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Intervention de Michel Bouvard

Réunion du 17 octobre 2011 à 17h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2011 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Bouvard :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me bornerai à quelques observations sur le texte qui nous est présenté, en soulignant d'abord que, s'il n'y avait pas eu la loi organique relative aux lois de finances, nous n'aurions même pas eu à délibérer de cette question de la garantie de l'État. C'est là un acquis important de la loi organique.

Mes observations porteront sur trois points. Après un rappel historique, je reviendrai sur la période 2008-2011, avant de traiter du sujet qui nous préoccupe, celui de la garantie de l'État dans le cadre du dispositif mis en place.

Mon rappel historique sera bref. En effet, je ne retracerai pas tout le processus qui a transformé un établissement public administratif géré par la CDC qui avait la charge des prêts aux collectivités territoriales en une espèce de gigantesque hedge fund. C'est en 1987 que la CAECL est devenue le Crédit local de France, avec un capital réparti entre l'État, pour 25,5 %, la CDC à hauteur de 25 % et la partie privée dont, déjà, le Crédit communal de Belgique, pour 49,5 % – cette dernière précision est importante pour comprendre le lien avec la Belgique. En 1991, l'État profite de la mise en bourse pour céder 17 % de ses parts, la CDC voyant sa part de capital ramenée de 13 à 12 %. En 1996, on assiste à l'alliance entre le Crédit communal de Belgique et le CLF, le premier étant toujours actionnaire du second, pour conduire à la naissance de Dexia. Puis, en 1999, intervient la fusion des deux entités, avec une introduction en bourse conjointement à Paris, Bruxelles et Luxembourg. La CDC est d'ailleurs un actionnaire qui, au fil du temps, est devenu de plus en plus minoritaire. Aussi, en septembre de la même année, alors qu'elle aurait dû être diluée à 6 %, la Caisse réinvestit 2,5 milliards de francs à la demande des autorités pour limiter sa dilution et pour rester à 10 % du capital. En 2000, c'est l'achat du rehausseur de crédit américain FSA, avant que n'apparaissent, en 2008, alors que Dexia était devenue leader mondial de services financiers aux collectivités locales, la crise de la liquidité bancaire et la fragilisation du modèle Dexia.

La Caisse des dépôts a alors fait son devoir d'actionnaire en participant à une recapitalisation, dans le respect des risques qu'elle pouvait supporter. Certes, le comité d'investissement instauré cette même année au sein de la commission de surveillance par la loi de modernisation de l'économie pour les opérations d'investissement portées par la Caisse de manière à contrôler les propositions émanant de la direction générale, n'était pas encore en place. Mais nous avons alors jugé, avec le directeur général, que le risque maximum que pouvait supporter la Caisse à l'époque était de 2 milliards d'euros, soit 10 % des risques qu'elle pouvait supporter. C'est ainsi qu'elle n'a pas investi plus de 2 milliards, l'État étant appelé de son côté à apporter 1 milliard.

Ce milliard – comme ceux de la Caisse – n'a pas été inutile. D'une part, il a permis d'acquérir au sein de Dexia la minorité de blocage au titre du droit belge, ce qui nous a permis de peser à nouveau sur la gouvernance de la banque, ce qui n'était plus le cas, pour la partie française, depuis bien des années. D'autre part, il a favorisé un changement de l'équipe dirigeante avec la nomination de Jean-Luc Dehaene et de Pierre Mariani. J'en profite d'ailleurs pour démentir les propos que notre collègue Christian Eckert a tenus la semaine dernière lors des questions au Gouvernement : la direction générale de la Caisse, lors du conseil d'administration du 13 novembre 2008, a bel et bien voté contre les indemnités de départ qu'il s'agissait d'octroyer à M. Miller, le représentant de l'État ayant voté de façon identique.

J'arrive ainsi à la période 2008-2011, pendant laquelle l'équipe dirigeante n'a pas dit que tout allait bien. Nous avons d'ailleurs eu l'occasion, au sein de la commission de surveillance, d'auditionner Pierre Mariani à trois reprises – en octobre 2008, en janvier 2009 et en octobre 2010 –, afin de nous assurer du suivi du plan prévu pour assainir la situation de Dexia. Il faut rendre hommage au travail effectué alors, qu'il s'agisse de la cession de la filiale américaine FSA – qui comportait la plus grande partie des risques, ainsi que cela a été rappelé –, de la réduction du bilan pendant la période de 651 à 518 milliards ou de la diminution à 96 milliards d'euros du besoin en fonds propres à court terme alors qu'il était monté jusqu'à 255 milliards. Dans une période ordinaire, un tel travail aurait permis de ramener Dexia sur les voies de la normalité. On sait ce qu'il en a été avec le rattrapage par la crise concernant, d'une part, la dette souveraine que portait Dexia et, d'autre part, la problématique de l'adéquation entre les ressources et les emplois en raison du décalage existant.

J'en viens, enfin, à ce qui est demandé à la Caisse des dépôts. S'agissant, tout d'abord, de la mise en place d'un nouvel outil de prêt aux collectivités territoriales, le sujet fait consensus tant au sein de la commission de surveillance qu'entre nous. Le moyen dont nous disposons à cet effet réside dans la structure DMA, filiale de Dexia, mais il faut en même temps, pour reprendre les équipes, pour assurer de plus grandes facilités à Dexia pour l'avenir et pour lui dégager de la liquidité, reprendre ce qui est porté dans DMA. C'est là, aujourd'hui, que sont les enjeux pour la Caisse des dépôts.

J'ai eu l'occasion de le souligner en commission des finances cet après-midi, ce besoin de garantie nous est nécessaire pour trois raisons.

Première raison : la loi oblige la Caisse des dépôts à se conduire en investisseur avisé, dans le respect de ses intérêts patrimoniaux. Dans le cas contraire, la Caisse des dépôts ne peut pas investir. Nous devons donc respecter cette obligation.

Deuxième raison : la valeur d'entrée à laquelle nous allons reprendre DexMA, et la consommation de fonds propres correspondant à cette opération dépendent entièrement de la garantie accordée par l'État. Si nous devons inscrire des fonds propres en risques, l'opération ne sera évidemment plus possible, d'autant que la commission de surveillance est aujourd'hui chargée de définir le modèle prudentiel de la Caisse et le niveau des fonds propres. Aujourd'hui, les fonds propres de la section générale de la Caisse des dépôts, qui porteront la totalité de cette opération, sont déjà tendus dans la situation actuelle des marchés financiers et compte tenu des dépréciations qu'il a fallu constater sur les marchés actions dont la Caisse est un des acteurs principaux.

Troisième raison : il est hors de question que la Caisse des dépôts supporte des risques liés à la gestion passée, c'est-à-dire aux éventuelles restructurations et condamnations pouvant intervenir sur les prêts structurés ou aux risques de taux pour les prêts accordés. De ce point de vue, une fois n'est pas coutume, je ne partage pas, à mon grand regret, les préconisations de Charles de Courson.

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