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Intervention de Philippe Van de Maele

Réunion du 5 octobre 2011 à 9h30
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Philippe Van de Maele, président de l'ADEME :

Je vous remercie de votre invitation. Je suis toujours heureux de nos échanges et de faire un point avec vous sur l'avancement des différents dossiers que nous gérons.

A la suite du Grenelle de l'environnement, l'Agence a été mobilisée autour de deux enjeux essentiels.

Le premier concerne la chaleur renouvelable. Le Grenelle prévoit d'augmenter de 20 millions de tonnes équivalent pétrole (TEP) la production annuelle d'énergies renouvelables d'ici 2020, dont près du tiers concerne la biomasse – notamment, la récupération du bois en chaleur de chauffage ou la biomasse électricité –, l'éolien et la géothermie constituant les deux autres postes dont les enjeux sont également essentiels ; la production d'énergie issue du solaire photovoltaïque est, quant à elle, beaucoup plus faible. L'ADEME est notamment chargée de la mutualisation des énergies à travers les réseaux de chaleur dans un certain nombre de grandes villes et de l'accompagnement de leur déploiement ; elle vise également à orienter un changement des ressources d'énergie en direction du bois ou de la géothermie lorsque cela est évidemment possible – et ce, malgré quelques précédents difficiles, certains projets ayant été élaborés sans avoir jamais été appliqués.

Depuis 2008, le « fonds chaleur » est doté chaque année de 240 millions € de budget qui permettent d'accompagner, pour un tiers, des projets industriels de chaleur renouvelable, un autre tiers étant dédié à l'installation de petites chaudières dans des équipements publics ou des entreprises du bâtiment, le dernier tiers de l'enveloppe étant enfin consacré au déploiement des réseaux de chaleur. À ce jour, nous avons réalisé environ 500 000 TEP mais nous n'avons pas encore atteint le rythme permettant de viser l'objectif de 5 millions de TEP d'ici 2020. Je rappelle qu'une TEP coûtant entre 700 et 1 000 euros, une production de 500 000 TEP annuelle représente, selon le cours du baril, une économie de 300 à 500 millions € sur la facture pétrolière.

Les projets industriels connaissent une phase de stagnation, voire une légère baisse : si la demande reste forte, les industriels n'en ont cependant pas moins tendance à reporter leurs investissements. Les projets de réseaux de chaleur, quant à eux, nécessitent une plus grande concertation – les collectivités locales participant à leur définition et à leur extension – mais la montée en puissance des demandes est sensible. En la matière, nous avons trouvé un modus operandi efficace, dont nous souhaitons qu'il se perpétue.

Second enjeu : le plan « Déchets », lequel comporte deux versants. Le soutien à la prévention, tout d'abord : d'ores et déjà, près de 50 % des Français sont couverts par des plans ou des programmes – animations, investissements en faveur de compostages individuels –, l'ADEME ayant atteint les objectifs qui lui avaient été fixés. L'investissement en faveur du tri des déchets, des déchetteries et du recyclage, ensuite : la montée en puissance est en l'occurrence plutôt lente, mais nous ne désespérons pas de faire mieux. Cette remarque vaut également pour le tri mécano-biologique, dont on sait que le déploiement peut être assez conflictuel puisque certaines collectivités investissent dans cette technologie sur l'efficacité de laquelle l'ADEME, comme l'ensemble de l'administration, se montre réservée – cela dépend, en tout cas, grandement de la manière dont elle est exploitée.

Je précise par ailleurs que le Parlement ayant voté l'année dernière une moindre progression de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) par rapport à celle qui avait été prévue dans le cadre du Grenelle de l'environnement, nos capacités d'engagement dans les domaines des énergies renouvelables et des déchets se sont tendues.

Nous avons relancé une démarche sur les sites pollués orphelins, qui tendent malheureusement à se multiplier en raison soit d'une mauvaise gestion, soit d'escroqueries : certains centres de tris prétendument organisés ne disposent d'aucun opérateur effectif, ce qui implique le nettoyage de volumineux tas d'ordures. Dans le cadre de projets d'aménagement et dans la lignée des opérations « villes durables », nous avons également lancé des actions d'aides à la dépollution de friches urbaines.

L'ADEME travaille donc intensivement et elle conservera cette ligne de conduite tant que ses financements seront maintenus. Agir en faveur de l'efficacité énergétique et des énergies renouvelables, en effet, implique une inscription dans la durée en évitant les à-coups : si les actions lancées dans les années soixante-dix et quatre-vingt avaient été pérennisées, nous serions aujourd'hui surpris des économies pétrolières qui auraient été réalisées et de l'amélioration du solde de notre balance commerciale.

Par ailleurs, je me réjouis de la table ronde nationale sur l'efficacité énergétique lancée par la ministre Nathalie Kosciusko-Morizet, qui se déroule en ce moment même : les enjeux sont importants aux plans environnemental et écologique, certes, mais également économique et social. Les résultats obtenus n'ont pas été aussi rapides que nous l'espérions, même si beaucoup a été fait dans le secteur du bâtiment – éco-prêt à taux zéro, crédit d'impôt, livret de développement durable… quoique la part qui y est strictement dédiée soit encore insuffisante. Nous avons donc tout intérêt à continuer de nous mobiliser. Dans le cadre des investissements d'avenir, le fonds « Habiter mieux » de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) dédié à la réhabilitation thermique des logements précaires se déploie difficilement : outre les lourdeurs administratives, il s'adresse en effet à des publics qui ne peuvent pas toujours accompagner ces opérations – d'où l'enjeu social que j'évoquais. Ce dernier est d'autant plus important que le coût de l'énergie – et notamment celui de l'électricité – doit augmenter et que tel sera inévitablement le cas : la demande en énergies fossiles continuera à être importante, voire s'accroîtra – le Japon transfère ainsi actuellement une partie de sa production énergétique du nucléaire vers le gaz. J'espère donc que cette table ronde débouchera sur des préconisations ambitieuses qui contribueront à préparer l'avenir.

S'agissant des investissements d'avenir, quatre programmes ont été confiés à l'ADEME pour un total de 2,850 milliards € : les véhicules du futur, les énergies renouvelables – en liaison avec la chimie verte –, les smart grids – réseaux électriques intelligents – et l'économie circulaire – recyclage et récupération. Plus de vingt appels à manifestation d'intérêt (AMI) portant sur l'ensemble des thématiques ont été lancés. La mobilisation des entreprises en réponse a été réelle, puisqu'en un an nous avons reçu plus de 350 projets de qualité dans tous les domaines : solaire thermique, thermodynamique, photovoltaïque, grand éolien, géothermie, véhicules du futur, traction thermique, réseaux intelligents… Les investissements d'avenir nous permettent désormais d'intervenir dès les phases de recherche et d'élaboration des démonstrateurs, puis lors de la pré-industrialisation voire lors de l'accompagnement industriel – dans la mesure où nous pouvons contribuer au capital des petites entreprises par des apports en fonds propres, notamment afin de développer des filières industrielles. L'enjeu, certes, est de parvenir à trouver des solutions techniques, mais également d'accompagner la structuration de certaines filières dans les domaines éolien ou hydrolien. Au début de 2012, nous devrions être en mesure d'identifier des projets de recherche ou industriels couvrant près de la moitié de l'enveloppe qui nous a été confiée, une seconde sélection étant prévue à la fin de 2012 ou au début de 2013. La dynamique est donc très forte – même si une solution technique ne créera pas nécessairement un marché –, de petites entreprises étant prêtes à se lancer dans la production de nouveaux produits.

Le captage et le stockage de carbone, en revanche, se développent mal, alors qu'ils seront de plus en plus nécessaires : les enjeux sont lourds, en effet, tant du point de vue technique que de celui de l'acceptabilité sociale – la ville de Pau, notamment, connaît bien ce problème. En Chine, la consommation énergétique explose : des efforts importants sont consentis afin de faire baisser la production électrique issue du charbon de 80 % à 60 % du total, mais compte tenu de l'évolution de la consommation, une centrale à charbon n'en voit pas moins le jour chaque semaine ! Les Chinois se montrent également intéressés par l'efficacité énergétique et les énergies renouvelables, mais s'ils se préparent à investir massivement dans le captage et le stockage du carbone, ils sont avant tout vigilants quant à leur approvisionnement énergétique et à leur indépendance – d'où le développement du véhicule électrique. Enfin, le captage et le stockage du carbone me semblent constituer un enjeu d'autant plus important que nous ne sommes pas sur la bonne voie pour atteindre l'objectif du « facteur quatre » à l'horizon de 2050.

La réforme de la progression de la TGAP, en réduisant nos prévisions d'apports financiers, nous a conduits à nous interroger sur nos capacités d'engagement. Jusqu'en 2010, le niveau global d'intervention de l'ADEME s'élevait à 690 millions €, l'essentiel de cette somme résultant de taxes affectées et seuls 80 millions € provenant du budget de l'État. Si l'adaptation de nos capacités d'engagement par rapport à la prévision de recettes fixée dans le cadre de la loi triennale relève d'un débat interministériel, j'essaie quant à moi de maintenir constant notre niveau d'intervention. En complément des mesures fiscales ou réglementaires, nous devrons sans doute renforcer notre action en matière d'efficacité énergétique principalement liée, à ce jour, à nos contractualisations avec les régions et qui porte sur trois types d'intervention, dont notamment la recherche et l'innovation dans le secteur du bâtiment dans le cadre du programme PREBAT.

En l'occurrence, j'ai demandé à nos équipes de moins mettre l'accent sur les bâtiments neufs – sauf dans une démarche prospective, intégrant la notion de stockage de l'électricité – que sur les techniques de réhabilitation, afin que l'efficacité énergétique soit effective dans les bâtiments existants. Nous ne ferons pas l'économie d'un débat sur le mix énergétique ainsi que sur l'organisation de la distribution d'électricité et le stockage de l'énergie – batteries, remontées d'eau dans les barrages, air comprimé, ballons d'eau chaude… En effet, ce sont là autant d'enjeux essentiels si nous tenons à accroître la part des énergies renouvelables dans notre production, ce qui est non seulement l'un des objectifs du Grenelle de l'environnement mais aussi le souhait de l'ADEME et… une nécessité ! J'ai eu l'occasion de discuter de cette question avec mon homologue japonais du NEDO : il n'est pas un seul bâtiment « intelligent », dans ce pays, qui ne comporte un moyen de stocker l'énergie.

Sur un plan budgétaire, j'espère pour conclure que le même niveau d'engagement pourra être maintenu dans les années à venir. La discussion aura lieu au sein du conseil d'administration de l'ADEME, où siège votre collègue Guy Geoffroy. Ce niveau est bien entendu, in fine, tributaire du montant des crédits de paiement versés.

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