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Intervention de Hélène Jacquot-Guimbal

Réunion du 14 septembre 2011 à 14h00
Mission d'information relative à l'analyse des causes des accidents de la circulation et à la prévention routière

Hélène Jacquot-Guimbal, directrice générale de l'IFSTTAR :

Je vous remercie à mon tour de nous donner l'occasion de montrer à quoi sert un établissement public de recherche finalisée qui a pour devoir de conseiller l'État et les pouvoirs publics. Nous sommes heureux de pouvoir valoriser nos travaux et nous réjouissons de la confiance que vous nous témoignez.

M. Jean-Paul Mizzi, directeur général adjoint. Le rapport que nous venons de vous remettre a pour origine une synthèse scientifique effectuée sur une durée très courte, donc volontairement condensée et limitée à l'essentiel, des connaissances en matière de sécurité routière. Il ne s'agit pas d'une expertise collective, incompatible avec l'ampleur de la question posée et avec la brièveté des délais impartis.

Sur la base de ces connaissances, un certain nombre d'éléments concernant les causes des accidents peuvent être avancés et des mesures susceptibles d'améliorer la lutte contre l'insécurité routière peuvent être évaluées.

Même si l'accidentalité a beaucoup baissé en France, elle reste élevée par rapport à celle d'autres pays européens, et il est nécessaire de poursuivre une politique volontariste en matière de sécurité routière. La France fait partie des pays européens intermédiaires entre les pays les plus performants en la matière – moins de 60 tués par million d'habitants – et les nouveaux États membres – plus de 100 tués par million d'habitants.

L'efficacité des politiques de sécurité routière exige des analyses précises, ciblées sur les circonstances des accidents – types de réseaux, périodes de conduite –, et les populations à risques – nouveaux conducteurs, en particulier jeunes conducteurs de deux-roues motorisés –, et également des coopérations entre toutes les parties prenantes.

Le document est structuré en deux parties principales : la première rappelle les causes d'insécurité en lien avec les usagers, les infrastructures et le parc automobile ; la seconde recense, par grands domaines, les mesures, générales ou plus spécifiques, qui ont pu être prises et les enseignements qui ont pu en être tirés.

La connaissance en matière de sécurité routière repose essentiellement sur l'observation d'échantillons d'accidents ou de sujets expérimentaux, souvent de taille limitée. Or, cette observation peut parfois être trompeuse, ou pour le moins comporter une part d'incertitude quant à la pertinence de sa généralisation. La décision publique doit s'appuyer sur une quantification la plus exacte possible des enjeux inhérents à telle ou telle cause d'insécurité routière, mais aussi sur une appropriation plus fine, donc nécessairement plus qualitative, des phénomènes sous-jacents. En d'autres termes, il s'agit d'éviter que le vraisemblable prime sur le vrai.

Cela étant, il convient de préciser la nature de l'accidentalité. Ainsi, à côté du nombre de morts sur la route et en conservant l'objectif de le diminuer au maximum, le regard doit être porté sur les blessés, qui représentent aujourd'hui un enjeu particulièrement important, notamment pour les jeunes et pour les usagers de deux-roues motorisés : à chaque tué correspond un handicap lourd.

Pour accroître la pertinence de notre regard sur les blessés, il faudrait également prendre en compte la réduction de l'espérance de vie des blessés les plus graves.

En ce qui concerne les causes d'accident, il est indiscutable que celles-ci sont multifactorielles. Il n'y a pas une cause unique d'accidentalité, et c'est sur cette multicausalité qu'il faut agir, par le biais d'une coordination des différentes politiques et mesures, afin que les limites naturelles de l'adaptation humaine ne puissent mettre les usagers de la route dans des situations qui les blessent ou les tuent.

Plus les situations routières seront compliquées, surprenantes, plus elles imposeront de contraintes temporelles, plus elles pousseront à bout les capacités humaines d'adaptation. La prise de risque peut être volontaire, délibérée, active, mais elle peut aussi être liée à la non-perception d'un danger.

S'agissant du risque d'accident, la vitesse reste un facteur causal clé. Le taux d'accidents par véhiculekm sur un réseau augmente en fonction de la vitesse moyenne pratiquée sur le réseau selon un facteur 4.

Parmi les autres causes, nous pouvons souligner le rôle particulier de l'alcool, dont le poids dans l'accidentalité est constant depuis une décennie. S'agissant des autres psychotropes, peu de résultats ont pu être mis en évidence, à l'exception de ceux du cannabis, notamment lorsqu'il est associé à l'alcool.

Parmi les causes, l'inadaptation de la vitesse à l'infrastructure et aux conditions de circulation peut également être notée. Par défaut d'information adéquate ou pour des raisons de détection, la mauvaise adéquation de la vitesse à l'infrastructure, notamment dans les virages et aux intersections, et aux conditions de circulation est source d'accidents.

J'en viens aux causes de l'insécurité en lien avec les véhicules. Les véhicules légers constituent le principal enjeu en termes de mortalité du fait de l'augmentation de la masse des véhicules constatée. Pour ce qui est des deux-roues motorisés, l'enjeu s'apprécie en termes de blessés graves – les origines en sont le non-port du casque et la difficulté de perception par les automobilistes.

Au-delà des causes elles-mêmes, il faut souligner que deux groupes de personnes sont plus vulnérables en cas d'accident : d'une part, les piétons – en particulier les enfants et les personnes âgées – et les cyclistes ; d'autre part, les usagers de deux-roues motorisés. Mais parmi cette population, il existe une sous-population : l'homme jeune, qui reste le plus exposé.

En ce qui concerne les mesures à mettre en oeuvre en matière de sécurité routière, il faut souligner que trop peu de mesures et de politiques de sécurité routière font l'objet d'évaluations.

En tout cas, le bilan des politiques de sécurité routière dans le monde montre que, compte tenu du caractère multifactoriel des accidents, la sécurité routière doit être une action publique multisectorielle qui nécessite un véritable leadership gouvernemental.

Cette action, par définition interministérielle, doit aussi privilégier une approche « intégrale » qui prenne en compte la politique environnementale, la politique de l'aménagement du territoire et la politique de santé publique. Elle doit par ailleurs être élaborée de manière conjointe par l'ensemble des parties prenantes – chercheurs, industriels, associations, institutions.

Dans le débat public, la sécurité routière ne peut être réduite essentiellement à un problème de comportement des usagers. Au niveau mondial, trois modèles inspirent les politiques de sécurité routière car ils affichent clairement une vision hautement ambitieuse et à long terme de la sécurité routière : il s'agit des modèles suédois, hollandais et anglais. Les programmes de ces pays reposent également sur l'adoption d'objectifs intermédiaires pluriannuels et sur des objectifs finaux à long terme.

La sécurité routière doit devenir une priorité des politiques d'aménagement à tous les échelons territoriaux. Des progrès sont possibles, même si ce n'est pas simple, comme le montrent les expériences étrangères, grâce à des politiques coordonnées et structurées portant par exemple sur une intégration de la sécurité routière dès la conception des systèmes, comme cela a été fait pour la sécurité industrielle. La sécurité routière n'étant jamais linéaire, une efficacité continue suppose d'être présent en permanence sur la scène médiatique, en s'appuyant sur des campagnes d'information et leur évaluation.

La politique de sécurité routière doit agir à différents niveaux : instaurer une véritable formation post-permis, du permis probatoire à l'accès gradué à la conduite ; contrôler la vitesse, encore et toujours ; établir des diagnostics préalables à l'aménagement des routes existantes ; moderniser la signalisation des dangers et l'adapter aux conditions de conduite – vitesse, trafic, météo ; améliorer les systèmes d'aide à l'intérieur du véhicule, plutôt en termes de sécurité primaire, mais aussi pour les deux-roues, notamment en ce qui concerne leur détectabilité – casque, dispositifs réfléchissants ; enfin, engager une action à destination des entreprises, plus particulièrement dans le domaine des transports, et mettre en place des plans de prévention routière.

Tous ces éléments en témoignent, la recherche scientifique peut contribuer à améliorer l'efficacité des politiques menées. Comme cela a été le cas en Grande-Bretagne, les travaux scientifiques interviennent d'abord dans la définition et l'analyse des problèmes à résoudre. Des recherches sont donc nécessaires pour produire et affiner les connaissances concernant les causes des accidents et les mesures à mettre en oeuvre pour réduire l'accidentalité.

Je souligne la nécessité de faire progresser la connaissance sur l'évaluation des politiques, notamment d'aménagement, et sur l'accidentalité, notamment par catégories d'usagers et par classes d'âge. Il y a également un grand intérêt à cibler des populations particulières comme les personnes vulnérables, les imprudents, les réfractaires. Pour que ces études puissent être réalisées, l'observation, continue ou ponctuelle, est fondamentale.

Parmi les pistes de recherche, on peut également souligner l'intérêt d'une approche en termes d'années de vie perdues, de handicaps, et d'années de vie en bonne santé gagnées, ce qui permettra notamment de se focaliser sur les jeunes, particulièrement vulnérables, qu'ils soient piétons, cyclistes ou usagers de deux-roues motorisés. Il serait, en outre, intéressant d'identifier les situations potentiellement conflictuelles et susceptibles de mener à l'accident, afin de construire un environnement et un tracé de la route complètement lisibles et susceptibles d'induire des comportements sûrs.

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