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Intervention de Philippe Cochet

Réunion du 28 septembre 2011 à 10h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Cochet, rapporteur :

La relation bilatérale, particulièrement forte qui unit notre pays au Brésil s'enrichit d'un nouveau texte qui pour être modeste n'en est pas moins significatif. Notre commission est saisie aujourd'hui d'un protocole, signé le 7 septembre 2009, relatif à la création d'un centre de coopération policière, en complément de l'accord bilatéral de partenariat et de coopération en matière de sécurité publique qui lie la France au Brésil depuis 1997 et est entré en vigueur en 2007.

Il me semble tout d'abord utile de vous donner quelques éléments de contexte et de vous rappeler l'état de notre coopération policière avec le Brésil.

Comme chacun sait, la Guyane est la plus vaste de nos régions, presque aussi étendue que le Portugal, avec quelque 84 000 km², pour l'essentiel de forêts et de fleuves. C'est aussi au niveau de la Guyane que la France a la plus longue de ses frontières terrestres, soit 730 kms avec le Brésil, essentiellement le long du tracé du fleuve Oyapock. Ces caractéristiques, notamment géographiques, ont donné à cette région d'outre-mer un profil particulier en termes de sécurité publique et de délinquance : c'est une terre sur laquelle tous les trafics et activités clandestines sont possibles, d'espèces protégées, d'armes, de stupéfiants, d'or bien sûr. Vous vous rappelez le rapport de notre collègue Christiane Taubira il y a quelques mois sur l'accord franco-brésilien relatif à la lutte contre l'exploitation aurifère illégale dans les zones protégées. C'est aussi une terre sur laquelle l'immigration irrégulière est des plus faciles.

Il résulte de cette conjonction de facteurs une situation préoccupante : la Guyane est aujourd'hui l'un des départements les plus violents de France et tous les indices de délinquance confirment cette réalité. La Guyane souffre d'une délinquance forte, qui connaît des taux de croissance bien supérieurs à ce que l'on constate ailleurs, et dans laquelle les migrants en situation irrégulière, notamment en provenance du Brésil, ont une part importante. Le fait qu'elle soit une enclave européenne en Amérique latine, d'un niveau de vie supérieur à celui de son environnement immédiat, lui donne une attractivité forte, d'autant plus que l'Amapá, par exemple, l'Etat de la fédération brésilienne qui lui fait face, sur l'autre rive du fleuve Oyapock, est l'un des plus pauvres du Brésil, isolé du reste du pays, sans voie de communication routière avec aucun autre Etat de la Fédération brésilienne.

Dans ce contexte, dès le début des années 1990, s'est développée une coopération en matière policière entre la France et le Brésil, avec notamment la création d'un service de sécurité intérieure à l'ambassade de France à Brasilia et la signature de différents accords bilatéraux. Le service de sécurité intérieure français dispose aujourd'hui de deux fonctionnaires de police à Brasilia, ainsi que d'une antenne à São Paulo avec deux officiers de liaison, respectivement chargés des questions de criminalité organisée et de lutte contre les trafics de stupéfiants, et des problématiques d'immigration. Le Brésil a de son côté envoyé deux fonctionnaires à son ambassade à Paris et deux officiers de liaison sont présents en Guyane.

Cette coopération n'a cessé de se renforcer, à mesure que nos liens avec ce pays devenaient de plus en plus forts. Elle a été consolidée en 1997 lorsqu'un accord de partenariat et de coopération a été conclu afin de développer une coopération technique et opérationnelle en matière de sécurité publique, aux termes duquel les Parties sont convenues de se prêter mutuellement assistance dans un certain nombre de domaines : criminalité transnationale organisée ; trafic illicite de stupéfiants ; immigration irrégulière ; terrorisme, sachant qu'il était aussi prévu que cette coopération pourrait être étendue à tous les domaines qui se révéleraient utiles aux objectifs de l'accord : blanchiment d'argent ; trafic d'armes ; sécurité des ports, aéroports et frontières ; maintien de l'ordre public ; police technique et scientifique ; gestion, recrutement et formation des personnels.

La collaboration entre les forces de police françaises et brésiliennes est aujourd'hui bonne, même si l'accord n'est entré en vigueur qu'en 2007. Elle a pris la forme d'échanges d'informations relatives aux personnes soupçonnées, aux méthodes et formes de criminalité internationale, en matière de résultats de recherche et comporte une assistance réciproque soutenue. En 2010, par exemple, 33 projets ont été menés à bien et il ne faut pas oublier les importantes retombées industrielles pour nos entreprises, en termes d'achats d'équipements de sécurité, dont ont pu d'ores et déjà bénéficier des entreprises comme EADS, Thalès, Sofremi ou Safran.

Cela étant, symbole fort de l'excellence de la relation bilatérale franco-brésilienne et du rapprochement entre nos deux pays, les présidents Chirac et Cardoso ont décidé, également en 1997, de lancer un pont routier sur le fleuve Oyapock, qui devrait être opérationnel à la fin de l'année, avec un retard d'un an sur les prévisions initiales.

Si cet ouvrage devrait contribuer à favoriser le renforcement d'une coopération politique et technique déjà très étendue, de nouveaux aspects sécuritaires pourraient cependant surgir avec le développement des échanges transfrontaliers, l'augmentation des flux humains et commerciaux bilatéraux qui pourraient en découler. Surtout, on craint que certaines formes spécifiques de criminalité touchant la Guyane et l'Amapá, autour de l'exploitation aurifère ou l'immigration illégales, notamment, en tirent profit.

En d'autres termes, les défis sécuritaires auxquels est d'ores et déjà confrontée la région risquent de s'en trouver accrus et les autorités des deux pays ont opportunément choisi de prendre les devants. C'est l'objet du protocole qui a été signé le 7 septembre 2009 entre les présidents Sarkozy et Lula qui complète l'accord de 1997 en créant un centre de coopération policière.

Le protocole, long d'une douzaine d'articles, prévoit que le Centre de coopération policière sera établi sur place, à la frontière entre les deux pays, aux abords immédiats du pont, en territoire français dans un premier temps, pour une durée de trois ans, avant que la détermination de sa localisation définitive soit décidée. Le CCP accueillera en pratique un agent de la police nationale et trois gendarmes pour la partie française, et des effectifs de la police fédérale pour la partie brésilienne. Il aura pour but l'approfondissement de la coopération transfrontalière par l'échange d'informations dans les domaines prévus dans l'accord de 1997, à l'exception du terrorisme, qui est à la charge de l'Unité de coordination de la lutte anti-terroriste. Est également prévue l'amélioration des échanges réguliers d'informations et l'étude des méthodes, des tendances et des activités des auteurs d'infractions dans ces domaines.

La liste des missions conférées au CCP n'est pas exhaustive et il va de soi que la lutte contre l'orpaillage illégal, les trafics qui y sont liés, la destruction des forêts, qui sont devenues autant de priorités bilatérales, seront des problématiques dont les agents du centre auront également à connaître. La lutte contre l'orpaillage illégal, tout particulièrement, doit figurer parmi les priorités du CCP, dans la logique de l'accord que les deux Parties ont récemment conclu sur cette question, que j'ai précédemment rappelé.

Pour le reste, on peut retenir que le centre ne pourra réaliser d'interventions à caractère opérationnel de manière autonome et qu'il restera à la disposition de la gendarmerie et de la police nationales françaises et de la police fédérale brésilienne.

Le traitement des informations échangées est réglé à l'article 3 du protocole, qui en garantit la protection. Dans la mesure où le Brésil ne dispose pas à l'heure actuelle d'une législation adéquate en matière de protection des données à caractère personnel, l'échange ne portera que sur les informations de nature non personnelle, comme c'est d'ores et déjà le cas sous l'empire de la convention de 1997.

Les agents qui seront affectés au CCP verront leur statut juridique défini à l'article 5 du protocole. C'est un point qui n'appelle pas de remarque particulière, à comparer aux dispositions habituellement en vigueur dans le cadre d'activités mixtes transfrontalières. En cas d'intervention sur le territoire de l'autre Partie, ces agents restent soumis aux dispositions en vigueur dans leur pays d'origine pour tout ce qui est lié au service et bénéficient de l'immunité de juridiction civile et pénale de cette Partie pour les actions menées dans l'exercice de leurs fonctions et dans les strictes limites de leurs compétences respectives.

L'article 6 précise enfin que les deux Parties participent au financement du Centre en assumant leurs dépenses d'équipement et de fonctionnement respectives. Un coordinateur sera désigné par chacune des parties pour assurer la liaison entre les Parties.

La création de ce Centre permettra de renforcer la coopération opérationnelle entre les services de police de nos deux pays, dans une zone où les questions de délinquance et de criminalité sont particulièrement d'actualité. Je vous recommande évidemment l'adoption du projet de loi autorisant l'approbation de ce protocole additionnel.

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