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Intervention de Jean Mallot

Réunion du 20 octobre 2011 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2012 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Mallot :

Ce rapport a largement été rédigé par lui. Nous divergeons sur la troisième préconisation, mais sur le diagnostic, nous sommes totalement d'accord.

Je précise qu'il ne s'agit pas de parler de la bonification de 25 % des heures supplémentaires. Cette majoration demeure, et c'est bien comme ça. Il s'agit de parler de l'avantage fiscal et social supplémentaire accordé par cette niche.

Cet avantage se décompose pour ainsi dire en quatre parties.

La première, c'est l'exonération de cotisations patronales. Elle coûte 700 millions d'euros, ce n'est pas rien.

La deuxième partie, c'est la non-prise en compte des heures supplémentaires dans le calcul des allégements généraux de cotisations sur les bas salaires, les fameux allégements Fillon. Son coût est de 600 millions d'euros. Le Gouvernement propose, dans le PLFSS pour 2012, de supprimer cet avantage. Très bien.

La troisième partie, c'est la défiscalisation elle-même de la rémunération correspondant aux heures supplémentaires, qui coûte à la puissance publique 1,4 milliard d'euros, excusez du peu.

Le quatrième morceau, si je puis dire, ce sont les exonérations de cotisations salariales, pour un coût de 2,3 milliards.

L'évaluation à laquelle nous avons procédé aboutit au constat suivant : l'objectif de « travailler plus » n'est pas atteint ; l'effet d'aubaine est maximum. Le système n'a pas créé plus d'heures supplémentaires. Qu'on en juge. En 2007 : 730 millions d'heures supplémentaires. En 2008 : 727 millions. En 2009, et c'est logique : 677 millions. En 2010 : 704 millions. On a là un socle de base, incompressible, entre 650 et 700 millions d'heures supplémentaires qui de toute façon ont bénéficié d'un effet d'aubaine, puisqu'elles allaient être faites en tout état de cause.

Le système a révélé des heures supplémentaires déjà effectuées par les salariés, notamment dans les entreprises où les 35 heures étaient censées s'appliquer mais dans lesquelles les salariés continuaient à travailler 39 heures sans que pour autant les heures supplémentaires réellement effectuées ne soient déclarées comme telles. Et c'est d'ailleurs un des paradoxes de votre mesure, mesdames et messieurs de la droite, que d'avoir cristallisé les 35 heures, en les rendant opportunes pour le patron et le salarié. Je rappelle simplement que les 35 heures n'empêchent pas de travailler plus, mais qu'elles fixent une borne à partir de laquelle l'heure supplémentaire est rémunérée comme telle, de façon majorée.

Je passe rapidement sur les effets négatifs sur l'emploi. L'effet d'éviction a été décrit à maintes reprises. Il est plus avantageux pour le patron de faire faire des heures supplémentaires que d'embaucher un intérimaire ou un salarié en contrat à durée déterminée. Tout cela a été largement expliqué.

Pour ce qui est du deuxième objectif, « gagner plus », il est certes rempli – forcément, puisque l'on distribue de l'argent public. Mais la question se pose de savoir si cette distribution d'argent public est efficace, et s'il n'y a pas d'autres manières, plus efficientes pour l'économie et pour l'emploi, d'utiliser cet argent. Jean-Pierre Gorges et moi-même avons formulé à cet égard des préconisations : sur les deux premières, que je vais présenter rapidement, nous sommes évidemment d'accord.

La première, c'est la remise en cause du mode de calcul du montant des allégements généraux de charges – ce qu'on appelle la formule Fillon. Sur ce point, le Gouvernement nous suit, et j'espère que sa majorité nous suivra également, dans le PLFSS.

Sur la deuxième en revanche, il ne semble pas que ce soit le cas : je veux parler de la remise en cause de l'exonération de cotisations patronales, qui n'a aucune justification économique d'aucune sorte, puisque l'on subventionne avec de l'argent public, dans l'entreprise, l'heure supplémentaire, c'est-à-dire celle qui lui rapporte déjà plus, celle qui « marge » le plus. Et comme le dit très justement mon collègue Gorges, c'est la première heure qu'il faut subventionner, et non l'heure supplémentaire. Nous avons préparé des amendements dans ce sens et j'espère que vous les voterez.

La troisième préconisation porte sur la défiscalisation, mesure très injuste, puisqu'on en bénéficie avec un différé d'un an. Ceux qui en bénéficient sont évidemment les foyers imposables, donc ceux qui ont déjà des revenus tendanciellement supérieurs à ceux des autres. Je préconise pour ma part – mais sur ce point, Jean-Pierre Gorges n'est pas de mon avis – la suppression de cette mesure, dont le coût est de 1,4 milliard, somme qui permettrait éventuellement de remplacer cette défiscalisation par une augmentation de la prime pour l'emploi, qui, elle, est beaucoup plus juste et soutient le pouvoir d'achat.

On peut également envisager de faire porter la défiscalisation uniquement sur la partie majorée de l'heure supplémentaire – les 25 % – ou de retenir une formule de plafonnement de l'avantage fiscal. On peut en discuter. C'est l'objet du débat.

La dernière préconisation porte sur les exonérations de cotisations salariales – coût : 2,3 milliards. Neuf millions de salariés en bénéficient, certes. Le montant médian de ce surcroît de revenu est d'environ 350 euros par an : je comprends que cela les intéresse. Mais nous considérons qu'une utilisation plus efficiente de cet argent public est possible, notamment en créant ce que nous appelons les emplois d'avenir, qui auront un effet d'entraînement sur l'économie. À l'inverse, je l'ai démontré tout à l'heure, la formule actuelle est très onéreuse pour les finances publiques et inefficace.

Je terminerai, monsieur le président, puisque vous m'y invitez, par un rapide plaidoyer pour les études d'impact préalables, indispensable, y compris pour l'avenir. Jean-Pierre Gorges et moi-même avons beaucoup travaillé sur ce sujet. Toutes les notes et toutes les études que nous avons retrouvées, qui datent de la période 2006-2007, c'est-à-dire avant la mise en oeuvre de cette mesure, toutes dissuadaient le candidat Sarkozy de l'instaurer. L'effet d'aubaine massif était évident, il était décrit, il était prévisible, il était prévu. Mais il a été volontairement ignoré. C'est regrettable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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