuses années, traitent la défense comme une variable d'ajustement budgétaire. En cela, on peut faire le constat que ce Gouvernement ne se distingue pas des précédents, quelle qu'ait été leur couleur politique.

Certains chiffres parlent d'eux-mêmes : n'est-ce pas la revue Acteurs publics – que l'on peut difficilement taxer de proximité avec les syndicats – qui déclarait hier que le ministère de la défense allait bien au-delà de la règle du non-remplacement d'un agent de l'État partant en retraite sur deux, puisque ce sont 79 % des effectifs qui ne sont pas remplacés, c'est-à-dire presque 8 sur 10. C'est la révision générale des politiques publiques, mais en quatre fois plus brutal !

Dans le même ordre d'idées, sur les 460 millions d'euros d'annulations de crédits du budget général de l'État au second semestre 2011, 211 millions d'euros, soit 46 %, seront supportés par le seul ministère de la défense, une majorité de ces suppressions portant sur les autorisations d'engagement du programme 146 « Équipement des forces ». Il va devenir compliqué de nous expliquer que la réforme actuelle, qui vise essentiellement les fonctions de soutien et par voie de conséquence les personnels civils, doit permettre de dégager des marges financières pour mieux équiper nos armées. On constate là toujours le même contraste entre l'ambition qu'on affiche et les moyens qu'on y consacre. Comment porter le moindre crédit à un budget dont le ministre de l'économie lui-même dit qu'il fera vraisemblablement l'objet d'un réajustement en 2012 ?

Si le budget de la défense est la variable d'ajustement du budget de l'État, les personnels civils sont pour leur part la variable d'ajustement interne au sein du ministère. En effet, loin des engagements pris par M. Hervé Morin, alors ministre de la défense, un peu plus de 11 % des effectifs civils ont été supprimés depuis 2008 contre 9 % des effectifs militaires.

Faut-il rappeler ici que nous sommes passés de 145 000 personnels civils il y a à peine 15 ans à quelque 68 000 aujourd'hui ?

Si Force ouvrière est et reste attachée à la complémentarité entre les militaires et les civils, encore faut-il que cet attachement soit partagé par tous les échelons du ministère, jusqu'à son plus haut niveau. Alors que nous attendons toujours les référentiels en organisation 2012 des groupements de soutien de bases de défense, aucun signe tangible de rééquilibrage entre les effectifs militaires et civils sur les fonctions de soutien n'apparaît. Les prévisions de recrutement de personnels civils s'élèvent à 1 200, contre 21 000 militaires, sans que vous soyez en mesure de nous dire quelle part de ces 21 000 militaires sera employée sur des fonctions opérationnelles et quelle part le sera sur des fonctions de soutien.

Cela fait maintenant des années que nous revendiquons notre juste place sans que quiconque nous entende, ni même ne nous écoute. Les mois et les années passent, et les armées continuent de se réserver les postes à responsabilité, y compris sur des fonctions sans aucun caractère opérationnel. Est-ce qu'enfin quelqu'un pourrait nous expliquer pourquoi le corps des commissaires, tous officiers – avec la masse salariale correspondante – se réserve les postes de chef de groupement de soutien des bases de défense sans que personne n'y trouve à redire ?

Pourquoi faut-il, lorsqu'un personnel civil est transféré vers un groupement de soutien, deux, voire trois sous-officiers pour remplir la même fonction ? Faut-il donner des exemples, des noms de sous-officiers chefs de restauration ou de secrétariat, ou contrôleurs de gestion, qui ne partent jamais en opérations extérieures ou alors vers des destinations considérées comme opérations extérieures mais où le seul danger réside dans la température extérieure ?

Il devient fatigant, usant, de devoir inlassablement répéter les mêmes discours, devant les mêmes interlocuteurs, avec l'étrange sentiment que ceux qui sont censés être aux ordres de la République appliquent une réforme en prenant soin d'en tirer le meilleur parti pour eux-mêmes, tout en taxant les organisations syndicales de corporatisme.

Il nous faut batailler bec et ongles pour arracher un poste de niveau I et, quand nous y parvenons, l'heureux élu est bien souvent victime de suspicion, même s'il justifie de 20 ou 25 ans de carrière et est lauréat de plusieurs concours de la fonction publique. Qu'il ne commette surtout aucune faute ou c'est toute la composante civile sur laquelle on jette l'opprobre.

La situation ne s'améliore pas, loin s'en faut, et ce ne sont pas les éléments budgétaires pour 2012 qui nous rendront optimistes sur cet aspect des choses.

Et comme si cela ne suffisait pas, on en rajoute en présentant aux agents de l'État la facture d'une crise dont ils ne sont en rien responsables, en gelant leur traitement en 2011 et en 2012. Allez expliquer à un agent de catégorie C rémunéré 1 200 euros par mois qu'il ne bénéficiera d'aucune augmentation de salaire pendant au moins deux ans ! Il existe même dans le projet de budget pour 2012 une catégorie complètement oubliée et qui compte tout de même quelque 28 000 agents : je veux parler des ouvriers de l'État. Leurs décrets salariaux sont suspendus et ils ne font pas l'objet de la moindre ligne budgétaire sur les 24 millions d'euros alloués à la revalorisation de la condition des personnels civils. Montrés du doigt depuis des années, traités comme d'affreux privilégiés par certains conseillers ministériels et hauts fonctionnaires de Bercy qui, pourtant, ne crachent pas sur les largesses qui leur sont octroyées et qui proviennent des mêmes deniers publics, ils sont purement et simplement passés par pertes et profits dans le budget à venir. Et, dans la mesure où nous n'avons jamais la moindre lisibilité sur la réalisation des mesures envisagées, nous ne sommes pas sûrs que ces 24 millions d'euros seront dépensés.

Alors que les besoins en effectifs d'ouvriers d'État se font criants dans des domaines sensibles comme le maintien en condition opérationnelle aéronautique ou terrestre, nos décideurs refusent tout recrutement, portés qu'ils sont par leur vision de ce qu'est un ouvrier de l'État et qui confine aujourd'hui à la haine. Et on s'étonnera après cela que des militaires occupent des fonctions normalement dévolues aux personnels civils ou que l'on en soit réduit à externaliser par manque d'effectifs.

Mesdames et messieurs les députés, les personnels civils de la défense souffrent. Ils souffrent de travailler dans un ministère désorganisé, où la création des bases de défense est davantage source de dysfonctionnements que de progrès ; ils souffrent de ne pas se voir confier de postes à responsabilités ; ils souffrent d'être déconsidérés par un pouvoir qui n'aime pas ses fonctionnaires et qui l'annonce.

Nous ne savons pas si nos déclarations d'aujourd'hui auront un quelconque effet sur un budget qui n'est pas de nature à faire envisager l'avenir des personnels civils au sein de ce ministère avec sérénité. Mais, à Force Ouvrière, nous sommes profondément et viscéralement républicains et, à ce titre, nous osons croire que la représentation nationale ne peut pas se désintéresser de nos analyses et revendications.

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