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Intervention de Jean-Claude Mathis

Réunion du 11 octobre 2011 à 16h15
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Claude Mathis, Rapporteur spécial :

Le programme 220 Statistiques et études économiques regroupe principalement les crédits attribués à l'INSEE. Le programme 305 Stratégie économique et fiscale rassemble les crédits de deux directions du ministère de l'économie : la direction générale du Trésor (DGT) et la direction de la Législation fiscale (DLF).

Les crédits demandés pour le programme 220 Statistiques et études économiques connaîtront en 2012 une nouvelle hausse par rapport à ceux accordés en 2011. Les autorisations d'engagement s'élèveront à 448 millions d'euros et les crédits de paiement à 445 millions d'euros – ce qui correspondra à une augmentation de 11 millions d'euros, soit respectivement de 2,3 % pour les autorisations d'engagement et de 2,5 % pour les crédits de paiement.

Cette hausse est principalement liée à la prise en compte des frais d'implantation d'une partie de l'INSEE à Metz, conformément à l'engagement pris par le chef de l'État en juillet 2008, dans le but de compenser la suppression de plusieurs milliers d'emplois militaires consécutive à la réforme des armées.

Le titre 2 du programme connaîtra une importante hausse de ses moyens (+ 7,5 millions d'euros, soit + 2 %). Si celle-ci s'explique principalement par l'effet des créations d'emplois liées à la mise en place du centre statistique à Metz, elle a aussi pour cause une mauvaise anticipation des effectifs de l'INSEE. En effet, non seulement le nombre des départs en retraite avait été sensiblement surestimé, mais l'INSEE avait aussi mal anticipé le retour d'un certain nombre d'agents détachés, mis à disposition d'autres administrations ou revenant de congés maladie ou parentaux (180 retours prévus contre 261 réalisés). Ces mauvaises anticipations de mouvements de personnels ont d'ailleurs été épinglées par la Cour des Comptes dans sa dernière note d'exécution budgétaire.

Au total, le plafond d'emplois du programme s'élèvera en 2012 à 5 140 ETPT, en baisse de seulement 81 agents par rapport à 2011. Si seule la règle du non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite avait été prise en compte, la réduction aurait dû être plus importante et s'établir aux alentours de 200 emplois supprimés. En 2012, le taux de non remplacement ne sera donc que d'environ 30 % pour une règle nationale théorique de 50 %.

Mais ce sont surtout les créations d'emplois liées à la création du centre statistique de Metz qui, en cette période de rigueur budgétaire, doivent appeler notre attention.

L'implantation du centre statistique de Metz devait s'étaler sur quatre années, du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2013. Nous savons maintenant qu'elle ne sera pas achevée avant 2015. Alors que 215 emplois devaient être opérationnels à Metz fin 2011, il n'y en aura que quelques dizaines, les premiers agents ayant pris leurs fonctions le mois dernier.

Dès le début, le Gouvernement s'est engagé à ne pas procéder à des mutations forcées de personnels vers le centre statistique de Metz. Un ambitieux plan d'accompagnement a donc été mis en place dans le but d'encourager le volontariat, avec des indemnités dont le montant serait compris entre 20 000 et 30 000 euros par agent. Malgré cela, les résultats n'ont pas été au rendez-vous.

625 emplois au total devraient être implantés à Metz, la quasi totalité étant censés être des emplois délocalisés. Or, nous avons appris que les volontaires n'ont été que 34 en 2011 et on en attend 23 en 2012, soit 57 sur deux ans, la majorité en provenance de la direction régionale de l'INSEE de Nancy… Dans ces conditions, si l'administration veut tenir l'objectif de création de ce centre, même avec un retard de deux ans, il ne reste qu'une solution : ouvrir les vannes du recrutement.

Outre les difficultés rencontrées sur le plan des ressources humaines, un imbroglio immobilier ralentit également le processus. Le bâtiment retenu pour héberger ce centre statistique est celui de l'ancienne direction régionale de la SNCF, ancien bâtiment de la gare impériale. Mais les travaux d'aménagement et d'extension qui viennent de débuter sont d'une ampleur telle (30 millions d'euros) que leur durée est estimée à 50 mois. Dans l'attente, des locaux provisoires ont dû être loués à TDF. Mais ces locaux, d'une capacité de 180 places seulement, ne seront pas suffisants, ce qui signifie que d'autres locaux provisoires devront être recherchés dans l'attente de la livraison du bâtiment définitif. Toutes ces démarches, tous ces déménagements et emménagements ont un coût.

Aussi peut-on s'interroger sur l'opportunité qu'il y a à poursuivre, en cette période budgétairement difficile, la création du centre statistique messin. La plupart des acteurs économiques ne manifestent pas un zèle démesuré à mener à son terme cette opération. La direction de l'INSEE a souhaité, dès le début, réduire l'envergure du projet, redoutant les effets sur le bon fonctionnement de l'institut d'une dispersion des moyens sur deux sites éloignés. Les agents de l'INSEE ne se précipitent pas pour gagner Metz : 57 volontaires en deux ans pour environ 250 postes à pourvoir sur la même période, et 625 à terme. Le ministère du budget s'inquiète à juste titre du coût des mesures incitatives et de celui du recrutement destiné à pallier la faiblesse du nombre de volontaires.

Le nombre de personnes installées à Metz est encore relativement faible ; les locaux sont encore provisoires. Peut-être est-il encore temps de reconsidérer le projet ? La sagesse ne devrait-elle pas conduire, au minimum, à attendre une période plus propice sur le plan financier pour poursuivre cette opération onéreuse, complexe, non souhaitée par beaucoup d'acteurs et, surtout, qui n'apparaît pas réellement indispensable ?

La question des recrutements est d'autant plus épineuse que le coût annuel moyen des employés de l'INSEE continue à flamber. Entre 2010 et 2011, il est passé de 80 000 euros à 104 000 euros (+ 30 % !) pour un haut fonctionnaire de catégorie A+ , de 54 000 euros à 60 000 euros (+ 11 %) pour un agent de catégorie A, de 36 600 euros à 43 000 euros (+ 18 %) pour un agent de catégorie B. Tous ces chiffres sont tirés du Projet annuel de performances pour 2012.

Cette hausse trouve principalement sa source dans la réforme du régime indemnitaire des agents de l'INSEE. Les intéressés voient leur régime aligné sur celui des agents de l'administration centrale des ministères économique et financier, les plus généreux – et les plus opaques – de l'administration française.

Et comme le coût moyen de l'administration centrale de ce ministère continue lui-même à augmenter, le mouvement peut durer longtemps. Cet alignement est, par ailleurs, exorbitant du droit commun dans la mesure où des agents, dont certains ne travaillent pas en région parisienne, perçoivent désormais les mêmes indemnités que leurs collègues résidant à Paris. La réforme, qui est étalée sur quatre ans, a déjà coûté 4,7 millions d'euros en 2010, puis 3,5 millions en 2011 ; elle représentera 2,3 millions en 2012 et 1,1 million en 2013.

Je m'étonne de la constance avec laquelle le coût moyen des fonctionnaires de ce programme continue à augmenter, année après année. Je m'interroge sur la nécessité, en cette période de rigueur budgétaire, d'augmenter de près de 30 % le coût des hauts fonctionnaires de l'INSEE et appelle à un retour à la raison.

J'en viens maintenant au programme 305 Stratégie économique et fiscale. En 2012, les crédits de ce programme s'élèveront à 506,8 millions d'euros, un niveau élevé mais proche de celui atteint en 2011, en rupture avec les budgets antérieurs. En effet, depuis 2011, à la suite des remarques insistantes de la Cour des comptes et de celles que j'ai formulées dans mes rapports précédents, la dotation destinée à rémunérer les missions de service public que l'État confie à la Banque de France est budgétée avec une plus grande sincérité. La Banque de France est désormais remboursée « à coûts complets », conformément à la législation française et à la réglementation européenne.

Pour mémoire, je rappelle que l'État confie sept missions régaliennes à la banque de France, parmi lesquelles la tenue des commissions de surendettement, la mise en circulation des monnaies métalliques et la gestion du fichier central des chèques. Le Gouvernement a donc inscrit dans le projet de loi de finances une dotation de 317 millions d'euros destinée à rémunérer ces prestations, ce dont je me réjouis une nouvelle fois. Je soutiens par ailleurs les efforts entrepris par la Banque pour tenter de réduire ses besoins par une amélioration de sa productivité.

L'année 2012 sera également marquée par la fin du processus de dévolution des équipes commerciales des missions économiques à l'établissement public Ubifrance. Au terme de la quatrième vague de dévolution, le champ d'intervention d'Ubifrance aura été étendu à 56 pays. L'opérateur sera ainsi l'interlocuteur des PME françaises partout dans le monde, tandis que la direction générale du Trésor conservera, au sein des services économiques, les missions régaliennes de surveillance des conditions d'accès au marché et l'appui aux grands contrats.

Cette opération, qui a duré quatre ans et a conduit à supprimer 894 postes du programme n'a pourtant pas empêché la hausse continue des dépenses de rémunération, ce que je regrette. Entre 2007 et 2012, malgré les suppressions de postes évoquées, la masse salariale a progressé de 3,2 % par an en moyenne.

On retrouve avec la direction générale du Trésor et la direction de la Législation fiscale la même problématique qu'avec les agents de l'INSEE : la flambée du coût des agents annihile complètement les effets des réductions d'effectifs. Deux exemples : en 2012, un agent de catégorie A+ coûtera en moyenne 119 000 euros (+ 4,3 % par rapport à 2011) et un agent de catégorie A 83 700 euros (+ 5 % sur un an) Les hauts fonctionnaires du Trésor sont désormais mieux payés que des généraux ; quand aux attachés d'administration centrale, ils n'ont rien à envier à la solde des colonels. Le détail figure page 208 du PAP.

Le ministère des finances attribue cette hausse à un double phénomène : le premier est la requalification des emplois, liée à la technicité croissante des métiers de ces administrations. Ce phénomène serait d'autant plus aigu que la majeure partie des départs à la retraite concernerait des agents de catégories B et C tandis que la plupart des recrutements relève des catégories A+ et A. Le second est un glissement vieillesse technicité (GVT) positif très dynamique : la structure de l'administration centrale du Trésor est celle d'une direction dite « d'état-major », où les catégories A et A+ représentent 61 % des emplois.

Comme dans le cas de l'INSEE, j'appelle à la modération en matière de politique salariale. La situation économique ne permet plus les largesses que nous avons pu connaître dans le passé.

En conclusion, et sous réserve des quelques remarques précédentes, j'ai l'honneur de formuler un avis favorable à l'adoption des crédits des programmes 220 Statistiques et études économiques et 305 Stratégie économique et fiscale, et plus généralement de la mission Économie.

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