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Intervention de Jean Bardet

Réunion du 20 septembre 2011 à 14h00
Mission d'information relative à l'analyse des causes des accidents de la circulation et à la prévention routière

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Bardet, député, co-président du groupe d'études sur la route et la sécurité routière :

Les limiteurs de vitesse – et non les régulateurs – devraient être quant à eux obligatoires sur tous les véhicules sortant d'usine, une aide de l'État pouvant être accordée aux conducteurs qui veulent faire équiper un véhicule ancien. L'argent nécessaire pourrait être prélevé sur le produit des contraventions liées aux radars. Une telle mesure, je le crois, serait comprise des usagers.

La polémique a également fait rage s'agissant des indicateurs de radars – et non des détecteurs, qui, eux, sont et resteront interdits. Or, les assureurs ont constaté que ceux qui en font usage avaient plutôt moins d'accidents que les autres. Il me semble, en effet, que ces appareils servent de « piqûre de rappel » pour faire respecter la vitesse et que, en outre, ils donnent tellement de fausses alertes que l'automobiliste qui ne lèverait le pied qu'en cas d'avertissement se montrerait tout de même plus prudent qu'un autre.

Par ailleurs, les contrôles systématiques d'alcoolémie ou de drogue ne sont pas assez nombreux. Depuis qu'ils existent, je crois avoir été contrôlé quatre fois pour la consommation d'alcool et je ne l'ai pas été une seule fois s'agissant de celle de drogue : cela n'est donc en rien dissuasif, même s'il faut bien avouer que je ne fréquente pas les boites de nuit le samedi soir !

Sur le plan de la prévention, je défends depuis très longtemps l'idée de faire passer le permis de conduire au lycée. Outre que son obtention est aussi importante pour entrer dans la vie professionnelle que le fait de parler anglais ou de pianoter sur un ordinateur, plus tôt on apprend les règles de bonne conduite, plus on est enclin à les respecter. Là encore l'argent issu des contraventions des radars pourrait être consacré à ce projet. Je crois que cette mesure serait particulièrement appréciée des jeunes et des parents.

De plus, le permis de conduire – comme d'ailleurs le préconise la récente reforme – doit être davantage orienté vers une pédagogie de la bonne conduite que sur la pratique de certaines manoeuvres comme la réalisation d'un créneau ou d'un démarrage en côte.

Faut-il augmenter ou diminuer les vitesses autorisées ? Je ne suis pas un ayatollah, et l'argument qui consiste à dire que les voitures actuelles ont des dispositifs de sécurité passive qui n'existaient pas en 1973 – lorsque la vitesse a été limitée à 130 kmh sur les autoroutes – ne m'est pas indifférent. Mais jusqu'où pourrait-on l'augmenter ? Et, surtout, quel devrait être le degré de tolérance ? Si la vitesse sur autoroute passait à 140 ou à 150 kmh – hypothèse d'école – que diraient les automobilistes flashés à 145 ou à 155 kmh, sachant que ceux qui sont verbalisés pour un dépassement de 5 kmh protestent déjà. Quoi qu'il en soit, s'il y a une règle, il faut la respecter.

Au reste, cette notion de vitesse est toute relative. J'ai une voiture qui a 33 000 kilomètres au compteur, dont environ un tiers a été effectué sur autoroute en respectant les vitesses autorisées. Eh bien, ma vitesse moyenne globale s'élève à 39 kmh ! Alors, que la vitesse soit limitée à 120, à 130 ou à 140 kmh, cela ne changera pas grand-chose quant aux déplacements.

La vitesse en ville, elle aussi, est relative. Une étude récente, réalisée dans une ville de moyenne importance, à une heure d'affluence normale, a montré que si la vitesse est limitée à 50 kmh, la vitesse moyenne pour traverser la ville est de 19 kmh. Si elle était limitée à 30 kmh, la vitesse moyenne serait de 17 kmh, ce qui représente une perte de temps négligeable. En revanche, d'autres études ont montré que l'abaissement de la vitesse en ville réduirait significativement la mortalité des plus vulnérables : les piétons et les deux roues.

Il y a quelques années, des lampadaires d'éclairage ont été installés à grands frais sur les autoroutes péri-urbaines. À la suite de vol de câbles en cuivre, ils ne fonctionnent plus.

Or, parmi les raisons évoquées pour justifier qu'ils ne soient pas réparés, on trouve, à côté de celle tenant au coût prohibitif du remplacement, en raison de l'augmentation du prix des métaux non-ferreux, ou encore de celle liée à la nécessité d'économiser de l'énergie et de respecter des critères écologiques, la raison selon laquelle une autoroute non éclairée est moins « accidentogène » ! L'argument n'est pas partagé par tout le monde car la diminution globale du nombre de tués n'est pas prise en compte dans les statistiques. Pour le moins, des études expérimentales auraient pu être réalisées avant d'engager les collectivités territoriales dans des dépenses faramineuses ! Mais, si une route non éclairée est moins accidentogène, poussons le raisonnement à l'extrême : pourquoi les tunnels sont-ils éclairés alors que l'absence de lumière obligerait les automobilistes à ralentir ? L'absence d'éclairage sur les autoroutes peut provoquer des accidents pour des raisons physiologiques : lorsque l'on passe dans un tunnel éclairé, la pupille se rétrécit ; lorsque l'on en sort et que l'on est plongé dans le noir, elle se dilate pour laisser entrer le maximum de lumière. Ce mécanisme d'adaptation met quelques secondes pendant lesquelles la vision est mauvaise et, donc, la conduite dangereuse.

À cet égard, je souhaite formuler trois propositions : premièrement, éclairer les autoroutes en allumant un lampadaire sur deux ou sur trois, ce qui permettrait d'avoir une vision du tracé de la route tout en réalisant des économies ; deuxièmement, autoalimenter les lampadaires par des piles photovoltaïques qui restitueraient l'énergie emmagasinée le jour ; troisièmement, diminuer la vitesse autorisée la nuit sur tous les axes, qu'ils soient éclairés ou non.

Je terminerai par une boutade – ou presque. En temps que médecin, je suis un adepte de la théorie dite de « la preuve par l'expérimentation ». Dès lors que les thèses des uns et des autres semblent parfois si éloignées et si inconciliables, je propose de faire l'expérience suivante : pendant six mois ou un an, supprimons tous les radars fixes ou mobiles, les radars de feux rouges, les contrôles d'alcoolémie et de toxiques, autorisons à téléphoner au volant et voyons ce que cela donne ! Si la mortalité sur la route ne change pas, c'est que toutes ces mesures ne servent à rien ; si elle change – ce que je crois –, cela fera peut-être réfléchir certains.

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