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Intervention de Luc Oursel

Réunion du 12 octobre 2011 à 10h00
Commission des affaires économiques

Luc Oursel, président du directoire d'Areva :

Merci Monsieur le Président. Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Députés, je sais tout l'intérêt que votre commission porte à Areva et vous remercie de m'avoir invité, 4 mois après ma prise de fonction comme Président du directoire. Sept mois après la catastrophe de Fukushima, dans un contexte marqué en France par un débat sur les choix énergétiques de notre pays, je me propose de faire un point avec vous sur les perspectives internationales de l'énergie nucléaire avant de vous parler de la situation d'Areva et de mes priorités pour le groupe.

Vous le savez, le contexte mondial du nucléaire se trouve affecté par l'accident de Fukushima. Nous devons ainsi gérer à court terme une période d'incertitude, avant que l'activité ne reprenne. Mais il n'y a pas eu de coup d'arrêt. A moyen terme, les perspectives de marché restent extrêmement solides. Nous observons cependant un report de six ou plus des procédures d'appel d'offre déjà lancées.

Débutons notre « tour du monde » par la Chine, où Fukushima n'a pas remis en cause la nécessité du nucléaire. 15 réacteurs y sont en construction, 30 autorisés et 80 programmés. Ce que la crise japonaise a fait évoluer dans ce pays, c'est le débat autour du choix de la technologie pour les futurs réacteurs. A cet égard, l'accident de Fukushima a accéléré le mouvement vers plus de sûreté, ce qui est bien sûr une excellente nouvelle pour les réacteurs de troisième génération comme l'EPR.

En Inde, la situation est identique : nous poursuivons les négociations pour la fourniture de deux EPR. Nous saluons également la décision prise par l'Etat indien d'accorder l'indépendance à son autorité de sûreté.

Aux États-Unis, la réaction post-Fukushima a été très rationnelle. Je m'y suis rendu le 15 septembre dernier pour signer un nouveau contrat avec la Tennessee Valley Authority. Areva va achever la construction de la centrale de Bellefonte 1, dans le nord de l'Alabama. Il s'agit bien sûr d'une excellente nouvelle pour nous, dans un pays clé, le premier à décider d'ajouter une nouvelle centrale nucléaire à son parc après l'accident de Fukushima.

Du côté des grands marchés émergents, nous allons aussi terminer la construction d'une centrale au Brésil. L'Afrique du Sud, qui a maintenu son programme électronucléaire dans le cadre d'un appel d'offres qui devrait être lancé en 2012, est également un marché prioritaire pour AREVA.

En Europe, la plupart des pays ont choisi de poursuivre leur programme nucléaire. C'est notamment le cas du Royaume-Uni, de la République tchèque, des Pays-Bas et de la Finlande. C'est aussi le cas de la Suède, un pays qui est « sorti de la sortie » du nucléaire. En Pologne, le Parlement, après l'accident de Fukushima, s'est prononcé à 95 % en faveur de l'énergie nucléaire, choix révélateur dans ce pays très attaché au charbon.

Évidemment, certains États ont réagi différemment. Au Japon aura lieu un grand débat énergétique en 2012. Pour l'heure, la priorité est de terminer la mise sous contrôle du site. Le redémarrage des centrales est également un enjeu important. En effet, le pays vit dans une économie de rationnement faute d'électricité suffisante à la suite de la fermeture de centrales nucléaires. La consommation d'électricité par les industriels japonais a ainsi subi une baisse de 20 % ces derniers mois. Par conséquent, s'il est probable que le débat énergétique aboutisse à une diminution de la part du nucléaire dans leur bouquet électrique, il n'est pas sûr que soit choisie la sortie du nucléaire. J'ajoute que le gouvernement japonais a renforcé l'autonomie de l'autorité de sûreté nucléaire de pays.

En Italie, le résultat négatif du référendum sur un retour au nucléaire a été en partie influencé par la défiance des Italiens envers leur gouvernement. En Suisse, les autorités ont récemment adopté une position subtile, qui garde la porte ouverte à la construction de nouvelles centrales de 3ème génération.

J'en viens à la décision unilatérale allemande de sortir du nucléaire. L'exemple allemand nous montre très clairement ce qu'implique réellement une sortie du nucléaire. Première conséquence, la reprise des importations d'énergie : depuis avril, l'Allemagne a déjà acheté à l'étranger 40 % d'électricité de plus que l'année dernière. Les prix y ont augmenté de 20 %. Deuxième conséquence, le gouvernement allemand prévoit la construction de nouvelles centrales au gaz et au charbon, alors que cette dernière source d'énergie produit déjà, rappelons–le, 50 % de son électricité avec du charbon. Comble de la surprise, ces constructions vont être pour partie financées par le « fond climat » mis en place pour lutter contre le changement climatique.

A l'opposé de la décision allemande, et je finirai ce tour d'horizon par là, le Royaume-Uni. Jeune haut fonctionnaire, un de mes homologues britanniques m'avait vanté les mérites de la dérégulation. Je constate avec satisfaction aujourd'hui que le Royaume-Uni a développé ces dernières années une véritable politique énergétique de long terme, garantissant des prix réguliers. Ce nouveau cadre législatif et réglementaire constitue un modèle, qui permet d'ôter toute entrave au développement du nucléaire.

Vous l'aurez compris au travers de ce rapide tour d'horizon, les réactions à la catastrophe de Fukushima sont, dans l'ensemble, très rationnelles. Je reprendrai les propos d'Anne Lauvergeon, dont je partage la plupart des conclusions, qui a coutume de dire que le nucléaire, s'il n'est pas l'unique solution, est l'une des solutions aux problèmes énergétiques et climatiques. Les fondamentaux qui ont justifié son développement demeurent : la croissance démographique, le besoin en électricité, la nécessité d'une indépendance énergétique dans un contexte géopolitique plus incertain, et la volonté de nos sociétés de bénéficier d'une électricité compétitive à un coût prédictible. Ni les particuliers ni les industriels ne peuvent vivre avec une électricité et dont le prix fluctue au gré des énergies fossiles. Voilà toute une série de bonnes raisons du maintien de notre engagement dans la filière nucléaire, au sein de laquelle je vous rappelle que la France occupe le 1er rang mondial.

Dans ce contexte, qu'en est-il de mes priorités à la tête d'Areva ? La première consiste à consolider la stratégie mise en place par Anne Lauvergeon : maintenir le business model intégré, de la mine jusqu'au recyclage ; conserver un équilibre entre le nucléaire et le renouvelable. A l'intérieur de cette stratégie, je m'assurerai du bon déroulement des projets, notamment des quatre projets de centrales EPR actuellement en construction dans le monde. Les clients doivent revenir au centre des préoccupations d'Areva. Je compte resserrer fortement les liens avec tous nos clients et notamment avec EDF, le premier d'entre eux avec 25 % du chiffre d'affaires de notre entreprise. EDF est le partenaire auprès duquel tous les succès de la filière nucléaire française ont été construits dans les années précédentes. Ce partenariat s'est traduit concrètement par la signature d'un accord, au mois de juillet dernier, pour travailler en commun sur l'optimisation de l'EPR et le retour d'expérience à tirer des différents chantiers.

EDF n'est pas notre seul client : nous travaillons avec 95 % des exploitants nucléaires dans le monde. Nous avons une responsabilité particulière auprès de TEPCO et du gouvernement japonais. Areva prouve quotidiennement sa détermination pour résoudre les problèmes rencontrés sur le site de Fukushima. Nous sommes par ailleurs très présents auprès de toutes les compagnies d'électricité qui soumettent leurs réacteurs nucléaires aux stress tests, occasion pour nous de valoriser notre expertise et nos compétences.

Ma deuxième priorité est de mener à bien les négociations importantes. Ainsi que je vous l'ai déjà indiqué, j'ai signé le 15 septembre dernier un nouveau contrat avec la Tennessee Valley Authority pour l'achèvement de la construction de la centrale de Bellefonte 1. Fin septembre, nous avons également remporté un appel d'offres lancé par EDF d'un montant de près d'un milliard d'euros pour la fourniture de 32 générateurs de vapeur, qui garantira une activité industrielle soutenue pour toute une série d'entreprises du pôle nucléaire de Bourgogne. Nous poursuivons activement les négociations en Inde pour un EPR, en Chine pour deux EPR supplémentaires ainsi qu'une usine de traitement et de recyclage des combustibles usés, au Royaume-Uni, en République Tchèque pour ne donner que quelques exemples. Il est important, en cette période, d'envoyer un signal clair sur nos intentions en matière nucléaire.

Ma troisième priorité est d'adapter le groupe Areva à un nouveau contexte post-Fukushima. Immédiatement après mon arrivée à la présidence du Directoire d'Areva, j'ai demandé que soit élaboré un plan d'actions stratégique pour les cinq prochaines années, qui doit permettre de : réévaluer le contexte stratégique de l'entreprise, la position concurrentielle d'Areva sur les marchés du cycle du nucléaire – mine, enrichissement, recyclage –, des réacteurs existants, des nouveaux réacteurs, des activités renouvelables ; déterminer le bon niveau d'ambition de l'entreprise et ses objectifs de part de marché ; de déterminer les investissements nécessaires à l'entreprise pour atteindre les objectifs que nous nous serons fixés. Une chose est d'ores et déjà certaine, l'entreprise n'arrêtera pas d'investir car elle doit préparer l'avenir pour terminer le renouvellement de son outil industriel et assurer son développement dans le renouvelables.

Par exemple Areva investit plusieurs milliards pour finaliser son usine d'enrichissement Georges Besse 2 sur le site du Tricastin, qui viendra remplacer l'usine Georges Besse 1 en fin de vie. Autre exemple, nous avons annoncé un investissement significatif en France dans une usine d'éoliennes offshore si Areva est sélectionné dans le cadre de l'appel d'offres en cours.

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