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Intervention de Alain Juppé

Réunion du 4 octobre 2011 à 16h45
Commission des affaires étrangères

Alain Juppé, ministre d'état, ministre des affaires étrangères et européennes :

Les arguments de la Russie, de la Chine et des BRICS contre notre projet de résolution se fondent d'abord, monsieur Loncle, sur le refus de tout ce qui pourrait ressembler à un droit d'ingérence. Ces pays ont aussi le sentiment que l'application de la résolution 1973 est allée au-delà du mandat donné par les Nations Unie en Libye. J'ai beau répéter que le projet de résolution sur la Syrie ne ressemble en rien à la résolution 1973 – laquelle autorisait, je le rappelle, « toutes les mesures nécessaires » –, une suspicion demeure, notamment chez les Russes, dont les relations avec le régime actuel sont par ailleurs anciennes. La France, néanmoins, ne cédera pas sur la demande russe de mettre sur le même plan le régime syrien et les rebelles, en d'autres termes ceux qui répriment et ceux qui sont réprimés. Ce point est à l'origine du blocage actuel.

Les États-Unis nous soutiennent, et estiment même que le texte de la résolution devrait aller plus loin ; de fait, celui-ci reste à mes yeux insuffisant, puisqu'il ne fait référence qu'à d'éventuelles sanctions, sous certaines conditions. Nous avions accepté cette rédaction minimaliste car nous pensions qu'elle pouvait faire l'objet d'un consensus ; hier soir, le projet de résolution recueillait ainsi quatorze voix sur quinze. J'espère donc que nous parviendrons à convaincre les Russes.

Après l'effondrement du régime de M. Kadhafi, des mercenaires se sont apparemment repliés dans le Sahel en y apportant des armes, notamment des missiles sol-air. Les services français ne confirment pas le chiffre de 10 000, mais cette situation est bien entendu source d'inquiétude.

Dans cette région où AQMI se renforce, notre ligne est d'engager les pays riverains à intensifier leur lutte contre le terrorisme. C'est déjà le cas de la Mauritanie et du Niger ; nous essayons d'encourager les autres à faire de même, en leur proposant notre aide en matière de formation ou de soutien logistique. L'Algérie, qui joue un rôle-clé, a organisé en septembre une rencontre entre ces pays pour les mobiliser davantage : c'est là un progrès significatif.

Nous avons, monsieur Terrot, quatre otages détenus au Sahel, deux en Somalie, trois au Yémen, sans oublier, bien sûr, Guilad Shalit. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour obtenir leur libération, mais je n'ai pas d'information à vous communiquer sur ce point.

Les paradis fiscaux coopératifs en matière de transparence fiscale, madame Bourragué, peuvent sortir de la liste grise de l'OCDE qui fut décidée dans le cadre du G20. En revanche, aucune harmonisation entre les régimes fiscaux n'est envisagée, puisque ces derniers relèvent de la souveraineté des États.

La France n'est pas en retrait sur la reconnaissance d'un État palestinien, monsieur Mathus : nous avons dit et répété que la reconnaissance de ce droit était l'une des conditions à la reprise des négociations. A ce sujet, le Quartet a d'ailleurs retenu l'une de mes propositions. Cependant, puisque les États-Unis opposeraient aujourd'hui leur veto à la création d'un État palestinien, l'obtention du statut d'État observateur serait une première étape. Ce statut permettrait notamment aux Palestiniens de saisir la Cour pénale internationale ; c'est d'ailleurs l'une des principales raisons de la campagne vigoureuse des États-Unis et d'Israël contre la proposition française. Outre le succès politique que signifierait le vote d'une telle résolution pour les Palestiniens, celle-ci impliquerait aussi, de leur part, la reconnaissance explicite de l'État d'Israël et de son exigence de sécurité, et l'engagement de ne pas saisir la Cour pénale internationale tant que les négociations ne sont pas achevées.

La France a condamné la colonisation d'Israël en territoire palestinien, monsieur de Charette. Néanmoins, nous ne pensons pas qu'un basculement en faveur de la seule défense des Palestiniens ferait avancer les choses. Au risque de vous surprendre, la politique française est marquée par une grande continuité : nous défendons l'État d'Israël et sa sécurité – le Président de la République est même allé jusqu'à dire, à la tribune de l'ONU, que nous serions à ses côtés s'il était attaqué –, mais nous sommes les amis des Palestiniens et voulons la reconnaissance de leur État. Cette ligne équilibrée est la seule façon, pour la France et pour l'Europe, de participer à la recherche d'une solution.

Un vote au Conseil de sécurité serait aujourd'hui un échec pour tout le monde, monsieur de Charette : pour les Américains, dont le veto ne redorerait assurément pas le blason ; pour les Israéliens, qui, compte tenu de l'évolution des relations avec l'Egypte, la Syrie et la Turquie, se trouveraient plus isolés que jamais ; pour les Palestiniens enfin, puisque, ne l'oublions pas, des Républicains du Congrès américain menacent de leur couper les vivres s'ils vont au bout de leur démarche au Conseil de sécurité. Nous ferons tout, par conséquent, pour éviter cette issue et défendre notre initiative.

Différents scrutins sont prévus en République démocratique du Congo, monsieur Christ, notamment l'élection présidentielle à un tour le 28 novembre prochain. La réunion du groupe de contact international sur les Grands Lacs, qui s'est tenue à Paris vendredi dernier, a été largement consacrée à la préparation de cette échéance. Nous avons de bonnes raisons de penser que la vigilance s'impose ; aussi l'Union européenne a-t-elle décidé d'envoyer 128 observateurs, parmi lesquels des Français. L'Union africaine apportera elle aussi son concours. La mission des Nations Unies dans ce pays compte déjà, je le rappelle, 20 000 hommes.

Nous ne sommes pas mi-chèvre, mi-chou sur le conflit israélo-palestinien, monsieur Kucheida : nous nous attachons à garder une position d'équilibre qui, en plus de faire notre originalité – notamment par rapport aux Etats-Unis –, fonde notre légitimité.

Le travail de Mme Ashton, monsieur Mathus, n'est pas aisé dès lors que les Vingt-sept ne sont pas tous d'accord. Malgré nos efforts, il nous sera très difficile d'obtenir l'unanimité des États européens sur notre proposition de résolution. Quoi que nous fassions, l'Allemagne, par exemple, restera sur une position différente.

Le Programme européen d'aide aux plus démunis, mis en place par l'Union en 1987, a été censuré par la Cour de justice des communautés européennes pour des raisons de procédure. Son application en 2012 et 2013 se voit donc remise en cause. Nous nous efforçons de convaincre les six pays qui forment une minorité de blocage – l'Allemagne, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, le Danemark, la République tchèque et la Suède –, afin d'obtenir le déblocage des fonds, comme le souhaitent d'ailleurs la Commission et le Parlement européen. Nous espérons une issue favorable au prochain Conseil des ministres de l'agriculture.

M. Boucheron a salué le succès des opérations menées en Libye, ce dont je le remercie ; il a par ailleurs raison de souligner que ce sont les Libyens eux-mêmes qui se sont libérés. S'agissant de l'Afghanistan, permettez-moi de rappeler que ce n'est pas l'actuelle majorité qui a décidé d'y envoyer nos troupes.

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