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Intervention de François Baroin

Réunion du 17 octobre 2011 à 14h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

François Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie :

Vous avez rappelé, monsieur le président, l'urgence de la situation. Le plan du Gouvernement vise, d'une part, à conforter la sécurité des déposants, des créanciers et des collectivités locales, et, de l'autre, à redonner des marges de manoeuvre à Dexia en termes de liquidités. Les mesures dont nous discutons ne seront mises en oeuvre qu'une fois obtenu l'accord de la Commission européenne, conformément à la réglementation relative aux aides d'État.

L'actuelle direction de Dexia a manqué de temps pour la cession de ses actifs, du fait de l'instabilité de la zone euro et de la croyance déraisonnable des marchés à l'existence d'un risque sur la signature des États et, par voie de conséquence, sur celle des collectivités locales. Il y a trois ou quatre ans, ces signatures étaient pourtant considérées comme les plus sûres. La situation du groupe Dexia, qui s'est retrouvé dans la tourmente dès le mois d'août, s'est encore dégradée en septembre et octobre. Pendant près de vingt ans, ce groupe a acquis des actifs de long terme – dettes souveraines ou de collectivités locales –, ainsi que des actifs toxiques, majoritairement financés à court terme, aux États-Unis.

Cette stratégie a créé un besoin de liquidités quotidien de 260 milliards d'euros, soit l'équivalent des deux tiers de la dette publique grecque ; elle n'a donc pas résisté au resserrement des liquidités lié à la crise de 2008. Les États belge, français et luxembourgeois sont alors intervenus pour apporter du capital et octroyer une garantie, afin de permettre à Dexia de franchir ce cap difficile. L'équipe dirigeante – dont vous avez salué, monsieur le président, le sens des responsabilités – a pris, avec l'appui de l'État et sous le contrôle de la Commission européenne, la décision importante de réduire de façon significative la taille du groupe. Cette stratégie a porté ses fruits : les besoins de financement à court terme ont été réduits de 164 milliards d'euros ; l'encours de financement auprès des banques centrales a fortement diminué ; en moins de trois ans, le bilan a été réduit de 651 à 518 milliards d'euros grâce, notamment, à la cession d'actifs non stratégiques ; enfin, depuis cet été, les 15 milliards de dollars investis dans les subprimes américains – soit les actifs les plus toxiques – ont été intégralement cédés.

Deux éléments ont particulièrement affecté le groupe depuis le début de l'été 2011 : d'une part, des craintes sur sa solvabilité liées à son exposition aux titres souverains – dont je soulignais pourtant la qualité – ; de l'autre, le besoin de liquidités, qui s'est accru de 20 milliards d'euros en raison de conditions d'emprunt défavorables. Dans ce contexte, les gouvernements français, belge et luxembourgeois soutiennent le schéma proposé par le groupe en lui proposant une garantie de refinancement, selon les dispositions du I de l'article 4 de ce projet. Cette garantie, partagée entre les trois États selon la même répartition qu'en 2008 – 60,5 % pour la Belgique, 36,5 % pour la France et 3 % pour le Luxembourg – portera sur un encours de créances de 90 milliards d'euros ; pour la France, le montant maximal garanti s'élève, intérêts compris, à 32,85 milliards.

Ces dispositions permettront de garantir la dette nouvellement émise sous diverses formes, et ce pendant une durée limitée à dix ans, comme le prévoit le I de l'article 4. Le Gouvernement souhaite aussi garantir une part de la dette existante pour un montant limité.

Par ailleurs, une partie des 90 milliards d'euros nouvellement garantis sera utilisée pour rembourser les 28 milliards de dette garantie dans le cadre du programme de 2008.

La loi ne précisera pas la maturité maximale de la dette garantie. Dans l'immédiat, les trois gouvernements n'envisagent pas de garantir des titres dont la maturité excède dix ans ; au demeurant, je ne crois pas que ce soit possible en l'état actuel du marché. J'ajoute que, de la même façon qu'en 2008, cette garantie sera rémunérée conformément aux règles européennes en vigueur.

La garantie de financement permettra à Dexia de réaliser un plan de restructuration ordonnée selon trois opérations d'envergure : un projet d'adossement de la filiale Dexia Municipal Agency – DMA – à la Caisse des dépôts et consignations et la création d'un consortium formé par la Caisse des dépôts et la Banque postale ; l'offre de rachat de Dexia Banque Belgique par le Royaume de Belgique afin de protéger les dépôts des particuliers ; l'ouverture de négociations du groupe avec le Luxembourg et un investisseur international en vue de la cession de la Banque internationale à Luxembourg.

La Caisse des dépôts a souhaité que Dexia garantisse les risques afférents aux prêts structurés octroyés aux collectivités locales, prêts dont l'encours atteint 10 milliards d'euros.

Nos partenaires belges et luxembourgeois ayant souhaité limiter le coût restant à leur charge en cas de perte de Dexia sur le portefeuille de prêts structurés à des collectivités locales françaises, la France leur a proposé de garantir partiellement cet engagement pris par le groupe vis-à-vis de la Caisse des dépôts ; tel est l'objet du II de l'article 4.

Le Gouvernement souhaite aussi limiter les risques pour l'État. La garantie proposée est donc assortie d'une franchise de 500 millions d'euros ; au-delà de ce montant, qui serait donc intégralement pris en charge par Dexia, 70 % des pertes seraient à la charge de l'État et 30 % à la charge de Dexia. Cette garantie sera elle aussi rémunérée.

Enfin, cette opération est au coeur de la réorganisation du dispositif de prêts aux collectivités locales. Dexia Municipal Agency, qui détient les prêts existants, sera adossé à la Caisse des dépôts, laquelle se verra céder 65 % du capital, Dexia conservant 30 % ; les 5 % restants reviendront à la Banque postale.

Pour ce qui concerne les futurs prêts aux collectivités, la Caisse des dépôts et la Banque postale vont créer une société commune spécialisée. Ce nouvel acteur public, qui ne fournira que des produits simples et transparents, devrait être opérationnel dans quelques mois.

Le Premier ministre a annoncé un dispositif temporaire de financement sur fonds d'épargne à hauteur de 3 milliards d'euros afin de prévenir tout besoin éventuel de liquidités pour les collectivités – puisque les acteurs attendaient nos décisions sur Dexia.

Nous sommes allés aussi vite que possible, dans la plus grande transparence ; je remercie à cet égard votre Commission d'avoir accompagné le Gouvernement dans ce calendrier. Je rappelle que ce collectif n'a pas d'impact sur le solde budgétaire de l'État – qui, en 2011, restera déficitaire de 95,5 milliards d'euros –, ni sur la dette et la notation de notre pays.

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