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Intervention de Victorin Lurel

Réunion du 28 septembre 2011 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVictorin Lurel, rapporteur :

Lors de mes nombreuses rencontres avec les représentants de l'industrie, j'ai entendu les mêmes objections qu'aujourd'hui : le sujet relève du pouvoir réglementaire ; il vaudrait mieux s'en remettre au marché, ou compter sur l'autorégulation. De son côté, le ministre a promis de régler en partie ce problème dès la rentrée ; il aurait donné des instructions en ce sens aux directeurs des agences régionales de santé. Mais la directrice de l'agence de Guadeloupe m'a dit qu'elle attendait encore de vraies consignes.

Par ailleurs, le secteur agro-alimentaire exprime des résistances fortes. Certains, à l'Association nationale des industries alimentaires notamment, évoquent la signature de chartes destinées à modifier les pratiques sur une durée de vingt ans ! Autant dire qu'on n'en verrait jamais les résultats.

Rien ne nous empêche d'adopter un texte, quitte à ce qu'il soit suivi dans les six mois de la publication d'un décret ou d'un rapport d'évaluation. Jean. Mallot a raison : la discussion, engagée depuis un bon moment avec les pouvoirs publics et le secteur agro-alimentaire, aurait pu permettre d'élaborer un projet de décret. Or rien n'est venu.

Vous ne disposez pas de tous les éléments sur les pratiques stupéfiantes du secteur alimentaire dans la France d'outre-mer. Nous avons fait analyser les produits laitiers et les sodas proposés dans nos collectivités : en moyenne, entre quatre et cinq grammes de sucre y sont ajoutés. Rien n'explique cette différence, sinon les raisons évoquées par Elie Aboud : c'est un problème de marketing. Il faut améliorer la texture, la présentation, la conservation.

Il est faux d'affirmer qu'une sorte de fatalité culturelle – pour ne pas dire génétique – conduirait les habitants de l'outre-mer à préférer les aliments plus sucrés, plus salés ou plus gras. La preuve : Coca-Cola vend la même boisson à Paris, à Pointe-à-Pitre, à Cayenne ou à Saint-Denis de la Réunion, ce que confirment les analyses effectuées par le laboratoire Eurofins de Nantes. La marque n'est pourtant pas confrontée à des problèmes de part de marché ou de conservation – même si les proportions entre saccharose, fructose et glucose ont tendance à se modifier à l'approche de la date limite de consommation.

Nous avons posé la question, monsieur Aboud : le texte n'a pas d'incidence économique, si ce n'est qu'il entraînerait, selon les producteurs, un préjudice d'image. Les remarques de nos interlocuteurs nous ont d'ailleurs conduits à proposer, par amendement, une nouvelle rédaction du texte, tout en préservant son économie générale. L'amendement AS 3, en particulier, répond à l'objection de Bernard Perrut, puisqu'il étend la disposition de l'article 2 à toutes les denrées alimentaires de consommation courante – y compris, donc, les viennoiseries, les pâtisseries ou les barres chocolatées. Il appartiendra au ministre chargé de la santé, après avis du Haut Conseil de la santé publique, d'en établir la liste.

Mieux encore : en mettant tout le monde sous la même toise, la proposition évite toute distorsion de concurrence. Nous évitons ainsi le risque de voir les denrées produites localement perdre des parts de marché au profit de marques importées, ce qui ne serait pas le cas si nous privilégions la signature de chartes. Certains produits sont importés chez nous depuis le Costa Rica : comment pourrions-nous convaincre les grands groupes qui les commercialisent d'en modifier la teneur en sucres ? Seule la loi peut s'imposer à tous.

Dominique Dord réclame la publication d'un arrêté, mais je suis comme la soeur Anne du conte de Perrault : je scrute l'horizon, et je ne vois rien venir.

Il est vrai, madame Delaunay, qu'aucune spécificité culturelle ne justifie l'ajout de quatre ou cinq grammes de sucres dans les produits alimentaires. Or un gramme de sucre représente 4 kilocalories supplémentaires. Une telle pratique peut donc conduire à prendre dix kilos en vingt ans.

Mme Antier a raison : c'est entre zéro et trois ans que s'acquièrent les habitudes alimentaires – y compris, hélas, les addictions. C'est pourquoi il est urgent d'agir.

Je remercie Mme Poursinoff de son soutien. Mais comme elle l'a noté à juste titre, le problème des édulcorants reste entier.

Je le répète, monsieur Perrut : mes amendements répondent à vos objections. Rien n'empêche donc un consensus autour de cette proposition de loi.

Yves Bur a évoqué les habitudes alimentaires en Alsace. Pourquoi y mange-t-on trop salé ? Là encore, certains invoqueront des facteurs culturels, comme la proximité de mines de sel. Je pense pour ma part qu'il n'y a aucune fatalité : il est possible de lutter contre ce phénomène.

Il est vrai, monsieur Aboud, que j'ai reçu de nombreux appels, et que l'on m'a parfois agressivement accusé de remettre en cause l'emploi local. Mais souvent, mes interlocuteurs ont fini par admettre un problème s'agissant de la composition des produits. En outre, dès lors que tout le monde est soumis à la même toise, ce texte n'aura pas de conséquence économique.

Il est vrai que l'industrie laitière a disparu en Guadeloupe, et que l'île doit importer du lait en poudre. Mais seules des questions de marketing incitent à l'ajout de sucres. Nous ne pouvons le tolérer plus longtemps.

Même si le problème est d'ordre réglementaire, monsieur Jeanneteau, la loi peut donner une impulsion.

Je remercie Valérie Boyer pour ses propos, même si je ne partage pas sa conclusion. Notre collègue a évoqué la législation européenne : celle-ci ne constitue pas un obstacle aux dispositions que je propose.

Oui, il faut mettre un terme à ce que l'on peut qualifier de scandale. Oui, monsieur Renucci, les populations attendent une réponse. Il conviendrait d'établir une comparaison pour évaluer les conséquences de ces pratiques commerciales sur la santé publique et le financement de la sécurité sociale, en raison de leur influence dans la prévalence du diabète ou des maladies cardiovasculaires. C'est pourquoi nous devons faire preuve de courage politique.

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